Magazine Le Mensuel

Nº 2892 du vendredi 12 avril 2013

Tribune libre

Union intercommunautaire autour de Marie

Comme chaque année depuis 2007, une rencontre de prière islamo-chrétienne s’est tenue ce 25 mars dans l’église du collège Notre-Dame de Jamhour, animée par l’Amicale des anciens élèves. Fruit du labeur de Nagy el-Khoury – secrétaire général de la rencontre elle-même et de l’Amicale des anciens, et président de la Fédération des anciens élèves des écoles catholiques – avec toute la dévotion, la sagesse et le savoir-faire qu’on lui connaît, ce mouvement est le principal moteur de la décision du Conseil des ministres (18/02/10) de faire de l’Annonciation une fête nationale. Dans son allocution, Khoury insiste sur notre responsabilité de donner aux jeunes un exemple de paix au lieu de leur léguer des conflits ethno-religieux.
Le cheikh Mohammad Nokkari, juge chérié de Beyrouth, voit en nos différences grâce et miséricorde plutôt que malédiction, et nous annonce cette fois-ci que des événements similaires sont projetés outre-mer, notamment au Brésil et à Lourdes.
Quant à l’uléma, Sayyed Ali Fadlallah, il met en évidence les caractéristiques de Marie sur lesquelles chrétiens et musulmans s’accordent. Faisant le lien avec l’Immaculée Conception, il cite la sourate Al Omran, verset 42, du Coran: «Ô Marie, Dieu t’a choisie et purifiée et Il t’a élue parmi les femmes du monde». A propos du Liban, Sayyed Ali affirme, «qu’en tant que patrie, il ne peut continuer sans que nous soyons conscients du caractère sacro-saint de la citoyenneté; en sa qualité d’Etat, il ne peut continuer sans que nous soyons conscients de la valeur de la Constitution dans notre vie et comme porteur de message, il ne peut continuer dans l’atmosphère de rupture et d’éloignement qui a déformé les valeurs caractérisant le mieux le Liban islamo-chrétien, lesquelles valeurs nous sont indispensables pour sauver la nation de ses épreuves».
Najwa Houssaïki el-Aandari, soutient, pour sa part, que Marie étant notre mère à tous, Elle est notre meilleur choix pour nous rassembler et favoriser l’interaction entre nous.
Si d’autres instituts libanais, comme l’Université Notre-Dame (Louaïzé), contribuent de tradition à mettre en relief ces mêmes valeurs islamo-chrétiennes, la grande nouveauté nous vient cette année de Rome et nous surprend agréablement. Voilà qu’en ce début de pontificat de Sa Sainteté le pape François – lui-même jésuite «et cela se voit» comme l’a relevé le père Bruno Sion, recteur de Jamhour – le Vatican nous transmet ses encouragements par le biais du cardinal Peter Turkson, président du Conseil pontifical pour la justice et la paix et archevêque émérite de Cape Coast au Ghana. Ce message va dans le prolongement des deux dernières exhortations apostoliques en rapport avec le Liban: celle du bienheureux Jean-Paul II (mai 1997) qui promeut l’unité dans la diversité, et celle du pape émérite Benoît XVI (septembre 2012).
Si donc le tissage de la toile n’en était jusqu’alors qu’à ses débuts, le résultat actuel semble être prometteur et il confirme la mission universelle du Liban comme modèle de convivialité interconfessionnelle; une mission qui ne peut perdurer dans une logique et un mode de cohabitation incompatibles avec les valeurs spécifiques d’une seule des deux principales communautés du pays et où le principe fondamental de l’unité ne tiendrait compte ni de cette diversité ni des valeurs communes aux deux. Les perspectives de laïcité au Liban sont réduites; elles s’arrêtent à la limite au-delà de laquelle les fondements de la foi, chez les uns ou chez les autres, seraient ignorés par des résolutions et des législations contradictoires; et nous avons déjà vu que cela advient très tôt dans le processus de laïcisation. Les perspectives d’union ne seraient en revanche que renforcées par le travail sur un développement de nos dénominateurs communs sans toucher d’un iota à nos disparités. C’est la raison pour laquelle cette singulière mission du Liban perdrait sa raison d’être si les chrétiens cessaient d’être chrétiens ou si les musulmans cessaient d’être musulmans, ou encore si leur unité devait se réaliser autour de valeurs étrangères à leurs fois respectives.
En comparaison avec un projet aussi profond, où diverses communautés se retrouvent toutes autour de Marie, l’élue de Dieu, l’aspect superficiel du mariage civil comme facteur d’unité intercommunautaire est immédiat et son crédit en tant que tel diminue comme une peau de chagrin.
Ah! Si les Yougoslaves avaient eu l’idée et la liberté d’en faire autant au lieu d’avoir pour seul horizon l’ultra-laïcité et l’anticléricalisme de Tito! L’option de se retrouver autour de Marie (puisque, comme nous, ils L’ont tous en commun) leur aurait sans doute offert plus de chances de rester unis.

 

Par Christian Jeanbart
Master en affaires internationales

 

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