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Nº 3055 du vendredi 27 mai 2016

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L’expansion se poursuit. Après les pays arabes cap sur l’Afrique

Les banques libanaises, à l’étroit sur le marché local, poursuivent leur expansion à l’international. Elles se positionnent, malgré les crises régionales, sur des marchés à fort potentiel, comme l’Irak ou la Syrie, tout en restant prudentes.

Parmi les premiers établissements à percevoir le potentiel de développement du Kurdistan irakien il y a déjà dix ans, les banques libanaises ont, toutefois, connu quelques déconvenues ces derniers mois. En cause, notamment, des différends politiques entre la capitale de l’Irak, Bagdad, et celle du Kurdistan autonome, Erbil.
Pour l’heure, on recense sept banques libanaises dans la région du Kurdistan sur les dix implantées en Irak. Ces derniers mois, ces acteurs bancaires ont eu quelques sueurs froides.
Comme Magazine en faisait état il y a quelques semaines, «l’affaire du désaveu de la Banque centrale située à Bagdad de l’une de ses branches qui se trouve à Erbil a fait planer, un certain moment, une ambiance de confusion et de panique parmi les banquiers libanais établis au Kurdistan». Ce qui est advenu en Irak n’est que très rare. A savoir la «scission dans un Etat décentralisé entre la Banque centrale mère et une ou plusieurs de ses succursales situées dans diverses régions du pays». Or, cette branche de la Banque centrale d’Irak (BCI) n’était pas autorisée à imprimer de la monnaie ni à détenir des billets verts, comme le rappelait Magazine. Les banques libanaises ont, elles, commis la faute d’avoir placé leur argent en devises étrangères et en dinar irakien auprès de cette branche de la BCI.
Dans ce genre de cas, il aurait été plus avisé qu’elles déposent leurs fonds, au moins ceux en devises, près de banques correspondantes européennes ou américaines.
Compte tenu du contexte difficile actuellement en cours en Irak, associé aux velléités d’indépendance des Kurdes irakiens, il s’avère que les avoirs des banques libanaises auprès de la branche de la Banque centrale irakienne à Erbil, ne sont pas récupérables. Une affaire qui se compte tout de même à environ cent millions de dollars, dont 50% seraient en dollars et l’autre moitié en dinars irakiens. La Banque du Liban et la Commission de contrôle des banques ont donc intimé aux banques libanaises implantées en Irak – et au Kurdistan – d’engranger de nouvelles provisions, qui seraient déposées directement dans la branche centrale irakienne de Bagdad. Fort heureusement, les banques libanaises ont les reins solides puisqu’elles dégagent des profits de l’ordre de plus d’un milliard et demi de dollars.
Cette mésaventure, qu’il faut bien évidemment remettre dans un contexte de troubles et de problèmes politiques inhérents à la situation en Irak, n’a pas pour autant dissuadé les banques libanaises de déserter la zone.
D’autant que la Banque centrale irakienne a finalement reconsidéré ses positions ces dernières semaines. A force de négociations, la BCI a accepté d’assouplir les modalités d’application de sa décision de novembre 2014, qui imposait aux établissements bancaires étrangers présents en Irak d’augmenter leurs capitaux respectifs de 7 millions à 70 millions de dollars, indépendamment du nombre d’agences dans le pays. Ce montant a finalement été abaissé à 50 millions de dollars. La nouvelle mesure devrait, théoriquement, entrer en vigueur d’ici début juin et devrait être échelonnée sur deux ans.
Ce qui est certain, c’est que depuis le début des printemps arabes, la stratégie des banques libanaises à l’international se veut beaucoup plus prudente. Notamment depuis 2014. Les acteurs libanais misent toujours sur l’Irak ou la Syrie, conscients des perspectives de développement futures. Une manière pour eux de soutenir le secteur, mais aussi de se placer en institutions incontournables quand les conflits auront pris fin et que l’heure sera à la reconstruction.
La plupart poursuivent donc leurs activités dans ces deux pays en conflit, mais en restreignant les risques. Et se redéploient vers d’autres marchés, considérés plus stables, dans l’immédiat. Aux marchés naturels que constituent la Syrie, la Jordanie, l’Egypte, le Soudan, l’Algérie et les pays du Golfe, sans oublier la Turquie, les conquêtes du secteur bancaire ont changé de cap, ces dernières années, pour viser le continent africain où réside une grande partie de la diaspora libanaise. Les opportunités d’affaires y sont nombreuses et la zone géographique détient un fort potentiel de développement. Le Soudan, le Sénégal ou encore la République démocratique du Congo, aux inépuisables ressources minières, attirent les banques libanaises.
 

