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Ycare à Beyrouth

 

«Je n’ai pas besoin d’apprendre à être libanais»

 

Décidé, après une longue absence, de revenir dans son pays d’origine. La star Ycare a enchanté la jeunesse libanaise à travers son concert du 1er octobre à Beyrouth.

Avant son départ pour le Liban, la star nous a accordé une interview depuis Paris. Avec beaucoup d’enthousiasme et de sympathie, Ycare nous parle de son exceptionnel parcours musical.

 

Paris, de Faten Baz-Kerbage

Né à Dakar au Sénégal, vous êtes d’origine libanaise et française d’adoption. Vous êtes auteur, compositeur et interprète. Très jeune, vous aviez appris à jouer de la guitare et vous aviez commencé à écrire vos chansons…

 

 

A 16 ans, c’est tard quand même pour commencer la musique. J’ai été en Première, lorsque je me suis mis à jouer de la guitare. Je n’ai jamais eu le temps d’apprendre à jouer d’un instrument. Je suis quelqu’un qui a besoin de bouger et de faire beaucoup de sport. Mais à cette époque, je me suis cassé une jambe. J’ai été contraint, alors, de me reposer pendant deux ans. Pour m’occuper, il ne me restait plus que le ludique à faire; apprendre à jouer de la musique. J’ai fait ça jusqu’au bac. Ensuite, je suis parti pour la France pour y faire mes études. Une fois mes études terminées, j’ai tenté ma chance dans la musique et cela fait quatre ans que ça dure. J’ai eu beaucoup de chance!

 

 

Qu’est-ce qui a déclenché cette passion chez vous?

J’avais besoin de dire des choses et je ne savais pas par quel moyen.

Ça s’est fait naturellement. Je ne me suis jamais posé la question, je ne me suis jamais demandé pourquoi j’ai besoin de chanter devant des gens et de faire en sorte que mes musiques soient entendues par un maximum de personnes! C’était plus des coups de blues et des petits poèmes qu’on écrivait quand on est adolescent. Voilà, ma passion est forcément partie d’un chagrin d’amour. J’écrivais ma chanson à chaque fois que j’avais une idée, puis je prenais la guitare pour m’accompagner.

J’ai appris en écoutant Jacques Brel et Bob Marley. J’essayais de reproduire à la guitare ce que j’entendais, et j’arrivais assez facilement.

 

 

Dans quelle langue aviez-vous commencé à écrire vos textes? Et pour composer vos chansons, aviez-vous opté pour la musique occidentale?

 

Le français est un pont entre mes trois cultures. Comme vous l’avez dit, je suis libanais, français et sénégalais. Le français reste la langue commune qui unit ces trois pays. Et c’est l’une des plus belles langues pour moi!

En ce qui concerne la composition, il n’y avait pas de règle dans mes choix! Ce n’est pas forcément à l’occidental, puisque dans les premières chansons de mon premier album, il y a la musique orientale qui revient. Je peux dire que je pleure plutôt en libanais!

 

C’était un défi pour vous le fait de chanter en public?

 

Non, je l’ai fait puisque j’avais tellement besoin qu’on m’écoute, pour savoir où j’en suis par rapport aux gens. Chanter devant les gens était pour moi un moyen de faire valoir mes chansons, une façon de me rassurer que mon travail n’était pas nul.

Mes parents ne voulaient pas que je fûs chanteur, car ce n’était pas un métier rassurant. Je suis allé au bout de mes études pour les satisfaire et montrer que j’étais capable d’avoir mon diplôme. Après, je me suis retourné vers la musique.

 

 

Vous avez décroché un diplôme (un Master of business administration) et vous êtes «trader» en matières premières. Pourquoi avez-vous renoncé à votre carrière? Est-ce pour vous retourner vers votre passion?

 

C’est exactement ça. Ça s’appelle disjoncter, devenir fou. «Khwetet» (dit-il en arabe).

Un beau matin, ma cousine m’envoie un mail pour me proposer de m’inscrire à La Nouvelle star (émission à la télé française à l’instar de Star académie au Liban). J’ai accepté. Dès que j’ai reçu le premier prix Casting, même avant de passer devant le jury et la télé, j’ai décidé de ne plus aller au bureau. Alors que je n’étais pas sûr de ce qui allait m’arriver, j’ai démissionné de mon poste.

