Magazine Le Mensuel

Nº 2933 du vendredi 24 janvier 2014

Musique

Vienne à Beyrouth. Un air de Strauss transcende Beyrouth et Tripoli

Personne n’osait y penser, l’ambassadeur d’Autriche à Beyrouth, Ursula Fahringer, l’a fait! En collaboration avec le Conservatoire national supérieur de musique et l’Orchestre philharmonique du Liban, conduit par le maestro Robert Lehrbaumer, elle a délocalisé Vienne à Beyrouth, et plus précisément à Tripoli, en dépit de l’instabilité qui y règne, au cours de deux soirées mémorables, les 17 et 18 janvier dernier. 

 

Selon l’expression consacrée, la musique semble adoucir les mœurs. Le chef d’orchestre autrichien Robert Lehrbaumer et l’Orchestre philharmonique du Liban l’ont bel et bien démontré une nouvelle fois et de quelle magnifique manière, les 17 et 18 janvier dernier à Beyrouth et à Tripoli, deux villes qui avaient pris, l’espace de quelques instants, des airs de Vienne pour leur concert du Nouvel An.

 

La musique, au-dessus 
des troubles sécuritaires
L’année passée, l’ambassade d’Autriche avait déjà défié l’état sécuritaire à Tripoli pour y faire résonner des accords de Strauss bien sûr, mais également de Verdi et de Wagner. En 2014, elle récidive. «Les échos que nous avons de Tripoli sont toujours préoccupants. Les premières pages des journaux sont consacrées à l’insécurité, aux troubles, mais jamais à la paix. Cette ville mérite également de bonnes nouvelles et nous espérons de merveilleuses choses pour elle, souligne l’ambassadeur Ursula Fahringer, au cours d’un petit-déjeuner de présentation à la presse. Quand nous parlons de Tripoli, les gens nous déconseillent d’y aller. Sur place, au contraire, beaucoup ont été intéressés par ce projet. La première édition avait été un tel succès que nous avons décidé de réitérer l’expérience, explique-t-elle. Vous savez, 99% des personnes à Tripoli sont pacifiques. Je m’y suis rendue ces derniers temps, une fois par semaine, et je suis toujours en vie, ajoute-t-elle. Les attentats sont malheureusement aussi présents à Beyrouth».
La capitale qui, quant à elle, en est déjà à sa onzième édition, que n’a jamais boudé le chef d’orchestre Robert Lehrbaumer. La soprano Carole Solage, elle, a fait ses premiers pas dans l’arène viennoise. «C’est un grand honneur que m’a fait l’ambassade d’Autriche de participer à cet événement, souligne-t-elle. J’ai d’ailleurs eu la chance d’être formée pour ce programme par le maestro Lehrbaumer notamment sur la diction». A savoir si la représentation de Tripoli l’inquiétait, l’intéressée répond sans ambages: «Je suis libanaise, la guerre n’est pas un obstacle. Face à cet état de troubles, il y a différentes façons de pouvoir s’exprimer et pas uniquement à travers la violence, mais par la musique et les arts, qui nous permettent de dire que l’on existe, assure-
t-elle. La paix doit se construire à travers des projets concrets. Et la musique n’a aucune frontière, c’est un langage universel».
Du côté du conservatoire, on se félicite de ses partenariats riches en expériences. «Chaque année, nous avons différentes collaborations avec des chefs d’orchestre ou des solistes étrangers, cela fait partie de l’activité de l’orchestre harmonique, informe Walid Moussallem, membre du conseil d’administration au conservatoire. Sur notre trentaine de concerts annuels, la moitié comporte des invités de renommée internationale. Cela nous permet de profiter de leur expérience et d’échanger d’un point de vue culturel. Le langage musical est au-dessus de toutes les différences», présente-t-il, en assurant que la réaction des chefs d’orchestre invités est toujours la même: «Très enthousiastes, très contents, tous veulent revenir à l’instar de Robert Lehrbaumer, qui en est à sa onzième édition».  

 

Des spectateurs emportés
Vendredi 17 janvier, à Beyrouth, l’église Saint-Joseph des pères jésuites fait salle comble. Après un discours d’Ursula Fahringer s’achevant par une citation de Gibran Khalil Gibran, la représentation commence par une valse de Johann Stauss Junior. Les morceaux s’enchaînent, la diva libanaise Caroline Solage entre sur scène à trois reprises sur des opérettes. Se succèdent des pièces d’Emmerich Kalman, Franz Lehar et du contemporain Gernot Wolfgang sous la baguette de l’incroyable Robert Lehrbaumer qui s’envole littéralement au fil des mesures, transcendé et transcendant ses 80 musiciens de tout son être. Le programme se termine par la Rhapsody in blue de George Gershwin, qui en cette année 2014, fête ses 90 ans. Un morceau «qui a influencé l’évolution de tous les compositeurs de cette période», assure le maestro qui ne résiste pas au plaisir de s’installer au piano pour offrir au public un délice tant pour les oreilles que pour les yeux.
Puis, comme le veut la tradition des concerts du Nouvel An de Vienne, la représentation se termine par trois rappels. Si le premier est tiré du répertoire de Chopin, c’est le Beau Danube bleu», la valse la plus connue de Strauss Junior, qui prend la suite avant que la Marche de Radetzky de Johann Strauss père ne mette en état de grâce l’église Saint-Joseph. L’assemblée se laisse guider sans tortiller par Robert Lehrbaumer, du pianissimo au forte, les spectateurs sont tous debout frappant dans leurs mains au rythme de l’Orchestre philharmonique. 


Delphine Darmency

«Vienne à Tripoli»
Le concert à Tripoli s’est tenu le 18 janvier à l’école secondaire Rawdat al-Fayhaa grâce à la collaboration du président de la 
Communauté urbaine al-Fayhaa, maire de Tripoli, le Dr Nader Ghazal, de l’ambassade d’Autriche, du conservatoire et de la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture 
de Tripoli et du Liban-Nord.

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