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Nº 2995 du vendredi 3 avril 2015

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Le rêve libanais de Ramzy Hafez. «J’appelle le citoyen libanais à se rebeller»

«J’appelle le citoyen libanais à ne pas démissionner de la vie citoyenne. A ne pas être complice des exactions des politiciens. Il est temps de sortir de notre indifférence et de fonder de nouveaux partis politiques démocratiques et transparents sans clientélisme politique ou communautaire». Dans son ouvrage Le rêve libanais, Ramzy Hafez appelle à une révolution. Il souhaite que les citoyens libanais se rebellent d’abord contre eux-mêmes et agissent pour apporter les changements requis pour que le rêve libanais devienne une réalité.

Après un panorama détaillé de la naissance du Liban, vous revenez dans votre ouvrage sur la guerre, sur les accords de Taëf, sur «le Liban de Rafic Hariri», et vous concluez par votre vision des choses. Le rêve libanais, comme vous l’appelez, est-il réalisable?
Contrairement à ce que l’on dit, le Liban n’est pas né par hasard. Il n’est pas né non plus parce que les grandes puissances l’ont décidé. Le Liban est le résultat  d’une accumulation d’expériences, d’intérêts, de rêves… de tant et tant de choses. Quand l’Etat libanais a vu le jour, les Libanais étaient ravis de se débarrasser des pays mandataires qui les avaient gouvernés, mais le citoyen n’aimait pas le concept d’Etat parce qu’il considérait que ceci ne lui ressemblait pas et ne répondait pas à ses besoins. Chaque groupe avait ses propres projets, ses propres rêves pour le Liban et a fait porter à l’autre la responsabilité de la non-réalisation de ce rêve. Certains souhaitaient que le Liban se rallie au nationalisme arabe, d’autres le considéraient phénicien, d’aucuns souhaitaient en faire un Etat chrétien… Tous ces projets ont été voués à l’échec. Tout le monde a dû faire des concessions. Mais au fil du temps, chaque groupe s’est renfermé sur lui-même et a eu recours à son «leader». En 1926, la Constitution a vu le jour, mais au cours de leur Histoire, les Libanais n’ont fait que violer cette Constitution et se sont recroquevillés dans leurs communautés respectives.

Il y a eu ensuite la guerre de 1975, l’hégémonie syrienne, les accords de Taëf, l’arrivée de Rafic Hariri au pouvoir, la montée en puissance du Hezbollah et ce que vous appelez le printemps du 14 mars et son automne…  des périodes-clés sur lesquelles vous revenez dans votre ouvrage…
Quand Rafic Hariri a accédé au pouvoir, le Liban souffrait de divers maux, toujours omniprésents malheureusement. L’apparition d’armes illégales, une classe politique vacillante, une justice sociale inexistante, de la pauvreté, du confessionnalisme, du communautarisme, du sectarisme, de la corruption… et la liste est longue. Cet homme a fait beaucoup de concessions pour essayer de remettre le pays sur pied. Les gens ne l’ont découvert qu’après sa mort. Puis il y a eu cet instant magique du 14 mars, une graine que les Libanais ont plantée ce jour-là et qui n’a pas réussi à éclore.

Vous parlez du rêve libanais avec ferveur. Quel est le rôle du citoyen dans ce contexte?
J’appelle le citoyen libanais à ne pas démissionner de la vie citoyenne. A ne pas être complice des exactions faites par les politiciens. Quand nous accusons la classe politique de corruption et de communautarisme et que nous ne réagissons pas quand le mandat parlementaire est renouvelé, cela signifie que nous sommes d’accord avec tout ce qui se passe. Il est temps de sortir de notre indifférence, de fonder de nouveaux partis politiques démocratiques et transparents sans clientélisme politique ou communautaire. Parmi les partis politiques existants, aucun ne sert les intérêts nationaux. Pourquoi le Libanais, qui réussit brillamment partout et qui prend des initiatives dans tous les domaines, échoue dès qu’il s’agit de politique? Le changement ne peut se faire qu’à partir de la base. Nous, citoyens, arrêtons de nous plaindre et essayons de changer les choses, de les faire bouger. Je ne crois pas dans le vivre en commun, je crois dans le vivre-ensemble régi par la même Constitution, ayant les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes responsabilités…
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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