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Nº 2990 du vendredi 27 février 2015

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Colin Clarke, chercheur américain. Voilà comment l’EI et al-Qaïda se financent

Les Nations unies ont récemment adopté une nouvelle résolution visant à renforcer les restrictions sur le financement du terrorisme. Dans quelle mesure le financement d’al-Qaïda se distingue-t-il de celui de l’Etat islamique? Comment combattre ce fléau? Magazine a rencontré Colin Clarke, chercheur auprès de Rand Corporation et auteur du livre Terrorisme Inc.
 

Dans quelle mesure l’approche financière adoptée par al-Qaïda se distingue-t-elle de celle de l’Etat islamique (EI)?
Il existe certaines similitudes et des différences entre les deux groupes. Ces derniers dépendent en partie d’économies que j’appellerai «grises» et «sombres». La première comporte entre autres le soutien apporté par la diaspora, les organismes caritatifs, la fraude et les entreprises légales comme les sociétés-écrans, qui permettent le blanchiment d’argent. L’économie «sombre» comprend un éventail d’activités criminelles, comme la contrebande et le trafic de marchandises illicites (armes, êtres humains, stupéfiants, etc.), ainsi que le commerce illicite des produits licites, comme le pétrole. En outre, l’économie dite «sombre» comprend les revenus tirés de l’extorsion, du racket, des vols et des enlèvements contre une rançon. Enfin, il y a la question du parrainage des Etats, émanant de l’Etat patron ou de riches particuliers. Dans une certaine mesure, l’EI et al-Qaïda dépendent de ces deux types d’économies grises ou sombres, mais la principale distinction réside dans le fait que l’EI se finance au niveau local, ce qui rend la lutte contre le financement de ce groupe beaucoup plus difficile qu’elle ne l’est pour al-Qaïda, dont les financements dépendent en partie de l’étranger.

Quelles sont les principales sources de revenus d’al-Qaïda et de l’EI notamment après le début des frappes?
Al-Qaïda recueille des fonds par le biais de plusieurs activités, comme les dons provenant d’organisations de bienfaisance, ou d’enlèvements, ainsi que du trafic de la drogue, du vol, entre autres. Les méthodes de financement du groupe ont évolué au fil du temps, depuis la guerre d’Afghanistan de 1979 à 1989, et ont su s’adapter aux conflits plus récents (Bosnie, Tchétchénie, Tadjikistan, etc.). Internet demeure un moyen qu’al-Qaïda et les autres groupes terroristes utilisent dans le but de faciliter le soutien logistique et financier de leurs organisations, ce qui leur permet de mener à bien leurs opérations. Comme la plupart des groupes terroristes, le financement dépend de flux et de reflux. En 2008, al-Qaïda a eu du mal à lever des fonds et maintenir un rythme opérationnel élevé. Quelques années plus tôt, en 2005, le numéro deux d’al-Qaïda, Ayman el-Zawahiri, avait demandé une aide financière de 100 000 dollars au chef de l’organisation en Irak (Aqi), Abou Moussab el-Zarqaoui. L’EI est, en général, financé localement par le biais d’activités criminelles, comme le vol de pétrole, le braquage d’institutions financières et l’extorsion. Selon certaines estimations, le revenu quotidien de l’EI, à partir de juillet 2014, génère près d’un million de dollars. Une autre estimation plus «conservatrice» évalue les revenus de l’EI entre 100 et 200 millions de dollars cette année. Le groupe a également «hérité» d’Aqi des dizaines de millions de dollars. En effet, pendant l’insurrection contre les forces américaines en Irak, la logistique d’Aqi, basée en Syrie voisine, notamment le réseau Abou Ghadiyah, était chargée de gérer le flux de combattants, l’argent, et le matériel le long de la frontière irako-syrienne. Maintenant que la capacité de l’EI à lever des fonds par le biais de la contrebande et du trafic de pétrole a diminué, le groupe va sans doute revenir aux formes de financement plus mafieuses. Cela pourrait avoir de graves conséquences sur la capacité du groupe à «gagner les cœurs et les esprits» de la population locale.

Quel regard portez-vous sur l’adoption d’une nouvelle résolution par l’Onu visant à lutter contre le financement des groupes terroristes?
Ce qui compte est l’application de ces lois. A ce jour, le Qatar n’a pas mis en œuvre les mesures de lutte contre le financement du terrorisme. Il faut également identifier ceux qui participent au trafic du pétrole et coordonner avec les gouvernements régionaux afin de consacrer plus de ressources à la mise en échec des réseaux de contrebande et à la sécurisation des frontières poreuses entre les divers pays.
 

Propos recueillis par Mona Alami

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