Magazine Le Mensuel

Nº 2900 du vendredi 7 juin 2013

Confidences Moyen-Orient

Confidences Moyen-Orient

Magariaf  jette l’éponge
Le président du Conseil national libyen (le nouveau Parlement issu de la révolution), Mohammad Youssef el-Magariaf, a tenu parole. Après des semaines d’hésitation, il a choisi de présenter sa démission, ne pouvant plus tolérer la loi de la jungle qui domine au pays de Omar el-Mokhtar. Respecté par une large partie de la classe politique libyenne, il ne supportait plus de voir les principaux ministères assiégés par des milices armées, et la ville de Benghazi contrôlée par des anciens rebelles qui agissent à leur gré. Aussi a-t-il préféré rentrer chez lui pour ne pas être témoin de cette mascarade, qui a transformé la Libye en une République bananière. Même au temps de Mouammar Kadhafi, les Libyens n’avaient pas autant souffert.   

       

Problème de voisinage
Au moment où l’Ethiopie annonçait la construction d’un nouveau barrage pour dévier une grande partie du Nil, les observateurs au Caire grinçaient des dents. Mais pas à Khartoum, même si le voisin soudanais doit subir les mêmes dommages que l’Egypte, ce qui représente, à long terme, un défi sérieux au développement du pays. Des analystes ont noté que l’annonce faite à Addis-Ababa n’a pas surpris le régime au Soudan, averti à l’avance de ce projet très ambitieux. Il y avait donné son feu vert, ce barrage pouvant lui rapporter des bénéfices. L’accord historique entre Le Caire et Khartoum sur le partage des eaux du Nil est bel et bien enterré.     

 

Abdellatif Kechiche le cinéaste d’origine tunisienne, dont le film vient d’être couronné de la Palme d’or au Festival de Cannes, a provoqué la colère des islamistes d’Ennahda qui n’ont pas du tout apprécié La Vie d’Adèle, un long métrage racontant l’histoire d’un couple de femmes homosexuelles. Le ministre tunisien de la Culture, Mahdi Mabrouk, s’est donc retrouvé dans l’embarras, forcé de féliciter le cinéaste. Mais il l’a fait avec réserve. Entre-temps, les barbus étaient mobilisés sur les réseaux sociaux, exigeant l’interdiction du film et demandant des poursuites judiciaires à l’encontre de Kechiche. Nul n’est prophète dans son pays.        

Robert Ford l’ambassadeur américain à Damas, qui se trouve à Washington depuis plusieurs mois, devrait quitter ses fonctions définitivement à la fin de l’été. Le diplomate, chargé également du dossier syrien auprès de la Maison-Blanche, n’a pas vraiment brillé, l’Oncle Sam n’ayant toujours pas de politique claire dans le conflit syrien. Des proches de Ford, qui avaient visité Hama en 2011 pour soutenir les manifestants, ont affirmé qu’il était très fatigué et que moralement il n’avait plus les moyens de tenir le cap. D’autres sources affirment que les vraies raisons de ce changement sont le manque d’affinité entre l’ambassadeur et son nouveau ministre de tutelle, John Kerry. Quoi qu’il en soit, il est devenu clair que les Etats-Unis doivent adopter une fois pour toutes une position définitive dans le conflit syrien.       

En pointillé…
Le Premier ministre du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, reçu en grande pompe en Egypte depuis la chute du régime de Hosni Moubarak, vient de donner des conseils au nouveau régime des Frères musulmans. Le leader du Hamas a appelé le président Mohammad Morsi à annuler les accords de Camp David car «les Israéliens en profitent pour déstabiliser la situation sécuritaire en Egypte. Nous ne nous mêlons pas des affaires internes égyptiennes et souhaitons juste fournir des conseils fraternels». Stupéfaction au Caire, surtout parmi les membres de la Confrérie des Frères musulmans, très sensibles sur ce sujet qui divise même les rangs du Conseil de la choura des Ikhwan. La présidence égyptienne, quant à elle, qui accuse l’opposition d’être manipulée par des pays étrangers, n’a pas trouvé utile de commenter ces propos.      

L’Espagne rend le yacht de Ben Ali
Après la révolution des jasmins, le nouveau gouvernement tunisien s’était empressé de demander le rapatriement des biens de l’ancien président Zine el-Abidine Ben Ali et des membres de sa famille. Dans sa ligne de mire: les yachts et propriétés à l’étranger de la famille Trabelsi. Après des mois de tractations et de pourparlers tenus secrets, Madrid a finalement accepté de renvoyer le yacht qui appartenait à Belhassan Trabelsi, gendre du président déchu. Evalué à près de 8 millions d’euros, il est désormais mis aux enchères, mais les acquéreurs se font rares. Une seule offre de 7 millions d’euros a été présentée et aussitôt rejetée par le gouvernement. Entre-temps, le ministre de la Justice tente de convaincre Ottawa d’extrader le frère de l’ancienne Première dame, Leila, pour être présenté devant la justice tunisienne. Ce ne sera pas chose facile.    