Dans une trentaine de pays
On le sait, les banques libanaises sont quasiment obligées, pour grandir, de viser au-delà du pays du Cèdre, un marché trop étroit. Pour cela, elles disposent de plusieurs possibilités, selon les pays cibles et selon les réglementations locales également. Depuis bientôt trente ans, les principales institutions bancaires libanaises, au nombre de dix-huit – représentant environ 86% de la taille du secteur bancaire selon l’Association des banques – sont parvenues à s’exporter dans une trentaine de pays. La forme que prend leur implantation dépend pour beaucoup des objectifs de la banque dans le pays donné, de la clientèle visée, ainsi que de la réglementation bancaire locale. Certaines ouvriront des filiales, d’autres des banques sœurs ou s’associeront avec un acteur local du marché bancaire, ou encore tout simplement des branches.
Une filiale disposera de sa propre personnalité juridique et sera complètement distincte de la banque mère. Dans ce cas, elle disposera d’un patrimoine propre et aura plus de facilité pour augmenter son capital et l’ouvrir à d’autres associés. La filiale dépendra du droit local dans le pays d’implantation.
Parfois, quand le pays cible est déjà fortement bancarisé, mais que les opportunités d’affaires demeurent intéressantes pour la clientèle de la banque, celle-ci décide d’ouvrir un bureau de représentation. Cela lui permet d’assurer une présence dans le pays cible et d’assister ses clients libanais qui auraient des affaires sur place et, bien évidemment, d’en drainer d’autres.
Selon l’Association des banques, à fin 2015, la présence libanaise à l’étranger se constituait de dix-huit banques libanaises, ayant 407 unités bancaires réparties sur 32 pays et dans 89 villes. Parmi celles-ci, on trouve onze bureaux de représentation de onze banques libanaises, soixante-quatre branches de onze banques libanaises, ou encore 310 branches appartenant à 40 banques (associées, filiales de treize banques libanaises). Enfin, les banques «correspondantes» sont au nombre de 183, réparties dans pas moins de 64 pays et 82 villes.

Jenny Saleh
 

Dix banques en Irak
Selon l’Association des banques du Liban, les dix banques libanaises implantées en Irak représentent près de la moitié des sociétés étrangères présentes sur le territoire. Il faut savoir que ce secteur est encore largement dominé par les établissements bancaires publics qui absorbent environ 90% des actifs consolidés en 2015, selon l’Union des banques arabes.
Sur ces dix acteurs libanais, sept disposent de branches à Bagdad mais aussi à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Trois se sont implantées à Bassora, au sud du pays, tandis qu’une seule possède une agence à Suleimaniyé, la deuxième ville du Kurdistan.
Malgré les difficultés actuelles de cette zone en conflit, les perspectives de développement demeurent intéressantes. Le marché est en pleine croissance et, contrairement à d’autres pays de la région, l’offre de services bancaires n’y est pas encore saturée. Loin de là.
Selon l’Union des banques arabes, le secteur bancaire irakien représentait 9,4% des parts de marché dans les pays arabes en 2015, contre 6,3% en 2014. Un potentiel qui devrait s’accroître et se confirmer, on s’en doute, quand l’heure de la reconstruction aura sonné.

Un secteur «solide»
Dans sa dernière évaluation trimestrielle des systèmes bancaires de 114 économies développées et émergentes, l’agence de notation Fitch Ratings a classé le secteur bancaire libanais dans la catégorie des pays «à faible niveau de vulnérabilité». Le Liban a ainsi obtenu la meilleure note possible dans le cadre de l’indicateur de risque macro-prudentiel de Fitch, qui évalue les possibles risques systémiques sur le marché en identifiant les accumulations de facteurs de stress potentiel sur le secteur selon des circonstances spécifiques.
Dans le même temps, l’agence Fitch Ratings a indiqué que le secteur libanais faisait partie d’un groupe de quinze pays disposant d’un secteur bancaire «solide». Le Liban obtient la note de B selon l’indice Banking System Indicator, de l’agence. Cet indice permet de mesurer la force intrinsèque d’un système bancaire.

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