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Mormonisme, Bahaïsme, bouddhisme, zoroastrisme

 

Ces confessions ignorées du Liban

 

Et si le Liban ne comptait pas 18 mais plutôt 19, 20…voire davantage encore de confessions? Une poignée de mormons, de bahaïs, de bouddhistes ou de zoroastriens pratiquent leur foi, sans aucune reconnaissance officielle, mais en toute tranquillité. Enquête.

Ce dimanche, c’est Zeina Ghamlouche, 39 ans, qui reçoit. Ils sont quatre réunis chez elle, à Aïn Saadé. Trois autres ont eu des empêchements de dernière minute. Au programme, prières et lectures «partagées dans une atmosphère méditative», avant de discuter autour de pancakes. Tout le monde est le bienvenu.

Zeina, comme la plupart des personnes présentes ce matin-là, pratique la plus jeune religion au monde. Après Abraham, Moïse, Bouddha, Krishna, Zoroastre, Jésus-Christ et Mahomet, Bahaullah est, pour les Bahaïs, «le plus récent» des messagers de Dieu. Au cœur de sa révélation: l’unité de l’humanité dans sa diversité et l’unicité de Dieu et des religions. Les parents de Zeina, d’origines religieuses différentes, se sont convertis au bahaïsme avant sa naissance. «Les principes de cette foi sont tout à fait compatibles avec notre époque, estime Zeina. Ils respectent toutes les religions. Tout comme les meurtres sont interdits, le racisme, le fanatisme et les préjugés sont prohibés. C’est une religion ouverte, flexible, et tolérante, qui parle de l’égalité entre hommes et femmes, et de l’importance de l’éducation».

 

Quelque 300 Bahaïs

Arrivés au Liban dans les années 1870, les Bahaïs seraient aujourd’hui près de 300, organisés en assemblées spirituelles locales composées de neuf membres élus. Ces institutions fonctionnent sur le modèle de la Maison universelle de Justice, qui dirige les affaires spirituelles et administratives de la communauté au niveau mondial. Si les Bahaïs n’ont ni clergé ni rites ni offices religieux, ils sont invités à prier et à méditer quotidiennement, ainsi qu’à s’abstenir de consommer de l’alcool ou des drogues.

La communauté se réunit tous les 19 jours, chez l’un de ses membres. Pour les grandes occasions, elle se rassemble dans le centre Bahaï de Beit Meri. Le calendrier bahaï compte en effet 19 mois, de 19 jours, ainsi que 9 fêtes. Le mois du jeûne, en mars, est un moment fort de l’année. «J’essaie de prendre des jours de congé pour célébrer nos fêtes, mais ce n’est pas toujours possible, explique Zeina, qui occupe un poste administratif dans une société de produits médicaux. Je ne peux pas être absente, si nous avons un congrès par exemple, mon boss ne serait pas très content! Mais j’essaie de planifier un peu en avance. C’est triste de travailler pour le Nouvel an par exemple». Les Bahaïs du Liban ont aussi un cimetière, à Khaldé.

 

41 Mormons

Le dimanche matin, la communauté mormone se rassemble, elle, dans un appartement de Sin el-Fil, en face de l’hôpital Hayek. Ou plutôt les membres de l’église de Jésus-Christ des saints des derniers jours: «Le nom «mormon» est un sobriquet, explique Alain-Marie, un volontaire français en mission au Liban. Entre nous, nous ne nous appelons jamais comme ça. Nous faisons partie de l’Eglise chrétienne: tous nos enseignements sont centrés sur le message du Christ».

Les premiers Mormons, des Arméniens fuyant la persécution ottomane, sont arrivés au Liban, au début du 19e siècle. Ils sont aujourd’hui 41, parmi lesquels une trentaine de Libanais, à pratiquer cette religion. Nabil est le premier de la famille Assouad à s’y être converti, en 1985. Maronite, c’est à Londres qu’il découvre le mormonisme. «Je recherchais une Eglise qui soit en conformité avec ce qui avait été établi par le Christ, explique-t-il simplement. Quand on cherche, on trouve». De retour au Liban, il entraîne à sa suite sa mère et ses frères. «J’étais moi aussi à la recherche de quelque chose, se souvient Karim Assouad, qui travaille avec son frère dans le commerce d’articles de sport. L’expérience spirituelle de Nabil correspondait à ma quête. J’ai trouvé une certaine vérité».

