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Nº 3024 du vendredi 23 octobre 2015

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Le Hezbollah et les Iraniens s’engagent massivement. L’armée syrienne lance cinq offensives simultanées

Soutenues sur le plan aérien par l’aviation russe qui poursuit ses bombardements, mais aussi par les combattants du Hezbollah et des contingents venus d’Iran, les forces loyales à Bachar el-Assad gagnent du terrain dans le nord-ouest du pays, avec une avancée notable dans la région d’Alep, mais continuent de piétiner dans le centre.

La contre-offensive menée par l’armée régulière syrienne, depuis trois semaines maintenant, se poursuit. Trois semaines où les forces syriennes et leurs alliés ont pu bénéficier des frappes aériennes russes – au nombre d’environ 600 depuis le 30 septembre -, mais qui ne leur ont pas encore permis d’inverser d’une manière décisive le rapport de force sur le terrain. Cinq offensives ont été lancées en même temps, au nord, à l’ouest, au centre ainsi qu’autour de la capitale Damas, avec un objectif, celui d’affaiblir les rebelles. Pour l’heure, il semble qu’elles aient réussi à progresser dans le secteur sud d’Alep, ainsi que dans le nord de Homs. Dans la plaine du Ghab, les rebelles opposent une résistance acharnée.
Dans la région d’Alep, la tentative de reconquête des territoires, situés dans le nord de la Syrie, semble bien engagée pour les forces loyalistes. Appuyées sur le terrain par des combattants du Hezbollah ainsi que des troupes iraniennes, les forces syriennes sont parvenues à reprendre, en à peine 24 heures, cinq villages et des collines, aux portes de la localité clé d’al-Hader. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), «la prise de cette localité, située à 25 km au sud d’Alep, permettrait de sécuriser une ligne d’approvisionnement de l’armée entre la province d’Alep et celle de Hama», située plus au sud. Les combats violents ont provoqué le déplacement de 35 000 personnes des localités de Hader et Zerbeh, dans les quartiers sud-ouest d’Alep, selon le bureau des Nations unies chargé de la coordination des affaires humanitaires.
Pour l’heure, la contre-offensive se concentre sur les environs d’Alep, presque entièrement aux mains des jihadistes du Front al-Nosra et de ses alliés islamistes d’Ahrar el-Cham, mais aussi des combattants de l’Etat islamique. Le régime ne contrôlait qu’une route qui lui permettait d’approvisionner les quartiers d’Alep encore sous son contrôle. Les forces fidèles au régime tentaient aussi de progresser à l’est de la ville, en direction de l’aéroport militaire de Koueires. Cette base est en effet assiégée par Daech depuis 2014. Ces dernières semaines, les combattants de l’Etat islamique avaient lancé plusieurs opérations visant à prendre l’aéroport, sans succès. Selon al-Manar, les forces syriennes auraient repris le village de Houaidja, en direction de Koueires. De violents combats se poursuivaient par ailleurs dans plusieurs autres localités environnantes.
 

