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Nº 2854 du vendredi 20 juillet 2012

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Elections partielles du Koura. 14 mars, victoire à l’arraché

Les partis qui comptent au Koura ont plusieurs enseignements à tirer des élections partielles de dimanche. Pour les vaincus, c’était un tour de chauffe. Les vainqueurs, eux, ont vu que la percée des FL au sein de l’électorat chrétien avait contrebalancé une certaine désaffection côté sunnite.

C’est dans une atmosphère démocratique que les électeurs du Koura se sont rendus dans les bureaux de vote dimanche. Une petite victoire pour le ministère de l’Intérieur qui pourra se targuer du fait qu’aucun incident majeur n’a été signalé. Sur les grands axes routiers qui traversent la circonscription, quelques convois de voitures, décorés de drapeaux tonnant klaxons et chansons partisanes, ont été aperçus, mais ce n’était pas la folie des grandes échéances électorales. C’est le lot de toutes les élections partielles. Sur les 58 000 votants inscrits au moment des élections en 2009, 47% des inscrits s’étaient déplacés. Dimanche, ils étaient près de 24 000, soit 43%. Il y a trois ans, l’écart entre les deux principales listes s’élevait à 2 000 voix. Dimanche, entre Fadi Karam, candidat des Forces libanaises et de l’opposition et Walid Azar, candidat du PSNS, soutenu par la majorité, le différentiel n’était que de 1 300. 12 412 contre 11 141. Des chiffres en baisse qui reproduisent sur le plan numérique, les mêmes rapports de force qu’en 2009. Mais comme un mouvement de plusieurs dizaines de personnes est à considérer comme un phénomène électoral, il faut alors croire que quelques tendances nouvelles sont apparues.

Faux départ
C’est la soupe à la grimace du côté du PSNS. Défait une nouvelle fois dans son bastion, il en veut beaucoup au CPL. Et pour cause! Dès le départ, le courant aouniste et les Marada de Sleiman Frangié ont émis le souhait de passer leur tour pour mieux préparer le scrutin de l’année prochaine. En clair, à leurs yeux, c’était une bataille perdue d’avance, et non à cause de l’argent électoral ou des charters d’émigrés, devenus des données habituelles au Koura comme ailleurs. Non seulement le décès de Farid Habib et les enjeux symboliques ont hystérisé l’électorat des FL, mais l’opposition avait besoin d’une victoire électorale pour redonner corps à ses options politiques.
Bien que les machines électorales du CPL et des Marada aient fini par se mettre au service de Walid Azar, le PSNS a bien vu qu’il devait faire sans ses alliés. En sa forteresse électorale d’Amioun, première localité de la circonscription par sa population, le parti a engrangé 79% des suffrages. C’est dans la quasi-totalité des autres villages du Koura que le PSNS perd des voix. En 2013, si élections il y a, le travail de la majorité consistera essentiellement à préserver au mieux son capital de voix qu’il obtiendra à Amioun.
Pour le PSNS et ses alliés, la tâche semble ardue pour l’année prochaine, d’autant que les résultats de dimanche posent plus de questions que ne donnent de réponses. Parce qu’au final, le parti d’Assaad Hardane fait mieux que résister. Il obtient en tout cas de meilleurs scores qu’en 2009, lorsque le CPL et les Marada l’accompagnaient dans la bataille. Dans l’autre sens, les responsables du courant aouniste peuvent estimer que c’est en se jetant dans le piège tendu par Samir Geagea, qui a énormément misé sur les élections de dimanche, que le PSNS a perdu et qu’il a besoin du CPL pour éventuellement gagner.
La confrontation de deux stratégies illustre les différences entre les deux partis. D’un côté, l’organisation d’Antoun Saadé, le laïc, l’héritage communiste et l’allégeance à la Syrie nationaliste. De l’autre côté, le camp de Michel Aoun, parti en croisade pour la défense de la voix chrétienne. Voilà pour l’histoire et le symbole.
En vérité, au Koura, même si les écarts restent faibles, la machine électorale du 14 mars reste la plus forte. Cette machine est un trident aux cornes acérées. La première d’entre elles est sans conteste le député Farid Makari. Le vice-président de la Chambre est grec-orthodoxe, comme la grande majorité des habitants de la circonscription. Même en étant plutôt discret dans son village d’Enfé, Makari aura été le grand ordonnateur de ce scrutin. De Kousba à Kfar Hazir, il est le mieux implanté de l’opposition, il connaît toutes les routes, toutes les familles. Les petits services comme le goudron, l’eau ou l’électricité, c’est à lui qu’on les demande. C’est aussi lui qui maintient les liens avec la diaspora du Koura disséminée entre les Etats-Unis et l’Australie. Farid Makari est sans conteste le premier acteur politique du Koura.

