Magazine Le Mensuel

Nº 2900 du vendredi 7 juin 2013

Semaine politique

Gouvernement. Otage du Conseil constitutionnel

Deux mois après sa désignation, Tammam Salam est suspendu aux délibérations du Conseil constitutionnel sur la validité de la prorogation du Parlement qui détermineront la couleur de son gouvernement – technocrate pour superviser les élections ou politique pour gérer le pays pendant un an et demi.
 

Le Premier ministre désigné est l’otage de la situation politique du pays. Les recours en invalidation de la prorogation votée par le Parlement, qui rouvrent la possibilité de la tenue d’élections, placent Tammam Salam au mieux dans l’expectative, au pire dans l’impasse. Mais l’homme est pressé. Depuis sa désignation «à l’unanimité», comme il aime le rappeler pour mettre les partis qui l’ont nommé devant leurs responsabilités, il a déjà présenté à Michel Sleiman deux formations gouvernementales, sans l’accord préalable des partis consultés. Le président de la République et le parrain Walid Joumblatt ont jusqu’ici refusé d’appuyer ces initiatives; le Hezbollah et ses alliés voient d’un très mauvais œil le penchant de Salam pour le Courant du futur. Samedi dernier, rebelote. Après s’être entretenu avec le patriarche Béchara Raï, Salam a présenté une troisième liste de noms à Baabda. Elle compte seize noms – les précédentes en comptaient 24 – perçus comme non provocateurs. Mais là aussi, le chef de l’Etat et le leader druze ont dit non. Un retour à la case départ qui n’élude pas les termes de la nouvelle équation entre-aperçue les jours derniers.
Des confidences rapportées par la presse révèlent que Salam estime que «le report de la formation du gouvernement n’a plus de justification politique». Dans ce cadre-là, le Premier ministre désigné a suivi avec attention la rencontre, ces derniers jours, entre le leader du Bloc parlementaire du Courant du futur, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, et le conseiller de Nabih Berry, le ministre Ali Hassan Khalil. Après s’être mis d’accord sur la prorogation, les deux hommes ont évoqué la question du gouvernement. Du côté du Futur, c’est Saad Hariri qui est à la manœuvre. Samedi dernier, l’ancien Premier ministre a contacté l’ensemble des cadres du parti. Son message était clair: «Il faut aider Salam». Un mot d’ordre qui vient de Riyad, qui tient à unir les sunnites libanais, dans le cadre de son bras de fer régional avec le Qatar. Le dîner donné par Ali Awad Assiri, ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, qui a réuni les anciens Premiers ministres, va dans ce sens.
Le projet de Riyad va plus loin. L’objectif principal de l’unification des rangs des sunnites au Liban, c’est l’isolement du Hezbollah. Traduction dans le dossier gouvernemental. Se contentant jusqu’alors de refuser à la coalition politique dirigée par le Hezbollah d’obtenir le tiers de blocage au sein du gouvernement, le Courant du futur a haussé le ton: la participation du Parti de Dieu à la bataille de Qoussair exclut sa présence. Les idées échangées par Siniora et Khalil sur un gouvernement classique d’union, qui pourrait ne pas être dirigé par Tammam Salam – il a été question, au cours de cette réunion, de la députée de Saïda, Bahia Hariri – sont donc devenues caduques.
De l’autre côté de l’échiquier, le Hezbollah et ses alliés se tiennent à la formation d’un gouvernement d’union nationale dans lequel ils auraient le tiers de blocage.
Dans ce contexte politique flou, suspendue aux développements de l’affrontement militaire en Syrie, l’Arabie saoudite, parrain des sunnites au Liban, veut isoler le Hezbollah. Difficile dans cette atmosphère de former un gouvernement politique. Autre certitude, le sort des élections n’a pas toujours été entériné. Difficile du coup de former un gouvernement «chargé de superviser les élections».
En additionnant ces deux considérations, les observateurs arrivent au même résultat, Tammam Salam ne réussira pas à former de gouvernement, au moins pendant l’été. Najib Mikati, qui a tenté de recoller les morceaux avec le Hezbollah, a encore de beaux jours au Grand sérail.

Julien Abi Ramia

Naïm Kassem prévient
Mardi, Naïm Qassem, vice-secrétaire général du Hezbollah, a condamné les dernières prises de position du Courant du futur contre le parti. «Nous entendons, ici et là, que le Courant du futur fixe les règles du jeu. Mais ce parti a oublié qu’il n’était pas en position de distribuer les bons points et de décider de qui doit faire partie du gouvernement». «Soufflez et laissez vos sympathisants 
souffler; n’ajoutez pas un nouvel échec à vos échecs précédents», a-t-il ajouté.

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