Magazine Le Mensuel

Nº 3006 du vendredi 19 juin 2015

POLITIQUE

Gouvernement. Une vacance de plus ou simples vacances?

Ce n’était pas une surprise. On le savait depuis le début de la semaine. Le Conseil des ministres ne se réunira pas. Après le vide à la présidence et la paralysie qui frappe la Chambre, il semble que le gouvernement soit sur la même voie. Une institution de plus bloquée ou en simples «vacances», comme l’a qualifié le général Michel Aoun?

Jusqu’à nouvel ordre, le gouvernement est en «vacance» jusqu’en septembre. L’annonce faite par le général Michel Aoun, fort de l’appui de son allié, le Hezbollah, est tombée comme un couperet. Cette prise de position est une réaction au défaut des nominations sécuritaires. Pourtant, la réaction du général Aoun ne va pas jusqu’à la démission, ou le retrait du gouvernement, mais elle a pour effet de paralyser et de perturber son action. Le but ne serait pas de faire chuter le gouvernement, ou de pousser son président à la démission, mais tout simplement faire pression sur celui-ci afin qu’il nomme un nouveau commandant en chef de l’armée.
L’équilibre des forces dans ce bras de fer entre Aoun et le Hezbollah, d’une part, le Courant du futur, appuyé par Nabih Berry et Walid Joumblatt de l’autre, semble respecté. Berry et Joumblatt sont d’accord sur la nécessité de déployer tous les efforts pour que le gouvernement continue à fonctionner normalement. La position du tandem Berry-Joumblatt rend la bataille de Aoun difficile. La pression exercée par le général sur le gouvernement pourrait se retourner contre lui, car il pourrait être accusé de paralyser l’action du gouvernement et les intérêts des citoyens.
 

Salam le patient
Le président du conseil, Tammam Salam, a décidé cette semaine de ne pas convoquer le gouvernement, avec la possibilité qu’il s’abstienne également de le faire la semaine prochaine. Il est ainsi fort probable que la paralysie de l’Exécutif se poursuive encore pendant plusieurs semaines d’autant plus que les deux ministres du Hezbollah, ainsi que le ministre des Marada, Rony Araiji, et celui du Tachnag, Arthur Nazarian, avaient confirmé plus d’une fois leur solidarité avec les ministres du CPL.
Bien que le président Salam soit capable d’assurer le quorum des 2/3 pour la convocation du Conseil des ministres au cas où les six ministres décidaient de quitter la réunion, il préfère patienter pour donner plus de chances aux contacts, espérant que le général Aoun reviendrait sur sa décision. Si le président Salam insiste à étudier l’ordre du jour du Conseil des ministres – dans l’hypothèse où il convoquerait une réunion – et que les ministres du CPL et du Hezbollah se retirent, la situation se compliquerait encore, surtout si des décisions non signées par les absents seraient prises. C’est pour cette raison que Tammam Salam s’abstient de convoquer le gouvernement, pour le moment, attendant que les boudeurs revoient leurs positions ou que les contacts entrepris trouvent une solution.
Le quorum des deux tiers est toujours assuré dans le gouvernement pour que ses réunions soient légales. De même, sa composition de trois huit (8-8-8) répartis entre forces du 8 mars, 14 mars et centristes, empêche toute partie d’obtenir le tiers+un suffisant pour paralyser les réunions. Ceci à moins que deux parties se liguent contre la troisième. Pourtant, il suffit qu’un ministre du CPL et un autre du Hezbollah s’absentent pour que des doutes concernant la légalité de la réunion du Conseil des ministres soient formulés.
Depuis la vacance à la présidence de la République, le quorum du gouvernement Salam est considéré une formule plus politique que mathématique. Ce n’était pas le cas du gouvernement Hariri, lorsque le tiers+un a entraîné sa chute.

 

Berry soutient Salam
Aujourd’hui, Tammam Salam tente dans la mesure du possible de se tenir à égale distance du 8 et du 14 mars sans pour autant se mettre dans les rangs des ministres du président Michel Sleiman et ceux de Walid Joumblatt. Contrairement à Nabih Berry, qui estime que le Conseil des ministres peut se réunir et prendre des décisions tant que le quorum des deux tiers et de la moitié plus un est réuni, Salam fait preuve de patience avant d’adopter la position adéquate. Il attend que le problème s’impose au cours de la prochaine réunion. Depuis que les prérogatives du président de la République ont été transférées au Conseil des ministres, le président Salam a imprégné son gouvernement de sa touche personnelle, caractérisée par sa patience, sa souplesse, son désir d’épuiser toutes les ressources et son souci du compromis. Il a tenu à obtenir la signature des vingt-quatre ministres pour remplacer celle du président de la République, surtout sur des sujets de haute importance.

