Cette semaine, la presse internationale s’inquiète de l’évolution de la situation au Liban qui sombre progressivement dans le désordre. Les dossiers conflictuels se multiplient.
L’Express
L’hebdomadaire français L’Express revient sur l’histoire pittoresque du vol Paris-Beyrouth. «On est descendu en Syrie, il y avait plein de soldats, il fallait baisser les rideaux des hublots, on a pensé qu’il y avait un quelconque problème et qu’ils n’avaient pas d’argent pour payer l’essence», a déclaré Najib, un chef d’entreprise de 42 ans. «Ils ont demandé si les passagers pouvaient contribuer pour pouvoir mettre le kérosène. Après, ils ont résolu le problème», a-t-il ajouté.
Air France a dérouté ce vol à destination de Beyrouth vers Chypre «par précaution», des troubles ayant éclaté sur la route de l’aéroport Rafic Hariri. L’appareil avait dû s’arrêter pour faire le plein à Damas avant d’atterrir à l’aéroport chypriote de Larnaca, où les passagers ont été pris en charge par la compagnie. «A Damas, on a attendu un certain temps et il y a eu des tractations pour acheter du kérosène», car Air France n’assure plus de liaison actuellement sur Damas et «n’a donc pas de compte», a raconté de son côté Roland, un ingénieur de 33 ans.
«Il a fallu négocier pour acheter du kérosène et dès qu’on en a récupéré suffisamment on a pu repartir pour Larnaca», a-t-il ajouté.
«La situation s’est dégradée rapidement pendant la phase d’approche à Beyrouth, ce qui a conduit la compagnie à décider d’un déroutement sur Amman qui apparaissait alors comme la meilleure solution», a expliqué le directeur de permanence à Air France, Pierre Caussade.
«Mais le commandement de bord n’a pas pu obtenir du contrôle aérien du secteur l’autorisation d’emprunter une trajectoire directe sur Amman. En fin de compte, avec le carburant restant, le seul aéroport à portée a été Damas».
Le Monde
Le quotidien français de référence Le Monde revient sur l’émergence du clan Moqdad.
Ce jeudi 16 août se tenait une «réunion du dialogue national» au Liban, rassemblant les différents partis politiques. Tout un symbole, alors que cette nuit a été marquée par des violences à Beyrouth, après une série d’enlèvements de Syriens, revendiqués par le clan libanais el-Moqdad.
Qui sont les membres de ce clan qui peuvent se permettre de kidnapper une vingtaine de ressortissants syriens ainsi qu’un Turc, et menacer publiquement l’ASL de représailles plus larges? Les Moqdad sont un clan de plusieurs milliers de personnes, originaires de Baalbek (est), berceau du Mouvement de la résistance islamique (ancêtre du Hezbollah), à la frontière syrienne, et également implanté dans la banlieue sud de Beyrouth. «Il gravite autour du Hezbollah, sans lui faire allégeance. Le parti de Dieu a toujours entretenu une relation complexe avec les clans familiaux chiites de la région, dont les Moqdad. Certains lui ont déjà fait perdre des élections. Le clan bénéficie à la fois de la protection du mouvement chiite et d’une certaine autonomie vis-à-vis de lui», explique Franck Mermier, anthropologue et directeur de recherches au CNRS, spécialiste du Liban.
L’absence de réaction ferme de la part du gouvernement face à l’irruption de la violence des clans sur la scène libanaise est un miroir grossissant. La violence s’installe dans l’espace public libanais, avec une technique qui a un long passif au Liban: la prise d’otages», analyse Daniel Meier, chercheur au Centre d’études libanaises de Londres. «Ces enlèvements sont une boîte de Pandore: ils révèlent ce qu’il est possible de faire au Liban. D’autres clans vont certainement se dire: ‘‘c’est possible, pourquoi pas nous?’’», regrette le chercheur.
Los Angeles Times
The Los Angeles Times se concentre sur la situation des réfugiés syriens aisés. Nada Ekhwon et son mari, médecin comme elle, ont fui la Syrie pour chercher au Liban un havre loin du bain de sang. Mais la récente vague d’enlèvements de Syriens à Beyrouth et le manque de perspectives dans le pays les obligent à chercher une alternative.
Cette femme élégante cherche un billet d’avion pour Chypre, où résident ses parents. Mais tous les vols de la compagnie libanaise Middle East Airlines sont complets pour une semaine. «Et d’ici là, personne ne sait ce qui peut se passer», s’inquiète-t-elle.
