Le ministre de l’Intérieur répond à toutes les questions d’actualité et en priorité à celles qui touchent à la sécurité du pays. Il nie l’existence de toute pression dans la relaxation des détenus islamistes et affirme que le contrôle des frontières est assuré à 80%
Le dialogue entamé par le président de la République peut-il réduire la tension? Que dites-vous de l’insistance du 14 mars à mettre sur la table le problème des armes?
Le dialogue est sans aucun doute utile, même si ses résultats ne sont pas imminents. J’aurais préféré qu’il soit axé sur un seul domaine, celui de la sécurité et de la stabilité pour éviter au Liban des problèmes qu’il n’est pas utile de développer. Les questions concernant le Hezbollah, le gouvernement ou les autres sujets pourraient être résolues par la suite quand on sera assuré que rien n’arrivera au Liban.
Le Hezbollah se dit prêt à discuter d’une stratégie défensive sans aborder le problème des armes. Qu’en pensez-vous, vous qui êtes en charge d’un portefeuille essentiellement sécuritaire?
Le Hezbollah n’est plus seul à posséder des armes. Ce qui s’est passé à Tripoli ou à Beyrouth n’est pas simple. Tout ce qui perturbe le climat impose qu’on en discute en toute franchise. Les armes font l’objet d’une divergence politique. C’est pourquoi, nous sommes supposés nous installer autour de la table du dialogue et nous entendre pour résoudre les différends quoi qu’il arrive. A une prochaine étape, lorsque les choses se seront calmées le dossier des armes du Hezbollah sera mis sur la table.
Vous avez parlé d’un mois de la sécurité à partir de Beyrouth, de la banlieue et à Tripoli. Quel est le but de cette initiative et à quel point cela rassurera-t-il les citoyens?
Nous n’entreprenons rien sans y avoir réfléchi. Cela rassure les citoyens après cette période que nous avons traversée à Tripoli ou ailleurs. La sécurité est aujourd’hui meilleure que la veille et elle le sera encore plus demain. La présence de la sécurité sur le terrain – fouille, barrages, et perquisitions- constitue une première étape. Ceci rassure les Libanais vivant à l’étranger qui reçoivent des échos exagérés et se posent des questions sur la situation du pays. Ils se demandent si le Liban est revenu à 1974 et 1975. Nous leur rappelons ainsi qu’à tous les Libanais que leur pays est parmi les plus beaux à condition que les politiciens s’entendent. Cette entente n’est pas difficile quand il s’agit de résoudre tout dérèglement sécuritaire. Nous traversons une bonne période et l’été sera sécurisé grâce également aux efforts des politiciens et des services de sécurité.
Que dites-vous des infiltrations à travers les frontières libanaises au nord de la Békaa ou au Akkar? Comment peut-on y remédier?
L’Armée libanaise existe à peu près à tous les passages légaux qui nous séparent de la Syrie. La tension existe à notre frontière avec la Syrie, comme elle existe entre la Syrie et l’Irak ou avec la Jordanie. Si nous la ressentons plus c’est parce qu’il s’agit de nos frontières. L’Armée libanaise mérite toute notre reconnaissance comme la méritent également les forces de sécurité intérieure. Nous contrôlons nos frontières à 80%.
Un différend vous avez opposé au ministre de la Défense, Fayez Ghosn, au sujet de l’existence ou non d’al-Qaïda au Liban, êtes-vous arrivés à une entente?
Je ne suis pas en désaccord et avec le ministre de la Défense. Nous œuvrons à sauvegarder le Liban.
Vous ne dites pas si al-Qaïda ou Fateh el-islam existent au Liban…
Qu’ils soient là ou non, l’important est que nous déployions tous nos efforts pour empêcher toute dégradation sécuritaire.
Vous étiez favorable à la réduction de la surpopulation carcérale. Que pensez-vous de la relaxation de certains détenus?
L’acte d’accusation a émané du parquet général. Certains détenus n’avaient pas participé aux combats contre l’armée à Nahr el-Bared. Ils ont purgé une peine de cinq ans et celle-ci était la sixième. Cela dépasse la sanction maximum prévue par le code pénal. C’est pourquoi ils ont été relaxés et non sous une pression quelconque.
Où en sont les tensions autour des camps palestiniens à Nahr el-Bared ou à Aïn el-Héloué? Etes-vous parvenu à une entente avec le commandement des cellules palestiniennes et avec Azzam Ahmad, le délégué palestinien?