 

Concertations au Moustaqbal
Selon des sources informées, un «congé» de deux ou trois semaines pourrait être pris, mais le Premier ministre ne peut s’abstenir longtemps de convoquer une réunion du gouvernement. En outre, les ministres du CPL ne peuvent pas empêcher le gouvernement de se réunir. Les visiteurs du président Berry ont fait part de son appui à la décision de Salam et de son refus de paralyser le gouvernement. Berry estime qu’il est encore tôt de parler de la nomination d’un commandant en chef de l’armée, alors que le général Jean Kahwagi est toujours en fonction jusqu’à septembre prochain.
La position de Berry trouve à son tour appui auprès de Walid Joumblatt, qui lui a rendu visite à son domicile de Aïn el-Tiné. A l’issue de la rencontre, Joumblatt a déclaré qu’il allait déployer tous les efforts nécessaires pour maintenir la stabilité et assurer une «législation d’urgence». Les sources, proches du président de la Chambre, ont démenti que Walid Joumblatt ait été porteur d’une initiative particulière. Le leader druze a fait part de ses peurs et évoqué la paralysie dont est frappé le Parlement. «Cette visite a pour but de rappeler la position de Joumblatt et de renouveler son appui au président Berry concernant le gouvernement et le Parlement. De son côté, le président Berry a assuré qu’il ne permettra pas que la paralysie atteigne le Conseil des ministres».
Depuis l’arrêt des réunions du Conseil des ministres, des concertations ont eu lieu entre Saad Hariri, Fouad Siniora, Nouhad Machnouk, Nader Hariri et Ghattas Khoury. Les deux principaux sujets évoqués sont la manière de faire face au blocage du gouvernement et la nomination d’un commandant en chef de l’armée. Résultat: les participants se sont mis d’accord sur le principe suivant: pas de nomination avant l’élection d’un président de la République. Machnouk a assuré, de son côté, que la nomination d’un commandant en chef de l’armée ne sera pas abordée avant le mois de septembre, quel que soit le poids des pressions exercées. Par ailleurs, le Courant du futur s’accroche au général Kahwagi. Il est satisfait de ses prestations, surtout en ce qui concerne sa gestion de la question de Ersal. De plus, les nominations militaires interviennent à un moment peu propice et suscitent beaucoup d’interrogations, car elles coïncident avec l’affaire de Ersal. Le Futur ne voudrait pas prendre le risque d’une nomination d’un nouveau commandant auquel il ne ferait pas confiance «politiquement» quelles que soient ses qualifications. 

Joëlle Seif

Le CPL brandit l’option du veto au gouvernement
Les ministres du CPL auraient l’intention d’opposer le veto sur n’importe quelle décision du Conseil des ministres et pourraient même boycotter la réunion ou avoir recours à la rue. Il semble que le général Michel Aoun soit prêt à mener ce qu’il appelle la bataille de la «récupération des droits des chrétiens dans les nominations et le partenariat», surtout après le climat propice créé par la rencontre de Rabié avec le docteur Samir Geagea. Les visiteurs du général Aoun rapportent le climat de détente enregistré après l’apparition au grand jour du problème. Désormais, les intentions de chacun sont claires, ce qui aide à résoudre cette affaire. «Le président Saad Hariri avait convenu avec le général Aoun de procéder aux nominations avant que le Courant du futur ne déclare qu’il n’y aura pas de nominations avant septembre». Ces sources ont également ajouté que Aoun reste sur sa position jusqu’au bout et que n’importe quelle solution à cette crise devrait prendre en considération les nominations sécuritaires et militaires en premier lieu. Il n’est pas question que les ministres du CPL démissionnent. Ils assisteront aux réunions, mais n’accepteront pas de discuter n’importe quel article mentionné dans l’ordre du jour avant de procéder aux nominations. Les sources du CPL affirment que, pour le moment, le gouvernement est «hors service» et, certainement, pour plus que les deux semaines indiquées par le ministre Nouhad Machnouk à moins que l’affaire des nominations soit réglée. Une source ministérielle estime qu’il est très peu probable que le président du conseil approuve des projets figurant dans l’ordre du jour, alors que celui-ci est contesté par des composantes principales du gouvernement.

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