Une victoire morale
Lundi, l’armée de Bachar el-Assad a ainsi réussi à reprendre le village de Bkayzé, situé à quelque sept kilomètres de la base aérienne de Koueires, selon un responsable militaire syrien cité par l’agence Associated Press. Les troupes auraient aussi remis dans le giron du régime deux autres villages à proximité de l’aéroport, selon le témoignage d’un activiste syrien. Si les forces du régime parvenaient à lever le siège sur cette zone, il s’agirait là davantage d’une victoire morale, les troupes syriennes étant épuisées et démoralisées par quatre ans de conflit ininterrompu.
Toujours dans la province d’Alep, les troupes syriennes et leurs alliés ont tué un commandant important du groupe rebelle Noureddine el-Zinki, Ismaïl Nassif, selon des sources concordantes de l’OSDH et d’al-Manar. Ce groupe était l’un des récipiendaires de l’aide militaire transitant par la Turquie et était également fourni en missiles antichars Tow. Les groupes rebelles ont d’ailleurs reçu un apport supplémentaire en armement ces derniers jours. Issa el-Turkmani, commandant du groupe Sultan Mourad, affilié à l’Armée syrienne libre, a déclaré avoir reçu des munitions en plus grande quantité, incluant des mortiers, lance-roquettes et missiles antitanks.
L’apport militaire de la Russie, mais aussi de l’Iran et des combattants du Hezbollah semble plus que jamais déterminant dans la stratégie de reconquête entreprise. Pour parvenir à maintenir les positions et en reconquérir d’autres, les alliés du régime se sont réparti les zones. Les Russes frappent essentiellement dans et autour de la plaine côtière, vers Idlib et Hama, tandis que les Iraniens se préoccupent de Damas, de la zone frontalière syro-libanaise et de Homs, ainsi que de la région d’Alep.
Dimanche, lors d’une cérémonie d’hommage au commandant Hassan Hussein el-Hajj, tombé sur le champ du Ghab, le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, a affirmé que ses combattants étaient plus que jamais présents sur le terrain, d’une façon autant qualitative que quantitative. «Seuls les combats sur le terrain tranchent le sort de la région. Sachez que tous les hommes de la Résistance sont plus que jamais présents sur le champ de la bataille, d’une façon qualitative et quantitative, car nous sommes dans une phase cruciale et décisive», a-t-il indiqué. «Nous sommes présents partout où nous devons l’être», a-t-il souligné.

 

10 000 hommes du Hezbollah
Selon différentes sources, plus de 2 000 membres du Hezbollah participeraient à l’offensive en cours au sud-est d’Alep, face à Daech, ainsi qu’au sud-ouest. Des centaines de combattants participent également aux opérations dans les provinces de Lattaquié et d’Idlib, mais aussi à Qoneitra, au sud de Damas. D’autres sont déployés autour de Zabadani, à la frontière syro-libanaise. Selon les experts, le Hezbollah compterait actuellement pas moins de 10 000 combattants en Syrie, alors que le mouvement a déjà perdu un millier d’hommes.
Depuis le début des raids russes en Syrie, le 30 septembre dernier, les troupes syriennes ont mené la contre-offensive sur plusieurs fronts, dans une tentative de sécuriser les routes d’approvisionnement et de renforcer le contrôle des régions stratégiques pour le régime. Entre dimanche et lundi, le ministère russe de la Défense a ainsi annoncé que pas moins de 33 sorties avaient été effectuées par les Sukhoï russes, ciblant 49 objectifs répartis dans les provinces d’Alep, Idlib, Lattaquié et Hama, sans oublier Damas. Parmi les cibles atteintes, des usines artisanales de missiles, des bunkers sous-terrain et un camp d’entraînement. A Damas, les raids russes ont eu pour effet, selon Moscou, de faire fuir les rebelles de leurs positions, comme à Marj el-Sultan. L’aviation russe s’appuie notamment sur les repérages de ses drones qui effectuent des vols de reconnaissance. Par ailleurs, des avions non identifiés ont visé, dans la nuit de samedi à dimanche, un convoi de 16 véhicules, tuant quarante jihadistes de Daech, dans la province de Hama. Ce raid semble avoir été opéré par la Russie ou la Syrie, alors que le convoi se dirigeait de la «capitale» du califat islamique établi par Daech, à Raqqa, vers la campagne à l’est de Hama.
En revanche, sur le front de la province de Homs, la contre-offensive semble piétiner. L’armée paraît faire face à une résistance farouche, autour notamment de Talbissé, sur l’autoroute internationale, à 10 km au nord de Homs. Selon l’OSDH, «l’aviation russe a mené plusieurs raids sur Talbissé, ainsi que sur le nord de la province, tandis que de violents combats avaient lieu autour de cette localité».

