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Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

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Lucien Bourjeily, écrivain et metteur en scène. «Il faut vivre ses passions sans masques ni artifices»

C’est un passionné. Un battant. Un frondeur. Lucien Bourjeily écrit et met en scène. Il écrit avec ses tripes et met en scène avec fureur, optant pour des sujets sociaux susceptibles de transformer la société. C’est lui que Dewar’s, vivant pleinement son héritage, a choisi pour sa campagne Live True et ce choix est pleinement justifié. L’homme est authentique et conséquent avec lui-même et avec les autres. Une qualité rare de notre temps. Découvrir cet artiste engagé ne pouvait qu’être intéressant. Interview.
 

Vous avez été choisi par Dewar’s pour présenter sa campagne Live True. Vous avez abandonné un métier stable dans la publicité, préférant exercer un autre plus précaire: le théâtre. Etes-vous satisfait de cette mutation?
J’ai toujours été passionné de théâtre, mais après avoir fait un master en Fine arts (film-making) à l’université LMU à Los Angeles et décroché un MBA de l’ESA, j’ai travaillé dans la publicité, peut-être pour avoir un travail qui me garantit des rentrées régulières me permettant de vivre à l’aise. En 2008, la passion que j’ai toujours eue pour le théâtre a pris le dessus. J’ai décidé de lui consacrer mon temps et mon énergie. J’ai découvert que la scène est le meilleur tremplin pour exprimer mes opinions et mon engagement social. En fin de compte, je pense que l’une des plus belles réalisations de la vie, c’est de faire ce qu’on aime et non ce que les autres attendent de nous.

Vos pièces sont osées et bousculent l’ordre établi. Elles sont d’ailleurs souvent injustement censurées. Est-ce votre côté artiste engagé qui a séduit Dewar’s pour présenter sa campagne Live True?
C’est peut-être la façon authentique que je vis. Que ma vie ressemble à ce que je suis et non à ce que les autres voudraient que je sois. J’ai renoncé à la stabilité que procure un travail fixe, aux rentrées d’argent régulières. Mais, en définitive, le théâtre me procure tant de satisfaction; la passion conduit forcément au succès. Il s’agit simplement d’y croire et de s’y accrocher. La société libanaise a tendance à être matérialiste et à accorder plus d’importance au paraître qu’à l’être, mais le matériel n’apporte pas le bonheur. En s’obligeant à faire ce que l’on n’aime pas ou à mener une vie qui ne nous ressemble pas, on finit par mourir de l’intérieur.

Quelle est votre conception du bonheur?
A mes yeux, c’est sentir que notre présence dans notre société peut contribuer à un changement positif. A titre d’exemple, j’utilise mon art pour avoir un impact sur la société. Au Liban, les citoyens se plaignent de tant de choses mais, en fait, ils ont du mal à passer à l’action, alors que s’ils affrontent la réalité, les changements seraient possibles. Plus d’altruisme et d’engagement, c’est ce qu’il faudrait peut-être pour faire avancer nos sociétés.

Souvent, d’ailleurs, les thèmes de vos pièces s’articulent autour de cette approche. La dernière en date, Love and war on the rooftop, a été montée avec des jeunes de Jabal Mohsen, d’autres avec ceux de Bab el-Tebbané…
Le but ultime de cette pièce est de passer un message: Créons ensemble au lieu de détruire ensemble. Ces jeunes se faisaient la guerre, il y a quelques mois, l’art les a rassemblés. L’art est un acte positif. C’est le meilleur moyen de combattre la haine, la guerre, le rejet de l’autre. L’art peut changer la société en profondeur. Tous les habitants de Jabal Mohsen et de Bab el-Tebbané ont entendu parler de la pièce et du documentaire, ce qui ne peut avoir que des répercussions positives. A partir de là, tous les rêves sont possibles.

Quels sont les sujets qui vous concernent profondément?
Tout ce qui relève des droits d’expression et des droits de l’homme. Au Liban, peut-être plus qu’ailleurs, la politique des deux poids deux mesures fait partie de notre quotidien, et cela suscite un sentiment de frustration et d’injustice.

Vous avez fait un petit chef-d’œuvre sur la question de la censure, une pièce qui a d’ailleurs été censurée. N’êtes-vous pas découragé parfois par cette lutte permanente que vous vivez?
Non. Je suis un artiste engagé et je le resterai. J’encourage toute personne à vivre ses passions sans plier sous le joug des diktats sociaux ou familiaux. Vivre masqué est si frustrant et peut faire de la vie un enfer.

Quel est l’impact de la campagne Dewar’s sur la société libanaise?
Elle peut contribuer à pousser les gens à vivre leurs passions jusqu’au bout. En fait, à plus d’authenticité et de vérité.
 

Propos recueillis par Danièle Gergès

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