Elu au Koura dans une partielle organisée après la disparition du député des Forces libanaises, Farid Habib, Fadi Karam défend la politique des FL auxquelles il est affilié et dénonce les fausses rumeurs qui ont accompagné la campagne électorale.
Que dites-vous aux citoyens du Koura, maintenant que vous avez été élu? On a parlé de provocation quand vous avez présenté votre candidature…
La bataille est terminée et il nous faut ouvrir une nouvelle page fondée sur la coopération de tous. Cela, pour le bien de notre région qui a confirmé son attachement à l’entité libanaise et à l’édification de l’Etat. Pour ce qui est de la provocation, c’est l’idée la plus étrange qui puisse être évoquée, parce qu’elle contredit le principe de démocratie. Ma candidature était démocratique. Toute personne détentrice d’une vision politique a le droit de tenter sa chance pour la défendre. La bataille s’est déroulée de façon normale et démocratique, proposant un choix entre deux visions politiques. Les électeurs ont dit leur mot et aujourd’hui est un nouveau jour.
Quel a été le rôle de ce qu’on appelle «l’argent politique» dans le succès du candidat des FL?
Ce sont des accusations portées par l’adversaire pour justifier son échec. Les citoyens du Koura ne s’achètent et ne se vendent pas. J’aurais souhaité que l’autre camp n’inaugure pas la bataille par des accusations lancées contre ceux qui ne partagent pas son avis, et par la séparation des gens en deux clans, les originaires de la région et les étrangers. Dès le début de la campagne, j’ai demandé à l’adversaire d’user d’un discours raffiné sans revenir au temps de la Guerre civile, et d’adopter un langage nouveau qui ne ravive pas les plaies. Ses partisans ont continué. Aujourd’hui, nous tournons la page.
Quels ont été les résultats enregistrés à Amioun?
Amioun a favorisé l’autre partie. Nous nous attendions à un tel résultat en raison de la présence traditionnelle de l’autre camp qui a, quand même, exercé des pressions. Nous acceptons le verdict des urnes.
A la lecture des résultats, avez-vous obtenu une majorité de suffrages dans les villages chrétiens?
C’est certain. C’est évident. Nos prévisions portaient sur l’ensemble des groupes qui composent la population du Koura, surtout sur la scène chrétienne où notre score était fort élevé. En coopération avec leurs alliés, les FL ont prouvé que leur machine électorale était fort bien organisée.
Comment les suffrages chiites et sunnites ont-ils influencé le résultat du scrutin?
La voix sunnite était une voix démocratique qui, dans sa majorité, a voté en notre faveur. Une partie des suffrages sunnites a favorisé l’autre candidat. Quant aux suffrages chiites, ils se sont exprimés en totalité contre nous. Le choix chiite a paru isolé et peu démocratique. Ce suffrage est le résultat de la pression exercée par l’argent et les armes.
Vous voulez dire que les armes du Hezbollah ont joué un rôle dans les élections du Koura?
Bien sûr. Sinon, comment expliquer qu’une communauté, qui compte des personnes opposées aux armes et qui ne soutiennent pas l’autre camp, n’ait pas pu s’exprimer. Vous imaginez-vous une société qui vote à 100% pour un courant donné? Ce n’est pas sain!
Aviez-vous des délégués dans les bureaux de vote chiites? Ont-ils remarqué des procédés douteux?
Oui, nous en avions. Ils ont remarqué un certain intégrisme et une absence de réflexion.
Pour ce qui est de l’électorat sunnite, est-ce vrai que le Futur a reculé comparé aux législatives de 2009?
Il n’a pas reculé, mais l’électorat sunnite a participé de manière moins massive qu’en 2009.
L’influence du Moustaqbal au sein de la communauté sunnite n’a donc pas régressé?
Pas du tout. C’est le taux de participation qui a reculé.
Le scrutin partiel du Koura est-il un test pour la tendance 2013, au niveau de l’ensemble des régions?
Il ne fait pas de doute que chaque bataille électorale a ses propres spécificités. La bataille du Koura aussi, mais on peut en dégager quelques indices. La prépondérance du projet national du 14 mars et de la révolution des Cèdres est un indice bien clair.
Le député Assaad Hardan s’est félicité du nombre de suffrages obtenus et de l’écart entre les deux candidats qui s’est rétréci par rapport à 2009…
Il a ses calculs, nous avons les nôtres et nous ne partageons pas son avis. Ils ont tellement régressé qu’ils ont ramené la bataille à un seul village.
Votre réponse à l’épouse du ministre de la Défense qui, en réaction à vos accusations, a dit avoir un permis pour s’introduire dans les bureaux de vote?
Je n’ai pas lu le communiqué. C’est sûr qu’elle avait un permis et nous n’avons pas contesté sa présence dans les bureaux de vote. Nous avons contesté la présence de ses accompagnateurs de la Moukafaha de l’armée. C’est une infraction évidente à la loi. Les véhicules de l’armée ont transporté des électeurs qui ont voté en faveur de l’autre camp.
Vous prônez la neutralisation du Liban par rapport au conflit syrien et refusez l’extension de cette crise sur le territoire libanais?
Bien sûr. Pour empêcher ses retombées dans les deux sens.
Le général Michel Aoun avait invité les électeurs à une réflexion sur les événements du Akkar avant de se rendre aux urnes… Cette réflexion a-t-elle été dans le bon sens?
Cette déclaration est étonnante de la part d’un haut responsable et d’un leader. C’est comme si nous voulions semer la discorde entre les Libanais. Ce qui se passe au Akkar n’a rien à voir avec le Koura. Nous considérons que les développements au Akkar sont dus à une erreur du gouvernement libanais.
Votre relation avec le vice-président de la Chambre, Farid Makari? Quel a été son rôle dans la bataille électorale?
Nous sommes des amis et liés aussi par un lien de parenté. Nous sommes des alliés politiques et nous formons une seule et même équipe.
Quelles sont vos priorités, à cette étape?
Je vais essayer de mettre sur pied une équipe spécialisée dans les affaires du Koura et proposer des projets en faveur de tous ses habitants, sans exception. Le développement profite à tout le monde, et nous tendons la main à tous les bords.
Votre avis sur les manifestations d’appui à l’armée et les appels à la libération des trois officiers?
La défense de l’institution militaire est un devoir. Mais l’impression laissée par certaines protestations poussent à croire que les Libanais sont divisés entre défenseurs et détracteurs de l’armée. Ce n’est pas très réfléchi. Il faut confier l’affaire à la justice et ne pas y impliquer la rue. S’ils soutiennent l’armée, pourquoi ne se sont-ils pas exprimés lorsque le capitaine Samer Hanna a péri dans son avion abattu par le Hezbollah? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait après les incidents de Mar Mikhaël à Chiyah qui ont abouti à l’arrestation de trois officiers, deux colonels et six soldats?
Propos recueillis par Saad Elias