 

 

 

 

En 2008, vous avez enchaîné deux concerts à Dakar, devant 2000 personnes. On dirait que vous aviez voulu débuté votre carrière au Sénégal. Est-ce que c’était en hommage à votre terre de naissance?

 

Oui, à la communauté libanaise là-bas. Aux personnes qui m’ont vu grandir!

Pendant La nouvelle star, toute la communauté libanaise au Sénégal finissait de travailler plus tôt, et se rassemblait dans des cafés avec des écrans géants pour me voir, comme si c’était la coupe du monde. Donc, c’était une manière pour moi de les remercier en premier de m’avoir apporté leur soutien. C’est le minimum de reconnaissance et de remerciement que j’ai pu leur faire. Et donc, avant une tournée en France, j’ai commencé une tournée au Sénégal.

 

En 2009, vous aviez sorti votre premier album, Au bord du monde, ce qui vous a permis de signer votre contrat d’artiste avec une grande maison de disque. Cela vous a-t-il mis un pied dans la réussite? Est-ce que c’était un rêve d’enfant qui s’était réalisé?

 

Oui, à la sortie de mon premier disque, je suis allé au Virgin des Champs-Elysées, et c’était en juin 2009 à 14 heures. J’avais les larmes aux yeux tellement j’étais ému, de voir tant de CD YCare parmi ceux de Patrick Bruel, de Florent Panny… Je ne suis pas du tout du genre à m’applaudir et à me reposer sur mes lauriers. Une fois l’album sorti, il fallait continuer le travail pour préparer le suivant. J’ai besoin d’avoir un challenge!

 

 

Pourquoi avoir choisi ces mots aussi contrastés, Lumière noire, pour votre 2e album?

 

Cette contradiction, on la retrouve aussi dans les chansons. Le premier single de l’album, Lap dance, la musique est très joyeuse alors que les paroles sont un peu tristes. C’est une manière d’habiller la tristesse avec beaucoup de joie. C’est ce qui peut s’appliquer au Liban, où on est tout le temps entre deux guerres, mais où on vit dans l’urgence de faire la fête. Qu’on soit au Liban, en Afrique ou dans nos vies, on fait la fête tout le temps, puisqu’un jour, on n’aura peut-être plus l’occasion de la faire. C’est un peu ça Lumière noire!

 

 

Le 1er octobre, vous serez au Liban. Que ressentez-vous?

 

J’ai peur. Je suis même terrifié. Je ne suis pas allé au Liban depuis 1990; j’avais 6 ans à l’époque. Je pense que je vais voir un Liban que je ne reconnaîtrais pas!

 

Vous avez le trac?

 

J’ai le trac dix fois plus grand parce que, d’abord, je retourne dans mon pays. Quoi qu’on en dise, je suis né au Sénégal et j’ai appris à devenir sénégalais. Je vis en France et j’ai appris à devenir français. Mais je n’ai pas besoin d’apprendre à être libanais, je suis libanais, c’est ma terre!

 

Beaucoup d’émotions alors?

Beaucoup d’émotions, mais surtout la peur de ne pas être accepté. J’ai peur qu’on dise que je suis juste d’origine libanaise. Je ne sais pas prédire la réaction des gens. Je n’arrive pas à imaginer ma réaction, lorsque je vais atterrir à l’aéroport de Beyrouth.

 

Ce voyage au Liban pourrait-il vous inspirer des idées à venir? Comme par exemple faire un duo avec un chanteur libanais, ou alors chanter une chanson libanaise un jour, ou alors tourner un film?

 

Je viens de voir le dernier film de Nadine Labaki, Et maintenant, on va où? Magnifique! Et voilà une annonce officielle: «Dans son prochain film, même si je dois être un mouton, je veux bien jouer le rôle du mouton», mais je tiens à participer au combat que mène Nadine Labaki. Je ne la connais pas du tout, mais voilà c’est moyen qu’elle sache que je suis là, et à sa disposition si elle le souhaite. Son film est tellement touchant! Voilà, ma fiancée est chrétienne et moi-même je suis d’origine musulmane, mais nous sommes libanais tous les deux! Son film appuie carrément sur ce contexte.

 

Quels sont vos projets à venir?

 

Mes projets, c’est de faire une grande tournée, faire un disque et écrire des chansons pour moi et pour d’autres chanteurs et chanteuses. Mais avant tout, mon plus grand projet c’est d’être heureux! Propos recueillis par F.B.-K.

 

 

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