Jenny Saleh
 

Mort de l’un des commandants du Hezbollah
Le Liban-Sud a de nouveau été endeuillé par le décès d’une des plus grandes figures militaires du Hezbollah, le commandant Hassan Hussein el-Hajj. Ce chef militaire d’envergure, âgé d’une cinquantaine d’années, est mort au combat en participant avec ses troupes à l’offensive de l’armée syrienne, dans la province d’Idlib, contre le village de Mansoura, dans la plaine stratégique d’al-Ghab, qui relie les provinces de Lattaquié, Idlib et Hama, dans le nord du pays. Il occupait une position clé dans la hiérarchie militaire de la Résistance.
Ses funérailles, lundi, dans son village de Loueyzé, ont donné lieu au rassemblement d’une foule massive tout au long du cortège, depuis Nabatiyé jusqu’à sa dernière sépulture, alors que les chiites commémorent le deuil de Achoura.
Parmi les officiels présents, plusieurs personnalités du parti, dont les présidents du bureau exécutif du Hezbollah, sayyed Hachem Safieddine et du bureau politique, sayyed Ibrahim Amine el-Sayyed.
Le Hezbollah avait annoncé, dans un communiqué, la mort de «l’un de ses commandants, (…) alors qu’il remplissait son devoir du jihad en Syrie». Hassan Hussein el-Hajj était, selon le communiqué, «l’un des fondateurs de la Résistance islamique», en charge notamment du front de l’Iqlim al-Touffah pendant l’occupation israélienne. Il avait aussi mené plusieurs opérations militaires importantes comme celles de Sojod, Bir AlKilab, al-radar, al-Soueyda, tout au long de la région du sud et de l’ouest de la Békaa, jusqu’à la libération en 2000.

2 000 Iraniens en Syrie?
Un responsable américain a indiqué, vendredi dernier, qu’environ 2 000 Iraniens ou forces soutenues par Téhéran, étaient impliqués dans l’offensive contre les groupes rebelles menée par Damas, en coordination avec la Russie. «Il pourrait y avoir jusqu’à 2 000» combattants iraniens ou soutenus par l’Iran à l’offensive dans le sud-est d’Alep», a-t-il indiqué. Selon ce responsable, les combattants pourraient ainsi être des membres des Gardiens de la Révolution envoyés par Téhéran, associés à des groupes soutenus par l’Iran, comme le Hezbollah, mais aussi des groupes de combattants irakiens. Le responsable américain explique ce soutien russo-iranien aux forces syriennes par une visite en Russie, durant l’été, du général iranien Ghassem Souleimani, le chef de la force Qods, chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution. «Bien des choses qui se passent en ce moment trouvent leur origine dans le voyage à Moscou cet été du général Souleimani», qui a permis de préparer l’offensive concertée actuellement en cours», a-t-il souligné.
Cette visite du général Souleimani avait été rapportée durant le mois d’août par la presse américaine et russe, suscitant les «inquiétudes» du chef de la diplomatie américaine, John Kerry. Moscou avait démenti.
Toujours selon le même responsable, décidément très bavard, l’objectif des forces russes serait d’aider le régime de Bachar el-Assad à «à prendre en tenailles» les groupes rebelles dans les provinces centrales de Homs et Hama. Les supplétifs iraniens, irakiens et libanais du Hezbollah aideraient, eux, à ouvrir un nouveau front d’Alep.
Les affirmations américaines ont toutefois été démenties par Téhéran samedi. Hossein Amir Abdollahian, le vice-ministre des Affaires étrangères iranien, a déclaré que l’Iran avait «des conseillers militaires en Irak et en Syrie à la demande des gouvernements de ces deux pays (…). Nous allons renforcer notre aide en termes de conseil à la Syrie pour lutter contre le terrorisme». Mais il a affirmé à l’agence Isna que Téhéran n’avait pas de «combattants sur place». Depuis le début du conflit, l’Iran aurait dépêché pas moins de 5 000 pasdarans en Syrie, officiellement présentés comme des conseillers militaires.

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