Cette semaine, la presse régionale et internationale concentre ses analyses concernant le Liban sur deux axes: l’un sur les conséquences des évènements en Syrie, l’autre sur les scandales d’ordre sociétaux.
Les Inrockuptibles
Après les médias généralistes, c’est au tour du magazine culturel français Les Inrockuptibles de parler des combattants syriens ayant trouvé refuge au Liban. Hakim a 27 ans. Voici son histoire.
Avec sa barbe de trois jours soigneusement taillée, son jean usé, sa coupe démodée et son teint hâlé, Hakim ressemble à n’importe quel autre réfugié syrien.
En mai 2011, le jeune homme de 27 ans fuit la Syrie et abandonne les barricades pour un tout autre combat. Désormais, il officie comme relais à l’Armée syrienne libre (ASL) et soutient la révolution de l’extérieur. Avec le temps, il a «diversifié ses activités»et «développé son réseau». Hakim est un opposant de l’ombre, un maillon d’une chaîne bien organisée. Les détails sur la mission qui lui est assignée sont difficiles à obtenir. Il faut parlementer, négocier chaque information et promettre de ne pas indiquer l’endroit où il se trouve. L’entretien attise la curiosité. Les allées et venues se multiplient, les plus âgés surveillent ses propos.
Depuis huit mois qu’il collabore avec l’Armée syrienne libre, Hakim en est devenu un homme à tout faire. Il encourage la désertion des soldats de l’armée syrienne, récupère les blessés à la frontière, incite les journalistes à entrer en Syrie et encourage le trafic d’armes. L’Armée libanaise ne réussit pas à mettre la main sur ses armes, le jeune homme continue de ne rien lâcher. Il profite même d’un soutien politique du Mouvement du 14 mars. Hakim assure que «la plupart des armes proviennent de Libye». Même s’il refuse de détailler les sources de financement et les pays qui contribuent à ce trafic, il finit par confirmer que la Tunisie, la Libye, la Jordanie et la France y participent.
Le Monde
Pour le journal Le Monde, Laure Stéphan met à jour une pratique ô combien contestable. Dans l'austérité des casernes de police, après qu'on leur a intimé l'ordre de se déshabiller puis de se pencher en avant ou de s'accroupir, ils sont contraints de soumettre leurs parties anales à l'examen d'un médecin pour déterminer leur orientation sexuelle. Ils? Des individus suspectés d'homosexualité, punie par la loi au Liban, pourtant jugé plus tolérant que d'autres pays arabes.
Cette pratique humiliante, connue dans les milieux homosexuels mais ignorée du grand public, vient d'être dénoncée par plusieurs associations libanaises.
Tout est parti, raconte l'avocat, du calvaire de trois jeunes hommes interpellés en avril près du domicile beyrouthin d'un leader politique libanais. Espions, comploteurs, militants politiques? Rien de cela, révèle l'interrogatoire. L'affaire aurait dû s'arrêter là. Seulement, l'un des suspects est jugé efféminé par les forces de sécurité. Les trois camarades sont donc conduits à un autre poste de police de la capitale, spécialisé dans les affaires de mœurs, et soumis à un test anal pour déterminer leur homosexualité -après une nuit en garde à vue.
Bientôt, c'est sur les tests de virginité que l'ONG veut porter la lumière. Leurs principales victimes? Les femmes soupçonnées de prostitution. Ils sont aussi réalisés lors de plaintes, quand un homme est accusé d'avoir eu une relation sexuelle avec une jeune femme non mariée.
The Guardian
Pour The Guardian, «si les réseaux sociaux ont joué un rôle positif lors du Printemps arabe, au Liban, ils sont le reflet des discordes communautaires».
Depuis le début des affrontements qui agitent le Liban, chaque incident fait l’objet de manchettes, de posts et de tweets abondamment commentés sur internet. Sur Twitter, le hashtag #LebanonOnFire a connu une énorme montée de notoriété. Le Liban n’est pas en train de brûler. Ce qui bouillonne, ce sont les théories du complot et les histoires fantasmagoriques qui sont brodées autour de ces incidents. Les pro- et les anti-Assad se confondent en invectives, en s’accusant mutuellement de vouloir attiser la discorde à des fins politiques.
Les réseaux sociaux ont sans doute fourni une plate-forme précieuse de mobilisation contre les régimes corrompus et oppressifs de Moubarak, Ben Ali et de Kadhafi. Au cours des derniers évènements de Tripoli, Twitter a fourni une source inestimable d'informations pour certains résidents. C’est aussi une façon pour les gens de ne pas se sentir seuls, de garder contact avec le monde extérieur. Mais au Liban, les réseaux sociaux peuvent être à double tranchant. Les combats sont inquiétants, et la longue histoire de ce pays incessamment plongé dans la violence fait que les dérapages occupent une place importante dans la conscience collective. Mais sur les médias sociaux, les activistes qui tentent de faire passer des messages positifs sont étouffés par la propagande du ouï-dire, de l'exagération et du complot. La rumeur circule rapidement au Liban, avant même l’existence des moyens technologiques d’aujourd’hui, mais il y a un danger à ce que Twitter et Facebook deviennent des plateformes faisant l’apologie de la haine. Si elle devenait le vecteur principal des discours tendancieux au Liban, les médias sociaux deviendraient force de discorde et d'oppression.
