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Nº 2857 du vendredi 10 août 2012

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Mezzo Art Lounge. Lorsque l’art s’amourache de la gastronomie

Mezzo… en italien le terme signifie juste milieu. Un nom tout trouvé pour caractériser une idée malicieuse, mettre un trait d’union entre l’art et la gastronomie. Apprécier des toiles et des sculptures de maîtres tout en dégustant de délicieux mets, voilà ce que propose le Mezzo Art Lounge, un concept imaginé par Joe et Laudy Khoury.

La belle histoire commence en 2006, lorsque le couple décide de louer une vieille maison dans la région de Sarba à Jounié. L’objectif est d’en faire un atelier d’art pour Joe Khoury. «Quand nous avons repris la demeure, elle était totalement délabrée, il n’y avait rien, tout était par terre», se souvient-il.
Prend place alors un chantier de plus de cinq ans pour remettre tout sur pied. De ruines, la maison se transforme en petite perle architecturale où chaque détail est soupesé. Les murs retrouvent leur jeunesse d’antan, refaits à l’identique deux siècles après, les tuiles ont été sélectionnées d’un peu partout au Liban pour constituer la toiture, les portes rénovées sont en bois ancien et certaines pierres proviennent de Faqra.  
La maison devient alors un lieu d’exposition et par la même occasion l’atelier de Joe Khoury, peintre et sculpteur de son état. «Au tout début, nous avions des expositions de toiles permanentes. De temps en temps, nous invitions nos amis à dîner», raconte son épouse, Laudy. «Puis, nous nous sommes demandés comment attirer le public et l’intéresser à l’art», continue Joe. Le déclic, c’est elle qui va le déclencher en demandant à son mari ce qu’ils pourraient inventer de plus intéressant pour attirer les Libanais à découvrir leurs toiles. Comme une évidence, la réponse ne s’est pas fait attendre: en les invitant à manger. Mais pas question d’ouvrir un simple restaurant. «Non, un musée restaurant, précise-il. C’est comme ça que le Mezzo est né. Notre idée a été de concocter de petits plats pour régaler nos convives. La curiosité oblige les gourmets à se renseigner sur les toiles», assure-t-il. Le couple travaille alors en duo pour mettre en place un concept inédit, animé d’une seule exigence: l’expression artistique. «Depuis plus de vingt ans, je suis les créations de Joe du début à la fin. Je vis son art à travers lui, de façon directe ou indirecte. Alors ce concept purement artistique du Mezzo, il était ancré en nous», note Laudy. Le restaurant ouvre ses portes début 2011.
Dans l’antre des épicuriens Khoury, rien n’est laissé au hasard. Une immense porte en bois massif signe l’entrée du musée restaurant. Le ton est donné sans préavis. Sa poignée n’est autre qu’une sculpture réalisée par l’artiste restaurateur. Comme un clin d’œil, la télévision projette la chaîne Mezzo…
Chacune des cinq pièces du restaurant hybride est déclinée selon la personnalité d’un artiste éminent et en porte le nom, créant une atmosphère intimiste. Salvador Dali, Claude Monet, Pablo Picasso, Auguste Rodin ou encore Vincent Van Gogh ont ainsi leur chambre, décorée à leur image. Tous les ans, les noms changent et la décoration également, autant à travers les toiles exposées que les chaises ou tables qui achalandent le lieu. Les toiles présentées sont le travail de différents artistes d’aujourd’hui ou d’hier, libanais ou étrangers et sont signées pour certaines par le gérant des lieux, qui a conservé son espace de création au premier étage de la demeure. Les meubles, quant à eux, sont des pièces d’antiquités, certains datant du XIXe siècle. Ce n’est pas par hasard si tout semble s’assembler à l’unisson, malgré les 1001 détails que l’œil découvre: des lustres en fer aux rideaux en dentelles de la grand-mère de Laudy. C’est que cette dernière tenait, il y a quelque temps, un magasin d’antiquaire.
L’imagination du couple semble avoir été sans limite. Dans la salle Rodin, une immense table en bois est suspendue au plafond à l’aide d’anciennes ancres du port de Beyrouth. Si les pièces de collection n’ont pas été chinées au Liban c’est qu’elles ont été façonnées par Joe Khoury lui même.
Dans le couloir principal, une bibliothèque d’anciens livres pris ici et là dans les étagères familiales, accueille également une variété importante de cépages, provenant de leur collection personnelle. Au Mezzo, on sert du vin espagnol, français mais surtout libanais. «C’est le meilleur», insiste Joe.
Ici, tout est question d’art. Rien n’échappe au concept, pas même le menu. Sur la carte, la gastronomie du Mezzo s’est également revêtue d’une aura artistique. On peut ainsi commander le bœuf de Picasso, le Poisson de Cézanne, le Saumon de Dali, le Poussin Pastoral ou encore le Blanc de Poulet au pinceau jaune. «Nous avons fait des recherches dans les biographies des artistes pour rester cohérents avec leur histoire, précise Joe. Le Saumon de Dali est inspiré de son œuvre célèbre «la persistance de la mémoire». Ces horloges qui fondent me font penser au mouvement d’un poisson. Quant au Bœuf de Picasso, l’appellation est en rapport avec son œuvre maîtresse, Guernica. D’ailleurs, au jour d’aujourd’hui, nous sommes identifiés par ce plat».
Le Mezzo est doté, par ailleurs, d’une très belle terrasse qui fait la fierté de Joe Khoury. Cet amoureux du détail a passé plus de quatre mois à sculpter des pierres en forme de fleurs pour créer son parterre. Spacieux, le côté jardin sert aux réceptions de mariage mais pas seulement. Au-delà de son musée d’intérieur, le Mezzo propose au public libanais deux rendez-vous annuels, en mai et début septembre. Deux expositions ont déjà leurs places dans les agendas culturels du pays. L’année passée, alors que l’exposition de septembre était placée sous le haut patronage du ministère de la Culture, le ministre Gaby Layoun, avait déclaré à la maîtresse de maison: «tu m’as fait vivre l’histoire du monde en une seconde. Mezzo est le ministère de la Culture même».
 

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