Magazine Le Mensuel

Nº 2904 du vendredi 5 juillet 2013

Presse étrangère

Le ressentiment domine

La presse régionale et internationale fait montre cette semaine d’une grande inquiétude pour le Liban. Au-delà des considérations politiques, d’autres pans de la société libanaise sont plongés en pleine crise. Revue de la presse étrangère.

Al-Hayat
Dans les colonnes du quotidien à capitaux saoudiens, al-Hayat, comme dans une grande partie des journaux édités dans les pays du Golfe, c’est le sentiment des sunnites du Liban qui est mis en avant, après l’épisode de Abra.
Les musulmans sunnites de Saïda et de Tripoli, deux villes symboliques, priaient en «soutien» au cheikh Ahmad el-Assir et à ses partisans. Une façon de dénoncer les leaders politiques sunnites, spécialement ceux du Courant du futur, à qui est reproché leur silence. Bien sûr, personne ne discute du droit de l’Etat, y compris l’armée, de répondre à toute agression contre lui. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’une agression, comme ce fut le cas à Abra.
D’un autre côté, l’image de l’armée a commencé à s’éroder sur la scène sunnite, en particulier dans sa périphérie. Le principe adopté ici est celui de la répression contre les mouvements extrémistes et le terrorisme. Les services de l’armée ont ainsi engagé de vastes campagnes d’arrestations. Si des actes d’accusation ont été délivrés dans certains cas, un grand nombre de personnes détenues dans des conditions misérables attendent depuis des années d’être fixées sur leur sort.
L’opinion sunnite ne parvient pas à faire la distinction entre deux éléments. D’un côté, la «victimisation» que les sunnites ressentent, qui expriment leur appartenance identitaire, en écho à la montée en puissance des jihadistes dans la région. De l’autre, la diabolisation de l’appareil sécuritaire libanais qui, dans le passé, avait des liens avec la Syrie et aujourd’hui avec le Hezbollah.

Human Rights Watch
Il y a quelques jours, Human Rights Watch a publié un rapport édifiant sur les façons de faire de la police libanaise.
A l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, l’ONG (organisation non gouvernementale) a publié un rapport qui indique que les personnes vulnérables placées en garde à vue, telles que les consommateurs de drogue, les travailleurs sexuels et les personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles et transsexuelles (LGBT), sont menacées, maltraitées et torturées par les forces de la sécurité nationale libanaises.
Les formes de torture les plus courantes qui ont été signalées sont les coups donnés avec les poings, avec les bottes ou avec des instruments, tels que des bâtons, des cannes ou des règles. Dix-sept anciens détenus ont raconté avoir été privés de nourriture, d’eau ou de médicaments lorsqu’ils en avaient besoin, ou que leurs médicaments leur avaient été confisqués. Neuf autres ont signalé avoir été menottés dans des salles de bains ou avoir été immobilisés dans une position extrêmement désagréable, des heures durant. Onze prisonniers ont indiqué avoir été forcés d’écouter les cris d’autres détenus, dans le but de les effrayer et de les amener à collaborer ou à passer aux aveux.
Vingt et une femmes sur vingt-cinq interviewées ont déclaré avoir été soumises à des violences sexuelles ou à des contraintes de la part de la police, allant du viol à l’échange de «faveurs».