Bagdad accuse Erbil!
Les proches du Premier ministre irakien Nouri el-Maliki ne mâchent plus leurs mots et accusent ouvertement la province semi-indépendante du Kurdistan d’être le premier financier des actes terroristes commis à travers le pays des deux fleuves. Quelques heures après une nouvelle vague d’attentats qui a mis Bagdad à feu et à sang, Ahmad Chalabi, chef du Congrès national irakien et proche du Premier ministre, est monté au créneau pour pointer du doigt le gouvernement kurde qui, selon lui, serait impliqué dans ces opérations. Il a ajouté sur son compte Facebook: «Les sources de financement du terrorisme se trouvent dans les banques d’Erbil et ces actions sont commises avec le consentement des leaders kurdes». Des analystes sont inquiets des tensions grandissantes entre les communautés arabe et kurde. Du jamais vu depuis la chute du régime de Saddam Hussein, en 2003.    

 

Mais où est passé le président?
Depuis son hospitalisation en France, aucune photo du président algérien, Abdel-Aziz Bouteflika, n’est publiée, ce qui alimente les rumeurs sur son état de santé, très grave selon les opposants, peu inquiétant selon le gouvernement. Les Algériens qui ne savent plus qui croire ont décidé de laisser tomber le sujet. Ils ne réagissent plus aux fuites orchestrées par le régime qui prétend que Bouteflika sera rentré très bientôt au pays. Cette absence prolongée a permis au Premier ministre, Abdelmalek Selal, de s’imposer en successeur légitime à son ancien mentor. Le parti au pouvoir semble avoir enfin réussi à surmonter ses divisions internes en s’accordant sur Selal qui n’est pas un nouveau venu, mais qui contrairement aux autres dirigeants, jouit d’une personnalité rassembleuse et d’un charisme apprécié par la population à Alger. Reste à savoir s’il obtiendra le soutien de la toute-puissante armée, qui a eu le dernier mot sur tous les présidents de la République depuis l’indépendance  du pays. Feuilleton à suivre.       

Buvez votre pétrole
Le président soudanais, Omar Hassan el-Bachir, arrivé au pouvoir depuis 1989 après un coup d’Etat qui a mis un terme à l’expérience démocratique soudanaise, n’est pas connu pour sa langue de bois. Alors que les observateurs espéraient un dénouement du conflit entre Juba et Khartoum à la suite de la dernière visite de Bachir au Sud-Soudan, le général a fait table rase et remis les compteurs à zéro. Selon le président soudanais, son homologue Salva Kiir «devra apprendre à bien se tenir, sinon je lui ferai boire son pétrole». Une allusion au fait que les Sudistes ne peuvent profiter de leur richesse en or noir sans le consentement du voisin du Nord. Ces nouvelles menaces compliquent une situation déjà explosive au moment où tout le monde espérait voir ce dossier clos une fois pour toutes.       

L’Egypte, un pays de tourisme
Les mouvements salafistes égyptiens ne sont pas connus pour leur soutien au secteur touristique. Bien au contraire, certains de leurs cheikhs voudraient bien voir les pyramides détruites. Alors que le gouvernement tente à tout prix de rassurer les touristes étrangers tout en tendant la main à un nouveau genre d’activités, le tourisme religieux, les salafistes menacent de ne pas se laisser faire. La raison de cette colère fut l’annonce faite à Téhéran de la signature d’un accord qui permettrait aux Iraniens de se rendre sur les lieux islamiques saints en Egypte dès cet été. Mais c’était sans compter sur le parti al-Nour, qui a violemment protesté contre ce qu’il a considéré comme une expansion chiite visant à envahir le nord de l’Afrique «sunnite pour le convertir au chiisme». Les salafistes ont ainsi fait savoir qu’ils bloqueront la route de l’aéroport dès l’arrivée du premier visiteur iranien.    

7 milliards de dollars c’est le montant de l’aide financière accordée par la République islamique d’Iran au régime du président Bachar el-Assad. Ce chiffre n’est pas fictif, puisqu’il a été donné par le gouverneur de la Banque centrale syrienne Adib Mayyala. Sans ce soutien, il aurait été difficile d’imaginer comment le régime baasiste pouvait continuer à verser les salaires des fonctionnaires de l’Etat, et surtout des membres de l’armée. Si on ajoute à cela les énormes quantités d’armes envoyées par l’Iran à l’allié syrien, il devient clair que c’est grâce à Téhéran que le régime réussit à se maintenir en place deux ans après l’éclatement du mouvement de contestation, devenu un sanglant conflit armé. La République islamique, qui subit elle-même des sanctions internationales, souffre économiquement et financièrement. Mais elle est prête à tout pour ne pas perdre son premier allié de poids dans la région. Un scénario catastrophe dont le Guide suprême Ali Khamenei ne veut même pas entendre parler.     

4 milliards de dollars sont le coût du plan économique proposé par le secrétaire d’Etat américain John Kerry à l’Autorité palestinienne. Le diplomate américain, qui n’a pas souhaité se rendre à la Moukataa, s’était entretenu avec le président palestinien Mahmoud Abbas dans la capitale jordanienne Amman, afin de tenter de ranimer le processus de paix, paralysé depuis plusieurs années. Kerry avait demandé en échange que Ramallah fasse d’importantes concessions, ce qui a été rejeté sur-le-champ par Abou Mazen. Pour le leader palestinien, le seul moyen de relancer les pourparlers avec l’Etat hébreu est de convaincre Benyamin Netanyahu de mettre fin au projet d’expansion des colonies sur le territoire palestinien. Vu ces importantes divergences, il est peu probable que les négociateurs palestiniens et israéliens se tiennent autour d’une même table en 2013. Kerry devra se montrer plus innovant s’il veut vraiment faire une percée.      

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