Dans les entretiens que nous avons eus avec eux, les Palestiniens nous ont affirmé qu’ils ne souhaitaient avoir aucun problème avec l’Etat libanais. Ils se considèrent invités au Liban. L’Armée libanaise et les services de sécurité maintiennent le dialogue avec eux.
Il a été vivement question, ces derniers temps, d’une cinquième colonne. De qui s’agit-il et a-t-elle un lien avec la Syrie?
Toute partie qui veut du mal au pays constitue une cinquième colonne. Ce n’est pas nécessairement la Syrie.
Les blocages de routes dans la majorité des régions libanaises ont-ils pris fin? Le président Berry a déclaré qu’il établirait des contacts pour empêcher celui de la route de l’aéroport…
Nous pourrions débloquer les routes en cinq minutes, mais une telle initiative aura-t-elle le résultat souhaité? Il faut que la politique intervienne pour débloquer les routes car cela porte préjudice aux citoyens. Bloquer les routes pour protester contre les coupures de courant ne les empêchera pas. Le gouvernement libanais a pris la décision de louer 3 bateaux. Ceci sera fait le plus vite possible, mais ce ne sera pas sous la pression de la rue.
On vous reproche de ne pas être assez ferme et de ne pas donner l’ordre aux forces de sécurité de débloquer les routes. Qu’en dites-vous?
Dans les conditions actuelles, nous agissons avec sagesse. Nous pourrions réagir très vite, mais nous voulons éviter les bains de sang et les victimes innocentes. Nous remédions au blocage des routes avec l’aide des politiciens. Nul n’ignore le préjudice de tels agissements, surtout sur la route de l’aéroport, pour tous les citoyens, pour le tourisme et l’économie. C’est pourquoi nous comptons sur l’intervention des hommes politiques pour que la route de l’aéroport ne soit plus jamais fermée.
Que répondez-vous à ceux qui reconnaissent votre succès à maîtriser avec l’armée et les services de sécurité les incidents à Tripoli et à réduire la tension autour des camps, mais vous reprochent de n’avoir pas réussi à empêcher la vague d’enlèvements?
Une opération réalisée sans que nous en soyons informés, c’est un échec. Mais dans la majorité des cas nous en avons connaissance et nous prenons toutes les mesures préventives, en coopération avec les personnes concernées, loin des médias. Lorsque des renseignements nous sont fournis par nos services nous prenons toutes les précautions pour protéger les déplacements des personnalités menacées et nous les informons de la nécessité de rester prudentes.
La tension s’est-elle réduite à Tripoli entre Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen?
Tout le monde a compris que personne n’en sortirait gagnant. Même les détenteurs d’armes savent qu’ils ne sont pas hors danger.
La victoire des Ikhwan en Egypte peut-elle avoir des répercussions dans la région?
Ceci concerne la République égyptienne. Ce que je souhaite c’est qu’il n’y ait pas de répercussions négatives à commencer par l’Egypte et jusqu’au Liban. Attendons d’expérimenter le pouvoir des Ikhwan en Egypte.
Que dites-vous des deux projets de loi électorale -vote à la majorité dans de petites circonscriptions, et à la proportionnelle dans des circonscriptions moyennes-, proposés par le comité du suivi de Bkerké? Où en est votre propre projet?
Le projet du vote à la proportionnelle est devant le Conseil des ministres. Les trois-quarts ont été discutés et il ne reste qu’un quart.
Une dernière question: Comment résoudre le problème des embouteillages, notamment sur l’autostrade du Metn Nord. La politique intervient-elle ici aussi?
Le problème de la circulation est une affaire nationale et ne peut être soumis à des divisions politiques. Trois raisons aux embouteillages: le plan des routes, l’éthique des citoyens et le savoir-faire de l’agent de la sécurité intérieure. On sait que le réseau routier n’est pas à la hauteur du nombre des voitures. Le ministère de l’Intérieur accorde un grand intérêt à cette affaire. En ce qui concerne l’autostrade du Metn Nord, le Conseil du développement et de la reconstruction a commis une erreur dans la réalisation du projet de Jisr Nahr el-Mott. Les embouteillages ne diminueront qu’avec la destruction totale de ce pont.
Propos recueillis par Saad Elias