Magazine Le Mensuel

Nº 3084 du vendredi 1er décembre 2017

En Couverture

PURGE CHEZ LES PUISSANTS. Les ambitions dévorantes de MBS

Coup de tonnerre au royaume wahhabite. Princes, richissimes hommes d’affaires et autres puissants saoudiens ne sont désormais plus à l’abri. Ils pourraient avoir à payer un lourd tribut pour retrouver la liberté.


Jusqu’à 300 milliards de dollars… C’est la somme astronomique que le prince héritier Mohamed ben Salman chercherait à récupérer à travers l’arrestation de plus de 500 princes, émirs, dignitaires et businessmen du royaume, depuis le 4 novembre dernier. Un jour qui restera gravé dans la mémoire des Saoudiens et qui devrait marquer un tournant dans le royaume. D’autres sources évoquent même la somme de 1 000 milliards de dollars que MBS aurait affirmé vouloir collecter auprès des personnes arrêtées.
Officiellement, ces multiples interpellations résultent d’une opération de lutte contre la corruption à grande échelle qui gangrène l’Arabie saoudite. Le prince héritier, qui préside également la Commission anti-corruption, a visiblement voulu donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Car les personnes arrêtées figurent toutes au classement du magazine Forbes, à quelques exceptions près. Le plus célèbre d’entre eux, bien connu des Libanais, n’est autre que le milliardaire al-Walid ben Talal, à la tête d’une fortune de 16 milliards de dollars incluant des participations dans le monde entier (Twitter, Citibank, EuroDisney, Four Seasons, Georges V, etc.) à travers son groupe Kingdom Holding Company. Son arrestation a mis en émoi le monde des affaires internationales. Sa fille Reem aurait subi le même sort. Parmi les autres prises de la commission anti-corruption, Bakr Ben Laden, le patron du Saudi Ben Laden Group, géant du BTP (et responsable de la chute de grue qui avait causé la mort de plus 100 pèlerins à la Mecque en 2015). Il gérait les plus grands chantiers de construction du royaume depuis des dizaines d’années, se partageant le marché avec Saudi Oger. Mohamed Hussein al-Hamoudi, tycoon saoudo-éthiopien, dont le patrimoine avoisinerait les 10,3 milliards de dollars selon Forbes, ou Saleh Kamel, à la tête de l’un des conglomérats les plus puissants du royaume, Dallah al-Baraka, actif dans les secteurs de la distribution, de l’agroalimentaire ou de la finance islamique, et d’une fortune évaluée à 2,1 milliards de dollars, figurent aussi parmi les milliardaires arrêtés.
Le domaine des médias n’est pas épargné avec l’arrestation de Walid al-Ibrahim, fondateur du groupe Middle East Broadcasting Centre (MBC). Quant à ceux qui ont vainement tenté de s’enfuir par la voie des airs, leurs avions privés se sont retrouvés cloués au sol par les forces de sécurité et leurs comptes personnels bloqués. Autres victimes plus surprenantes, deux des fils de feu le roi Abdallah — le puissant patron de la Garde nationale, le prince Miteb ben Abdallah ou l’ex-gouverneur de Riyad, Turki ben Abdallah—, ainsi que des ministres, comme Adel Fakeih chargé jusque-là du portefeuille de l’économie, se sont vus limogés de leurs fonctions. L’ancien ambassadeur saoudien aux Etats-Unis, Bandar ben Sultan aurait aussi été arrêté et serait impliqué dans une affaire de corruption relative à l’accord d’armement d’al-Yamamah.

L’argent change de main
Si peu se doutaient d’une purge de cette ampleur, plusieurs dirigeants saoudiens étaient dans le collimateur de Mohamed ben Salman depuis plusieurs mois. L’objectif étant de récupérer des «biens mal acquis» par certains notables peu scrupuleux.  Au lendemain de cette opération, le ministre des Finances, Mohamed al-Jadaan, stipulait que «le royaume ouvr(ait) une nouvelle ère et une politique de transparence, de clarté et de responsabilité».
Toutefois, il apparaît que la dislocation de groupes aussi puissants que Ben Laden Group et Saudi Oger pourrait, de fait, profiter à de nouveaux acteurs apparus sur le marché de l’immobilier, dont certains appartiendraient au cercle rapproché de Mohamed ben Salman. La purge pourrait ainsi bénéficier à Nesma, le conglomérat de Saleh Ali-Turki, un très proche du prince héritier, ou encore à Zamil group, un interlocuteur clé des entreprises occidentales en Arabie saoudite. MbS se soucierait aussi, selon le site Intelligence online, de faire prospérer les finances familiales, via ses frères Faisal ben Salman et Turki ben Salman, qui contrôlent les fonds Jadwa Investment et Tharawat Holding, ou encore le plus grand groupe de média d’Arabie saoudite, Saudi Research and Marketing Group (SRMG).
En attendant, les personnes interpelées sont, pour la plupart, assignées à résidence au Ritz-Carlton, sans traitement de faveur particulier, ou, pour les plus chanceuses, dans leur propre palais. Les investigations seraient menées tambour battant, les autorités saoudiennes. Plusieurs enquêtes ayant parfois trait à d’anciennes affaires sont en cours, selon le procureur général d’Arabie saoudite. Le cheikh Saoud al-Mojeb a d’ailleurs tenu à préciser que «les suspects se voient accorder les mêmes droits et le même traitement que n›importe quel autre citoyen saoudien». Si l’on a pour l’heure, peu d’informations sur les procédures en cours, quelques éléments ont tout de même commencé à filtrer. Pas moins de 1 700 comptes bancaires auraient d’ores et déjà été gelés.
D’autres rumeurs s’avèrent plutôt inquiétantes. Le site Middle East Eye (MEE) fait ainsi état de coups et de tortures pratiqués sur des princes lors de leur résidence forcée. Le journaliste David Hearst révèle que «six princes ont été admis à l’hôpital dans les 24 heures suivant leur arrestation». Et pas des moindres. «Le prince Miteb ben Abdallah, autrefois considéré comme un futur prince héritier, a été battu et torturé». Les blessés auraient été «roués de coups». Une véritable humiliation. MEE indique aussi avoir appris que «des unités médicales ont été installées au Ritz-Carlton, où ont eu lieu les passages à tabac».
Le 16 novembre, le très sérieux Financial Times rapportait que les autorités saoudiennes proposaient des «marchés» aux détenus, y compris aux multi milliardaires comme al-Walid ben Talal. Le pied au mur, ils se verraient obligés de concéder jusqu’à 70% de leurs richesses à l’Etat saoudien, en échange de leur liberté. Une manière peu conventionnelle de remplir les caisses de l’Etat.

Jenny Saleh

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