L’opposition, sans surprise
Sur le devant de la scène, c’est surtout le leader des Forces libanaises que l’on a vu. Samir Geagea a flairé le bon coup. D’aucuns lui ont conseillé de nommer un membre de la famille de Farid Habib afin d’éviter une bataille électorale sanglante qui, à l’heure où le Liban passe en zone de turbulences, pourrait faire pas mal de vagues. Un niet clair et définitif du côté de Meerab. L’occasion était trop belle. Les FL sont en mutation, l’opposition a besoin d’une victoire et est en terrain favorable. Geagea décide de nommer Fadi Karam, un dentiste natif d’Amioun. D’abord, pour valider la fin des réflexes claniques stipulée dans la nouvelle charte du parti, ensuite pour déclarer la guerre au PSNS. La campagne électorale, c’est l’actualité qui l’a faite à sa place. Le régime syrien et ses sbires au Liban face aux parangons de la liberté des peuples. Le vrai défenseur des chrétiens contre le général affidé au Hezbollah. Tous les slogans auront été utilisés. Résultat, le vote maronite a tourné à plein régime comme l’illustre le résultat du vote dans la petite localité de Bsarma qui a basculé du côté du 14 mars. Autre conséquence, John Moufarrej, laissé de côté par les Phalangistes, à qui avait été promis un siège, n’a obtenu que 412 voix.
Il s’agit d’une victoire de choix pour Samir Geagea qui, en l’absence de Saad Hariri, s’impose comme le leader le plus en vue du 14 mars.
L’absence de Saad Hariri pose justement les termes de l’autre enseignement de ce scrutin. Sur l’un des ponts qui surplombent l’autoroute du Koura vers Kalamoun, la photo de l’ancien Premier ministre, accrochée là depuis 2009, a été remplacée, il y a plusieurs jours, par celle de son successeur Najib Mikati. Outre cet exemple, la brutalité des chiffres. Des dizaines de sunnites qui avaient voté, il y a trois ans, pour la liste du 14 mars se sont portés dimanche sur le candidat du PSNS. Entre les deux, la présence dans la région, les trois jours précédant le scrutin, du secrétaire général du Courant du futur, Ahmad Hariri à la manière de Saad qui, en 2009, s’était installé dans la mosquée de Tripoli. Avec l’émergence d’Ahmad el-Assir et le retour en force du Premier ministre et de son ministre des Finances, Mohammad Safadi, le parti sunnite est balloté de toutes parts et en l’absence de son leader naturel, garder la tête hors de l’eau est un combat quotidien. Déjà en perte de vitesse à Tripoli, le Courant du futur, visiblement concentré sur l’évolution des événements de l’autre côté de la frontière, n’a réussi à mobiliser que le strict minimum.
Tirer des conclusions définitives sur un scrutin aussi localisé et auquel ont participé quelque 20000 personnes peut sembler présomptueux. Mais c’est pourtant ce qu’ont fait toute cette semaine les responsables locaux des partis présents au Koura.

Julien Abi-Ramia

Geagea jubile et prévient
Mardi, le leader des Forces libanaises a expliqué que leurs «rivaux vont essayer jusqu’au bout d’annuler les élections parlementaires de l’année prochaine, surtout après le résultat des élections partielles du Koura, qui étaient une version en miniature du scrutin de 2003». «Ceux qui pensaient que les attentats ciblés allaient nous faire perdre courage se sont trompés», poursuit-il.
«Les alliés du régime syrien au Liban sont en train de se préparer à sa chute parce qu’ils savent très bien que l’ère post-Assad ne sera pas en leur faveur».

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