Le Figaro
Grand quotidien français de droite, Le Figaro chronique le dernier livre de l’historien Yann Bouyrat, qui analyse le premier cas d’ingérence humanitaire dans lequel s’est engagée la France au Liban en 1860. De pression en pression sur le régime de Bachar el-Assad, les Occidentaux seront-ils conduits, en dépit de l’opposition de Vladimir Poutine, à intervenir en Syrie? Sont-ils conscients que remplacer le dictateur de Damas par un Etat islamiste ne rendra pas service au peuple syrien? Le précédent de la Libye n’a-t-il pas servi de leçon? En 1860, les druzes musulmans massacrent les ­maronites du Mont-Liban. La France, traditionnelle protectrice des chrétiens de l’Empire ottoman, force l’Europe (et surtout l’Angleterre) à envoyer une force de 12 000 hommes, dont elle fournit la moitié, sous la direction du général d’Hautpoul. Selon Napoléon III, il s’agit d’une «opération à but humanitaire». Au terme de l’expédition, la Sublime Porte met au point, en 1861 et 1864, un statut qui accorde au Mont-Liban une autonomie garantie par les grandes puissances, avec la nomination d’un gouverneur chrétien assisté d’un conseil où les différentes communautés religieuses sont ­représentées. Tous ces événements s’accompagnent, en Europe et aussi en France, de débats qui ressemblent furieusement à ceux d’aujourd’hui.
Yann Bouyrat souligne deux différences essentielles avec notre époque. Les nations européennes ont alors des intérêts divergents sur ces théâtres lointains, ce qui les contraint à trouver un compromis acceptable par tous. Tandis que toutes les interventions qui se sont produites depuis la guerre froide ont amené les Occidentaux à agir dans le même sens et donc à imposer leurs vues.
«Les abus envers les prisonniers, tout particulièrement envers les personnes les plus vulnérables de la société, ne vont pas cesser tant que le Liban ne mettra pas fin à la culture de l’impunité de ses forces de police», a déclaré Nadim Houry, directeur adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch.

Libération
Le quotidien français de gauche, Libération, s’inquiète pour la saison touristique du Liban. 
Dia contemple, amer, son restaurant désert à Aley, lieu de villégiature libanais qui accueille chaque été des milliers de riches touristes du Golfe et d’expatriés. Mais cette année, personne n’est au rendez-vous. «D’habitude, se garer est une gageure tellement c’est bondé. Aujourd’hui, les rares visiteurs stationnent devant les restaurants», maugrée cet homme de 27 ans. «Notre chiffre d’affaires a plongé de 50% par rapport à juin l’année dernière», se lamente un pâtissier du coin. «Avant, on avait un client tous les quarts d’heure, aujourd’hui, c’est un miracle si quelqu’un franchit la porte». Selon lui, «300 établissements touristiques ont fermé leurs portes depuis le début de l’année». Même s’il se veut confiant concernant une reprise prochaine, le ministre du Tourisme Fadi Abboud déplore les mauvais chiffres de ce début de saison estivale. «Le taux d’occupation des hôtels à Beyrouth atteint à peine 35% ce mois-ci, moitié moins qu’en temps normal. Hors Beyrouth, c’est catastrophique: 5% contre 35% d’habitude», déclare-t-il. Si l’ambiance est moins morose à Beyrouth, surnommée «capitale de la fête au Moyen-Orient» par les médias internationaux, ou encore dans les zones en «pays chrétien» comme Byblos ou Jounié, les grandes villes touristiques sont touchées de plein fouet.

Julien Abi Ramia
 

La Libre Belgique

Le Hezbollah, ennemi n°1 d’Israël
Le quotidien La Libre Belgique titre Plus fort que l’Armée libanaise, le groupe chiite est 
l’obsession de Tsahal. La route est si discrète entre les arbres que personne ne la voit de loin. Elle mène à Biranit, le quartier général de la division Galilée des forces israéliennes. Biranit n’est qu’à un kilomètre de la frontière libanaise. Pourtant, la porte-parole de Tsahal, le lieutenant Yaar, s’installe sur un promontoire pour expliquer combien Israël craint le 
mouvement chiite du Hezbollah. En pointant chacun des villages au Liban-Sud, elle parle des caches du Hezbollah, des maisons qu’il occupe, des chiites qui descendent au Sud et des 
chrétiens et des druzes qui remontent vers le Nord. «Ils plantent même de faux arbres pour pouvoir tirer des roquettes», dit-elle. L’ancien chef des forces de réserve de Tsahal, Joshua Ben Anat, enchaîne dans la démonstration faite à quelquesjournalistes européens. «Chaque unité du Hezbollah, 
dit-il, a une zone en Israël. Chaque village a sa cible en Israël».

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