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Nº 2946 du vendredi 25 avril 2014

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Les Arméniens de Kassab. 330 familles réfugiées à Beyrouth et Anjar

La communauté arménienne a été profondément choquée par les récents événements qui ont vu se vider de sa population le village de Kassab. La plupart des habitants se sont réfugiés à Lattaquié. D’autres sont venus au Liban où ils ont des parents. Environ trois cents familles sont à Beyrouth, ainsi qu’une trentaine à Anjar, à mi-chemin entre Beyrouth et Damas.
 

A Lattaquié, les 2 500 réfugiés sont installés pour la plupart dans des camps de fortune. Beaucoup logent dans les églises. Aucune mesure de long terme n’a été prise. L’objectif numéro un, pour les autorités syriennes à Lattaquié, comme pour la communauté arménienne, est le retour à Kassab. En attendant que la situation change, les institutions arméniennes, comme le catholicossat d’Antélias, envoient vivres et vêtements aux populations démunies. «Les habitants de Kassab ont fui dans la nuit, ils n’ont rien pu emporter avec eux. Ils ont été accueillis à bras ouverts, mais on manque là-bas cruellement de moyens», confie un des responsables du catholicossat d’Antélias.
A Anjar, village arménien non loin de la frontière libano-syrienne, le drame que subissent les habitants de Kassab a une résonnance toute particulière. Depuis le début de la crise, Anjar a déjà accueilli de nombreuses familles d’Alep, de Raqqa ou encore de Deir Ezzor. «Il s’agit pour la plupart de familles de commerçants plutôt aisées, qui ont pris le temps d’organiser leur départ de Syrie», indique Garo Pamboukian, maire du village de Anjar. La situation des réfugiés de Kassab est différente. Ils sont partis sans le prévoir, désemparés et sans argent. Depuis la prise de Kassab par les rebelles, fin mars, la commune d’Anjar a créé un Comité spécial pour les réfugiés de cette localité. Les familles qui arrivent sont logées gratuitement dans des maisons inoccupées, les propriétaires vivant le plus clair de l’année dans les grandes villes voisines, principalement Beyrouth et Damas.
Cet accueil a créé même des jalousies entre réfugiés syro-arméniens. «Les gens d’Alep ou d’ailleurs paient leur loyer et nous ne leur fournissons aucune aide. Depuis que les gens de Kassab sont arrivés et que nous leur avons porté assistance, certains réclament aussi les mêmes avantages», déplore Garo Pamboukian.
Si les traitements différenciés font des jaloux, ce n’est pas en raison de la situation matérielle inégale entre les différents réfugiés, mais bien parce que les habitants de Kassab ont une valeur particulière aux yeux des habitants de Anjar. Village symbolique, témoin vivant du génocide, irréductible résistant au voisin turc, Kassab jouit d’une singulière proximité avec les habitants de Anjar. Originaires de Moussa Dagh, à moins de cinquante kilomètres de Kassab, les habitants de Anjar apparentés à ceux de Kassab. Ils ont le même dialecte, la même culture, les mêmes traditions, et vivent tous deux principalement de l’agriculture. Garo Pamboukian avoue que cette proximité joue dans l’accueil particulier réservé aux réfugiés de Kassab. «A Anjar, c’est vrai que nous sommes assez renfermés. L’histoire de notre village y joue pour beaucoup. Lorsqu’un Arménien originaire de la ville ou d’une autre région que la nôtre, nous l’appelons par fierté «étranger» («yabanji» en arménien), et nous parlons entre nous la langue qu’ils ne comprennent pas. Les gens de Kassab sont comme nous, alors ça nous rapproche».
Si le maire de Anjar réserve un traitement privilégié aux gens de Kassab, il ne souhaite pas pour autant qu’ils restent indéfiniment au village. Pour lui, l’objectif, dans l’intérêt de toute la communauté arménienne, c’est le retour à Kassab. «Ils ne peuvent pas abandonner leurs terres sans se battre. Elles ont trop de valeur pour être laissées aux Turcs de cette façon. Il s’agit du dernier village de Cilicie épargné par les annexions turques. A Moussa Dagh, nous nous sommes battus. Nous avons perdu, mais nous sommes partis la tête haute. Les habitants de Kassab doivent en faire autant», affirme Garo Pamboukian.

Elie-Louis Tourny

Amitié libano-arménienne
Outre la question de l’accueil privilégié réservé aux habitants de Kassab au Liban, la proximité entre Libanais et Arméniens remonte à la période du génocide. Dans un message du ministre de la guerre, Envers Pacha, au ministre de l’Intérieur, Talaat Pacha, le premier affirme que la cible suivante du génocide sont les Libanais: «L’Empire ottoman devrait être débarrassé des Arméniens et des Libanais. Nous avons détruit les premiers par l’épée, nous devons détruire les seconds par la famine». Lors de la fuite des Arméniens du génocide, le chérif Hussein Ben Ali, alors roi du Hedjaz, lance en 1917 un décret invitant les dirigeants arabes à venir en aide aux Arméniens, les décrivant comme le peuple protégé des musulmans (Ahl Dimmat al-Muslimin).

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