Converti depuis 1986, Karim préside aujourd’hui les communautés du Liban, de Jordanie et de Syrie. Au niveau mondial, l’Eglise est dirigée par un collège de 15 personnes: 12 apôtres, 2 conseillers et un président, le prophète vivant, Thomas S.Monson. Celui-ci est le seul habilité à recevoir les révélations de l’époque actuelle. L’Eglise s’oppose par exemple désormais à la pornographie, à l’avortement ou aux jeux de hasard. En 1889, le 4eprésident de l’Eglise a, lui, aboli la polygamie. Une pratique qui reste pourtant encore très souvent associée aux Mormons, bien que les mouvements qui continuent à pratiquer des «mariages pluraux» aux Etats-Unis ne soient pas reconnus par l’Eglise. «On a bien assez à faire avec une seule femme!» sourit Alain-Marie.

 

La famille est centrale.

Aujourd’hui, le mormonisme prône l’abstinence avant le mariage et la fidélité. «L’acte homosexuel est exclu, mais il n’y a pas de rejet de la personne, même si celle-ci ne peut être active au sein de la communauté», précise Alain. Les membres de l’Eglise ne sont pas autorisés à fumer, à se droguer ou à boire de l’alcool, du thé ou du café.

La famille, elle, est centrale. Chaque lundi par exemple, l’un de ses membres se charge d’organiser le programme de la «soirée familiale». Si un temps est consacré à l’étude d’un message des Ecritures, c’est aussi l’occasion de jouer, de chanter, d’aller voir un spectacle… «Les enfants adorent ça, insiste Karim. Plutôt que d’être devant leur ordinateur ou à la télévision…Je pense que ces moments sont trop rares dans notre société». «La famille traditionnelle et plus largement les valeurs traditionnelles n’ont pas vieilli, ajoute Alain. Elles ne sont pas ringardes! De plus en plus de gens sont en quête de repères, d’authenticité, de stabilité et de valeurs morales».

L’institution de la famille est également capitale pour les Bahaïs. La cérémonie du mariage, considérée comme sacrée, se déroule en toute simplicité en présence des quatre parents et des deux époux, dans l’une des deux maisons. Ces jeunes mariés devront toutefois aller contracter un mariage civil, le plus souvent à Chypre, pour que leur couple soit enregistré au Liban.

 

Pas de mariage et de divorce

Les Bahaïs, comme les Mormons, ne font pas en effet partie des 18 confessions officielles. Le rapport de 2009 du département d’Etat américain sur la liberté de religion au Liban cite également le cas des Bouddhistes, des Hindous et d’autres groupes protestants chrétiens. Sur son blog, Seif, un étudiant en journalisme et

 

 

 

 

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sciences politiques à la LAU, raconte également avoir rencontré plusieurs Zoroastriens. Ils seraient plusieurs centaines à vivre au Liban, dans la plus grande discrétion. «Ces groupes ont droit à la propriété et peuvent se rassembler librement pour pratiquer leur foi, sans interférence de l’Etat, indique le rapport américain. Ils sont en revanche désavantagés par la loi, car ils ne peuvent ni se marier, ni divorcer, ni hériter dans le pays». De la même façon, les adeptes de ces religions ne peuvent prétendre à certaines fonctions politiques ou gouvernementales, attribuées sur une base confessionnelle.

 

La politique désunit

Seule solution pour ces «sans statut», s’enregistrer au sein d’une religion reconnue. Un Bahaï enregistré comme chiite pourrait ainsi se présenter aux élections législatives sur une liste chiite, si les activités politiques n’étaient pas déconseillées par le bahaïsme. «La politique est considérée comme un facteur de désunion et de corruption, il n’y a qu’à voir ce qui se passe dans le pays, explique Zeina. C’est pour ça qu’elle est interdite». Dans la famille Assouad, on est encore officiellement maronite. Une «double identité» qui ne leur pose pas de problème particulier: «Statistiquement et sociologiquement, nous sommes maronites. Spirituellement, nous sommes Mormons», résume Karim.

Si la non-reconnaissance de leur religion les prive de certains droits, d’un lieu de culte officiel ou de la liberté de faire du prosélytisme, Mormons ou Bahaïs s’estiment toutefois très heureux de leur situation. L’article 9 de la Constitution garantit en effet le principe de «la liberté de conscience absolue» et le libre exercice de toutes les confessions, «à condition qu’il ne soit pas porté atteinte à l’ordre public».

Depuis des siècles, le Liban est un lieu de refuge pour les minorités religieuses. Les Zoroastriens, par exemple, ont été persécutés tout au long de leur histoire, par les chrétiens comme par les musulmans. Le zoroastrisme est l’une des plus anciennes religions monothéistes de l’histoire et l’ancienne religion officielle des Perses, avant l’arrivée de l’islam. Le feu représente le symbole divin et le dieu Zoroastre prêche le dualisme entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Dans de nombreuses régions du monde, les temples ont été incendiés à maintes reprises. Les Zoroastriens vivant aujourd’hui au Liban seraient les descendants de croyants venus chercher refuge ici.

