Magazine Le Mensuel

Nº 2859 du vendredi 24 août 2012

ECONOMIE

Echelle des salaires. 2258 milliards de livres par an

Ce que tout le monde attendait est arrivé. Le Conseil des ministres, qui s’est réuni jeudi 16 août, a approuvé le réajustement des salaires des fonctionnaires du secteur public dans la même proportion que celle votée pour le secteur privé en février dernier avec effet rétroactif au 1/2/2012. Le Conseil a par ailleurs reporté l’examen de l’échelle des salaires des fonctionnaires à sa réunion prévue mercredi 5 septembre. L’étude de la grille des salaires et son vote seraient probablement relégués aux calendes grecques. Le feu couvant sous la cendre, le gouvernement a pallié aux besoins les plus urgents des ressources humaines du secteur public. Sa décision est celle du moindre mal, dans la mesure où «l’approbation de l’échelle des salaires aurait monté les gens, notamment les lobbies financier, immobilier et commercial, contre les fonctionnaires».
En fait, le projet de la grille des salaires comprend 37 articles sur un total de 60 articles portant sur l’augmentation et/ou la création de nouveaux impôts et taxes qui visent à assurer son financement. Parmi ces taxes figure une série d’impositions contestées par une large frange sociale (ces taxes sont presque les mêmes que celles qui ont été supprimées du budget de 2012), c’est-à-dire, entre autres, le relèvement du taux de la TVA de 10% à 12%, la hausse de la taxe sur les intérêts bancaires de 5% à 7%, l’imposition d’une taxe de 4% sur le mazout et d’une autre d’une même proportion sur les profits des ventes de biens-fonds immobiliers acquis avant 2009, et de 15% pour ceux acquis après 2009. Le coût estimé de cette nouvelle grille est exorbitant. Il est approximativement de l’ordre de 2258 milliards de livres en rythme annuel, sachant que son application serait sans aucun effet rétroactif. Dans le cadre de cette grille, certains réajustements de salaires atteignent une progression de 99% sur base du salaire actuel du fonctionnaire, alors que la valeur de la promotion à un grade supérieur de certaines catégories de fonctionnaires peut atteindre 278% de la valeur actuelle du grade. D’ailleurs, le ministère des Finances a estimé à environ 1362 milliards de livres le coût de l’augmentation des salaires du cadre administratif, du corps professoral, des militaires, des ministres et des députés. Nul ne conteste le droit du fonctionnaire à une révision de son statut financier, compte tenu que la moyenne du salaire d’un fonctionnaire de la deuxième catégorie après 20 ans de service est de 1100000 livres. Mais le projet de l’échelle des salaires n’aborde le problème du fonctionnariat au sein de l’administration que d’une manière horizontale, dans le sens où rien n’a été prévu pour pourvoir aux postes vacants, améliorer la productivité, et attirer les ressources humaines les plus qualifiées. Ce qui signifierait, dans la pratique, que les administrations parallèles créées au cours des dernières décennies seraient maintenues, et que les responsables «hors cadre» en charge de leur gestion continueraient à encaisser des salaires aussi élevés que ceux versés pour les employés du secteur privé dans les pays arabes, et ce, sans aucun contrôle de la part des autorités libanaises compétentes. Déjà, pour couvrir le financement du réajustement des salaires, le ministre des Finances a demandé une avance au Trésor. A cet élément, il faut ajouter que le dernier rapport publié par le ministère des Finances a révélé une détérioration relative de l’équilibre fiscal dans un contexte de difficultés de collecte des revenus du Trésor.
Ceci dit, une éventuelle approbation du projet de l’échelle des salaires pourrait dégénérer en un scénario similaire à celui de 1991, lors du dernier vote en date de l’échelle des salaires, soit en une dévaluation de la monnaie nationale. Aujourd’hui, un seul facteur a changé dans le paysage, c’est la solidité de la Banque centrale et sa capacité à contrôler le marché de change. Mais pour combien de temps?

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