Magazine Le Mensuel

Nº 3090 du vendredi 1er juin 2018

En Couverture

Stratégie de défense. Des visions contradictoires

Les armes de la Résistance reviennent au cœur du débat. Michel Aoun réussira-t-il là où tous les autres ont échoué?
 

A la mi-mars, le président de la République, Michel Aoun, a fait part de son intention de remettre sur le tapis la stratégie de défense nationale, censée débattre de la délicate question des armes de la Résistance. Certains observateurs s’étaient montrés sceptiques sur le sérieux de cette décision, liant le timing de l’annonce présidentielle à l’approche de la tenue de la conférence des bailleurs de fonds internationaux, qui devait se réunir trois semaines plus tard à Paris. L’objectif étant de faire preuve de bonne volonté devant des pays qui exigent des concessions politiques avant de dénouer les cordons de la bourse.
Cependant, des sources diverses, y compris au sein du Hezbollah, affirment que le chef de l’Etat a fait de la stratégie de défense une de ses priorités post-électorales. Mais à ce stade, l’image reste floue aussi bien au niveau du fond que de la forme. Il n’est pas clair encore si la question sera débattue dans le cadre d’une table de dialogue national, comme ce fut le cas en 2005, à l’époque du gouvernement de Fouad Siniora, ou en 2012, sous la présidence de Michel Sleiman. Sur le fond, le président Aoun n’a donné publiquement aucune précision sur sa vision de la stratégie de défense. Pourtant, il semble en avoir une. Depuis un certain temps, il répète devant ses visiteurs qu’il faut trouver une solution à l’épineuse question des armes du Hezbollah «dans le cadre de l’Etat». Dans le même temps, il réaffirme qu’il ne lâchera pas la Résistance tant que le danger israélien est présent.

Un flou inquiétant
Le flou entretenu par le chef de l’Etat sur ses intentions inquiète le Hezbollah. Des responsables du parti interrogent l’entourage du président Aoun sur la teneur de sa vision, pour essayer d’en savoir plus. Une preuve, s’il en faut, qu’à ce stade, Michel Aoun n’a pas encore discuté de cette question avec les dirigeants de la Résistance.
De toute façon, le président Aoun n’est pas seul à décider. D’autres acteurs politiques, parties prenantes de ce débat crucial, ont leur avis à donner. Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, fort de son succès aux élections législatives, compte peser de tout son poids pour faire entendre le sien et, si possible, le faire accepter. Pour M. Geagea, le Liban doit appliquer les résolutions du Conseil de sécurité 1559 – qui stipule le désarmement du Hezbollah – et la 1701.
Des sources informées pensent que les Etats-Unis et leurs alliés comptent bien saisir l’occasion du dialogue sur la stratégie de défense pour accentuer leur pression sur le Hezbollah, dans le cadre de leur objectif annoncé qui consiste à affaiblir l’influence régionale de l’Iran. Ces mêmes sources croient savoir que Washington va faire tout son possible pour trouver des solutions aux litiges frontaliers entre le Liban et Israël, aussi bien terrestres que maritimes, au niveau du bloc 9. Si un tel accord voit le jour, il servira de solide prétexte à ceux qui affirment que la diplomatie reste meilleure que la guerre pour régler les contentieux avec Israël. Armés de ce succès diplomatique, il leur sera alors plus facile d’arracher des concessions aux tenants de la ligne dure, illustrée par le leitmotiv «armée-peuple-résistance».
Le Hezbollah a cependant la réponse: si un accord diplomatique venait à être trouvé, ce sera grâce aux armes de la Résistance, qui auront permis au Liban de négocier à partir d’une position de force.
Nous sommes clairement devant des visions contradictoires, voire irréconciliables pour les plus pessimistes.

Paul Khalifeh

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