«Une famille vivant dans une banlieue de Beyrouth a raconté que des hommes armés avaient encerclé leur pâté de maisons cette semaine et qu’ils avaient dû se cacher sur le toit. Depuis, ils se sont installés ailleurs», raconte Ariane Rummery, porte-parole du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés.
Et même s’ils sont loin de vivre dans le dénuement, les Syriens des classes moyennes et supérieures s’inquiètent de ne pas trouver de situation professionnelle stable au Liban.
Nada Ekhwon et son mari, qui ont fermé leur cabinet à Homs pour la relative sécurité de Damas avant de se résoudre à gagner le Liban il y a six mois, n’ont toujours pas obtenu le droit d’exercer et vivent sur leurs économies.
Marianne
L’hebdomadaire Marianne s’est intéressé au cas de Michel Samaha à travers le prisme français. La presse libanaise revient avec délectation sur ces liens qui unissaient la France de Guéant et Sarkozy avec Michel Samaha. Le journal as Safir titre: «le terroriste… titulaire de l’Ordre du Mérite français». Et l’éditorialiste d’expliquer comment l’ancien ministre libanais a mérité cette décoration après avoir tissé des liens avec l’Elysée, le Quai d’Orsay et les services secrets. Et le journal de conclure que lorsque Bachar el-Assad s’est libéré en 2008 grâce à Nicolas Sarkozy de «l’embargo international», Michel Samaha est devenu l’émissaire privilégié de la Syrie vers la France et l’Occident.
D’après un autre titre, al-Akhbar, les relations de Samaha avec la France sont beaucoup plus anciennes. Elles remontent à 1985. Ces dernières années, l’ancien ministre passait plus de temps à Paris avec sa famille qu’à Beyrouth. Les relations étaient régulières avec Claude Guéant après 2007, date de l’élection de Nicolas Sarkozy.
Ces révélations auraient pu inciter ses anciens amis français à un peu de prudence dans leur analyse du conflit actuel en Syrie. Au moment où leur homme de confiance à Beyrouth et Damas est accusé des pires turpitudes, Sarkozy, Guéant et Fillon auraient mieux fait d’être prudents dans l’analyse du dossier syrien. Mais à lire les déclarations récentes de l’ancien président et de François Fillon, pour dénoncer la mollesse de Hollande face aux exactions de Damas, on est surpris par l’assurance de nos anciens dirigeants. C’est comme s’ils avaient été frappés d’amnésie!
La Croix
Le quotidien La Croix fait état de l’inquiétude des Libanais face à la situation dans leur pays. «Le Liban risque de traverser de violentes turbulences dans les semaines qui viennent», prévient un diplomate européen sous le couvert de l’anonymat. «Les Syriens n’ont pas pour habitude de laisser leur petit voisin tranquille quand eux-mêmes ont des problèmes. Plus vite la chute de Bachar interviendra, mieux ce sera pour les Libanais. Encore faut-il que ceux-ci puissent prendre les choses en main après». Nul doute que la chute attendue de Bachar el-Assad changera la donne politique au Liban.
Pour l’instant, empêtrée dans des tiraillements internes sans issue et paralysée par une économie en panne sèche, la classe politique libanaise –et en premier lieu le gouvernement– n’a pas les moyens de contrôler la situation sur le terrain.
À sa sortie d’une réunion avec le président Michel Sleiman, le Premier ministre libanais, Najib Mikati, s’est pourtant déclaré catégorique: «Les kidnappings de mercredi ne se répéteront pas. Nous devons rester positifs». Malgré cette situation instable, la visite du pape au Liban, programmée du 14 au 16 septembre, est maintenue, pour le moment.
J. A-R.
La FINUL sur ses gardes
Hurriyet
L’hebdomadaire turc Hurriyet fait la lumière sur les turpitudes de la force internationale.
En une période où le Liban doit faire face à différentes menaces, le commandement des Casques bleus de la Finul a pris une mesure exceptionnelle. Les déplacements entre le Liban-Sud et la capitale Beyrouth sont suspendus siné dié. Plus de mouvement au-delà du nord du fleuve Litani. Raison invoquée: la sécurité des hommes et des matériels. Les services de renseignements militaires craignent que la Finul puisse être prise pour cible, ou se retrouver entre «deux feux» en parcourant les routes conduisant à Beyrouth, là où se font notamment les rotations entre les différents contingents, ceux qui «ont fait leur temps» et ceux chargés de prendre la relève. La zone de l’aéroport international est considérée comme particulièrement sensible. «Nous n’oublions pas, dit un officier turc, que nous avons déjà été attaqués par le passé, que cela constituait parfois une sorte d’avertissement et que nous pouvons de nouveau être pris pour cibles dans cette période troublée. Alors nous nous adaptons»