Magazine Le Mensuel

Nº 3061 du vendredi 8 juillet 2016

Histoire

Un patrimoine dans l’oubli. Les escaliers de Mar Mikhaël et les percées d’Alger

Ils relient des coins entre eux, des ruelles, des quartiers. Ils sont souvent empruntés et font partie des vestiges d’un pays… Et pourtant, leur histoire et leur présence sont tombées dans l’oubli. Mise au point sur les escaliers de Mar Mikhaël et les percées d’Alger.

La mémoire de ces escaliers a été ravivée à travers une recherche intitulée Un patrimoine dans l’oubli. Les escaliers de Mar Mikhaël et les percées d’Alger. Cette étude est financée par l’Agence universitaire francophone (AUF), dans le cadre du programme Tourisme culturel et patrimoine, et menée entre 2013 et 2016 par une équipe pluridisciplinaire issue de diverses universités. Objectif? Sensibiliser les décideurs, les acteurs et les citadins sur l’importance des escaliers publics qui relient les quartiers servent de raccourcis, relient les maisons entre elles et permettent d’accéder à la route.
Retenues pour leurs similitudes géographiques, économiques, historiques et pour leurs escaliers, les deux capitales, à savoir Beyrouth et Alger, connaissent des menaces grandissantes pour ce qui se rapporte à leurs escaliers et qui, aujourd’hui, et de plus en plus, sont en situation de vulnérabilité en raison de l’absence de recensement exhaustif, de mesures de protection et de modes de gestion. Au Liban, la menace à Mar Mikhaël provient essentiellement des promoteurs immobiliers et des chantiers qui défigurent et même détruisent des tronçons d’escaliers, pour permettre l’accès automobile aux tours résidentielles en construction. Au cours des deux années de recherche, les équipes libanaise et algéroise ont établi un recensement des escaliers et identifié leurs relations avec le tissu urbain mitoyen. Cette étape a permis d’évaluer les dangers qui menacent ces espaces patrimoniaux: gentrification, privatisation, appropriation illégale, dégradation, mutation sociale, manque de sécurité… et de promouvoir du tourisme culturel en organisant des circuits de visite et des activités ludiques pour les visiteurs. L’équipe de chercheurs espère pouvoir travailler avec la municipalité de Beyrouth, les représentants de la société civile et les habitants de Mar Mikhaël afin d’élaborer de nouvelles stratégies de collaboration avec le secteur privé dans le cadre d’un développement durable de ce quartier.
C’est au campus des Sciences humaines de l’USJ (Université Saint-Joseph) qu’une table ronde, portant sur Les escaliers de Mar Mikhaël et les percées d’Alger, a eu lieu le 23 juin dernier, réunissant Christine Babikian-Assaf, doyenne de la Faculté des lettres et des sciences humaines, Hervé Sabourin, directeur du Bureau du Moyen-Orient de l’AUF, et Liliane Kfoury, chargée de recherche à l’UIR Mémoire (Cemam).
Mme Assaf a souligné l’importance de cette thématique inédite mais utile, puisqu’elle permet, selon elle, d’établir des liens entre les chercheurs universitaires et la municipalité de Beyrouth, en vue de développer un plan stratégique de sauvegarde et de préservation des escaliers de Beyrouth. Sabourin, lui, a fortement encouragé un tel projet, tandis que
Mme Kfoury a présenté les objectifs de cette étude.
Ont également participé à la table ronde Liliane Buccianti-Barakat, de la Section Aménagement touristique et culturel du département de géographie de l’USJ, Christian Taoutel, enseignant et chercheur au département d’histoire, et Serge Yazigi, directeur de l’Observatoire académique urbain de l’Alba.
Mme Barakat a démontré que les deux capitales Beyrouth et Alger, bien que situées géographiquement dans deux régions différentes, étaient des villes portuaires établies sur le pourtour de la mer Méditerranée et ont été dominées par les mêmes grandes civilisations jusqu’à la moitié du XXe siècle.
Pour sa part, Taoutel s’est attardé sur la présentation des escaliers d’Alger, plus nombreux, plus grands, mais peu utilisés par les riverains et plus dégradés parce que mal entretenus.
Yazigi a clôturé la table ronde en suggérant des propositions pour la protection des escaliers de Mar Mikhaël. Il a souligné que les lois en vigueur ne les reconnaissent pas comme patrimoine bâti et que l’intrusion des industries créatives et des récréatifs menace le niveau de vie des habitants dont 70% ont plus de quarante ans, sans oublier la nouvelle loi sur les loyers.

Natasha Metni

Les initiateurs du projet
Le projet sur la sauvegarde des escaliers urbains a été initié par Liliane Buccianti-Barakat, Liliane Kfoury et Christian Taoutel. Ont été associés, Serge Yazigi et Tsouria Kassab de l’Ecole polytechnique d’architecture et d’urbanisme (Epau) d’Alger. Des étudiants inscrits dans ces institutions ont été mis à contribution pour les études sur le terrain et la réalisation de cartes.

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