Haaretz
Le quotidien israélien Haaretz raconte la simulation de guerre conduite par les commandos armés de la brigade Givati, créée en 1983 pour la guerre du Liban.
Une réplique d'un village arabe a été construite sur la base Elyakim dans le nord du pays. Pour cet exercice, ce village est un bastion du Hezbollah. Aux jeunes soldats, on explique que «l'ennemi» est embusqué, qu’il a des missiles anti-char, des tireurs d'élite, des bunkers souterrains et surtout des caches de roquettes prêtes à être tirées sur Israël.
Si l'armée israélienne devait à nouveau rentrer aujourd'hui sur le territoire libanais, elle ferait face à 60000 missiles, dont des milliers qui pourraient menacer la région de Tel-Aviv. Nos sources militaires stationnées au nord d’Israël expliquent que le Hezbollah a constitué des forces sans précédent. Entre guérilla et arsenal sophistiqué, le Hezbollah pourrait engager le combat dans des villages, au milieu de civils.
Au sein de l’Armée, on parle de la prochaine campagne au Liban comme étant plus courte, même si elle devait inclure de larges déploiements sur le terrain. Un général de division nous confie qu'il ne serait pas réaliste de compter uniquement sur la puissance aérienne dans un futur conflit avec le Liban. «Quand vous n’engagez pas de combat au sol, moins de soldats sont blessés, c’est sûr. Mais que personne ne se laisse bercer d'illusions, lorsque les soldats ne sont pas blessés, ceux qui sont blessés sont les familles qui souffriront de l’ennemi», explique le général. J. A-R.
Slate
Le site d’informations Slate s’intéresse au rôle de l’Armée libanaise en cette période trouble. Le Liban doit de nouveau affronter un grave péril qui, cette fois-ci, ne vient pas de l’intérieur: le pays se trouve peu à peu happé par la crise syrienne. Les répercussions demeurent jusqu’à présent à un niveau de basse intensité par rapport à ce que le pays a connu ces dernières décennies, mais les perspectives sont préoccupantes. Le Liban ne dispose pas en effet, contrairement à la Turquie, d’une puissante armée, d’une volonté politique et d’un consensus national pour décourager tout débordement en provenance du territoire syrien. La population elle-même est profondément divisée sur l’attitude à adopter face à la crise qui se déroule de l’autre côté des frontières.
L’implantation dans le nord du Liban de la petite communauté alaouite, très minoritaire et venue de Syrie, a été encouragée par Damas pendant la présence de l’armée syrienne, afin de faire contrepoids à la majorité sunnite. Inévitablement, des individus extrémistes, étrangers aux quartiers, se sont mis de la partie, n’aidant en rien à l’apaisement à Tripoli où des milliers de Syriens ont trouvé asile. L’Armée libanaise s’est bien interposée, mais sa composition est le reflet de la diversité religieuse du pays. Elle est donc contrainte de rester sur la réserve quand les relations entre les communautés nationales sont en cause. La conséquence est qu’elle se retire quand les choses s’aggravent afin de ne pas être accusée de prendre parti.
L’Opinion
Burkina-Faso-Liban: Trafic de filles
Il y a près de deux mois, les journalistes d’investigation du quotidien burkinabé L’Opinion publiaient une enquête extrêmement fouillée sur un trafic de jeunes femmes entre le Burkina et le Liban, par l’entremise d’une organisation charitable dirigée par des Libanais à Ouagadougou. Après les témoignages de plusieurs femmes, les responsables de cette association ont été mis sous verrou. Mais l’affaire pourrait porter plus haut.
Une semaine avant la parution de l’enquête, le Conseil des ministres du mercredi 17 avril annonçait la démission du consul honoraire du Burkina au Liban, Mme Fadoul. Nous avons donc interrogé sur le sujet Simplice Honoré Guibila, directeur général des affaires juridiques et consulaires du ministère des Affaires étrangères. «Nos compatriotes n’ont pas souvent le réflexe ou la volonté de se faire immatriculer spontanément dans les Missions diplomatiques et consulaires quand ils sont à l’étranger, surtout lorsqu’ils sont en situation irrégulière vis-à-vis de la législation sur l’immigration du pays. Certains d’entre eux ont des difficultés. En clair, ces Burkinabè qui travaillaient comme filles de ménage auprès de familles au Liban, se plaignaient soit de travailler sans repos, d’être mal rémunérées, soit d’être moralement violentées, de voir leurs documents de voyage confisqués par leur employeur ou encore de voir leur liberté de mouvement régentée par l’employeur».