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Paul Khalifeh

Yaïr Lapid, le George Clooney israélien

Le paysage politique israélien est en perpétuelle recomposition. A chaque élection son parti, sa star du moment, qui occupe la scène le temps d’une parenthèse, avant d’être déchue, anéantie par un scandale sexuel, moral ou financier. Ces personnages entraînent  dans leur déchéance les partis qui les ont portés au pouvoir.
Ce phénomène de recomposition-décomposition est une caractéristique des sociétés qui traversent une crise identitaire. En Israël, les contradictions sont nombreuses et profondes entre les ultrareligieux et les laïcs, les colons et le reste de la population, les sépharades et les ashkénazes, les russophones et les autres, les juifs et les Arabes, les partisans de la paix et les faucons, les riches et les pauvres. Cette mosaïque a, de tout temps, été cimentée par des «mythes fondateurs», qui n’ont plus le même effet rassembleur qu’auparavant chez les jeunes générations. D’où le besoin d’entretenir et d’alimenter le mythe de la forteresse assiégée. L’Iran fait aujourd’hui office d’ennemi absolu contre lequel il faut se défendre par tous les moyens pour échapper à l’anéantissement. Mais ce discours, qui participe des stratégies classiques de propagande (victimisation, diabolisation, causes essentialisantes etc.) n’est plus aussi porteur. Seuls 10% des Israéliens ont indiqué que leur vote avait été déterminé par l’enjeu iranien. Ce qui n’a pas empêché Benyamin Netanyahu de réaffirmer que la priorité de son prochain gouvernement sera d’empêcher l’émergence d’un Iran nucléaire.
Les Israéliens sont plus préoccupés par les questions économiques et les défis sociaux, typiques d’une société à la recherche d’une confiance perdue. C’est sans doute cela qui a favorisé l’émergence dans le monde politique de Yaïr Lapid, «cet individu à la George Clooney», comme le décrit le Jérusalem Post dans un reportage, par opposition au détestable Avigdor Lieberman.  
Journaliste et écrivain, ancienne star de la télévision, Yaïr Lapid et son parti Yesh Atid, s’imposent comme la deuxième force politique du pays, avec 19 sièges à la Knesset. Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste d’Israël, attribue l’irruption de cette formation centriste et laïque sur la scène politique à «un besoin énorme d’un renouvellement des courants politiques» et à une volonté de «sanctionner» la classe politique traditionnelle qui «a échoué à innover en matière économique et sociale». C’est sans doute une explication, mais il y en a une autre. Yaïr Lapid semble être un admirateur du président américain Barack Obama, dont la photo en compagnie de son père, le journaliste et homme politique Yossef Tommy Lapid, trône dans son appartement. Même le slogan de Yesh Atid, «Les choses peuvent changer», ressemble étrangement au célèbre «Yes we can» de Barack Obama, qui avait galvanisé la jeunesse américaine lors de la présidentielle de 2008.
Au-delà des considérations israéliennes purement internes, l’irruption de Yaïr Lapid répond aussi à un besoin externe, celui d’avoir pour l’Administration américaine un interlocuteur, un partenaire, un allié, susceptible de freiner les pulsions bellicistes de Benyamin Netanyahu, qui ne cache pas sa volonté de vouloir entraîner les Etats-Unis dans une guerre contre l’Iran pour le compte de l’Etat hébreu. Une option qui ne figure pas sur l’agenda du second mandat de Barack Obama. Il l’a bien montré en nommant au Pentagone Chuck Hagel, un homme connu pour son opposition à l’option militaire contre Téhéran et son hostilité au lobby israélien à Washington.
Le nouveau décor planté en Israël laisse deviner que le désamour entre Netanyahu et Obama est appelé à durer. Mais dans les querelles de couple, rien n’est jamais définitif.

Paul Khalifeh

 

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