Depuis le fondement de leur foi, au milieu des années 1800, les Bahaïs sont également persécutés en Iran. Quelque deux cent personnes ont été arrêtées depuis l’instauration de la République islamique en 1979, et des dizaines de milliers d’autres se sont vu priver d’emplois, d’allocations ou même de l’opportunité de faire des études.

Alain et Danielle-Marie, qui servent leur Eglise au Liban, jusqu’au printemps prochain, apprécient eux aussi la tolérance qui s’exercent à leur égard. «Il est même plus facile d’être Mormon ici qu’en France, car nous n’avons pas à faire face aux a priori», expliquent-ils. Parfois, Karim souhaitait lui que ses enfants puissent évoluer au sein d’une communauté mormone plus nombreuse, et donc forcément plus dynamique. «Il est difficile d’être seuls, même si c’est formateur. Mais notre situation au Liban est bonne. Rien ne nous empêche d’exercer notre foi», assure-t-il. «Les gens ne sont pas très curieux à notre égard, ils sont plutôt indifférents, ajoute Nabil. On ne les gêne pas: au nombre de 41, on ne peut pas faire un grand brouhaha».

 

 

Le seul bouddhiste du Liban

«Si quelqu’un voulait devenir bouddhiste, je lui déconseillerais catégoriquement, affirme en revanche Philippe Vert, un Français installé ici depuis 10 ans. Ce serait trop lourd à porter; la pression du groupe est trop forte en matière de religion. Des bouddhistes au Liban? A l’exception des Sri Lankais, je crois que je suis le seul», sourit-il.

Dans sa clinique de Jdeidé, où il exerce en tant que psychothérapeute, alcoologue et sexologue, quelques Libanais viennent s’initier aux messages du bouddhisme et écouter les enseignements de Philippe sur des thèmes aussi variés que leur vie quotidienne; la santé, leurs problèmes religieux ou de couples….Une demi-heure de discussions, une séance de yoga tibétain, très méditatif, et de relaxation: chaque semaine, ils sont 3 ou 4 à suivre ces séances, dans la pièce de sa clinique aménagée en Gompa, «le lieu de méditation», avec coussins par terre, bols à offrande et moulin à prière. «Je vois soit des gens très croyants en quête d’un autre éclairage, soit des gens en révolte contre la religion et qui ont souvent des problèmes liés à la drogue, explique Philippe. La grosse difficulté pour les croyants, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, c’est qu’ils ont la certitude de détenir la vérité. Chez nous, toutes les choses sont relatives, il n’y a pas de vérité absolue. C’est déstabilisant».

Si le bouddhisme est considéré, selon les cas, comme une religion ou une spiritualité, Philippe se déclare athée, mais vénère Bouddha. La pratique évolue selon le «niveau» atteint. Le premier – Hinayana, ou «petit véhicule» – pose des interdits: tuer, voler, mentir, avoir des méconduites sexuelles et se droguer. Un passage obligé pour apprendre la discipline. Le second – Mahayana, ou «grand véhicule» – nuance ces interdits: on peut mentir pour sauver une vie, voler du pain pour nourrir des affamés… Lorsqu’on atteint le 3e niveau – Tantrayana, ou «véhicule de diamant» – plus rien n’est interdit. «La seule ligne directrice, c’est de ne pas créer de souffrance, explique Philippe. Le bouddhisme est avant tout une attitude: il faut être bienveillant avec tout le monde, et consacrer le plus possible son temps à aider les autres».

Certains Libanais se déclarent parfois bouddhistes, et quelques groupes ou associations ont vu le jour à plusieurs reprises, pour tenter de fédérer autour de cette spiritualité. Mais sans que le mouvement ne prenne réellement. Devenir bouddhiste relève en réalité d’un travail de longue haleine. Philippe a découvert cette voie à l’âge de 25 ans, alors qu’il était tombé très malade. Il a ensuite observé son maître pendant des années, avant que celui-ci ne lui accorde «le refuge», et un nom tibétain, «Lobsang Sonam» ou «Celui qui a un esprit droit et emploie des moyens rusés». «Le maître nous choisit un nom à partir des qualités que l’on a… ou que l’on aura bientôt», explique Philippe. Après 18 ans d’études, il a été autorisé à transmettre le bouddhisme en l’adaptant à la pensée occidentale.

Aujourd’hui, Philippe ne cherche à convaincre personne. Ni sa femme chrétienne, ni ses sept enfants n’ont emprunté sa voie. Et personne ne l’empêche de prier Bouddha. Perrine Mouterde

 

 

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