Cette semaine, la presse étrangère explore un terrain d’analyse jusque-là sous-traité par les observateurs. La crise permanente élevée au rang de coutumes, de mœurs et d’identité sociale.
Slate.fr
Le site français d’information Slate.fr rend compte de la «professionnalisation de la stratégie culturelle du Hezbollah». Un angle de vue original. Ce jour-là, l’entrée est gratuite au musée du Hezbollah à Mlita. «Plus d’un million de visiteurs depuis son ouverture», assure le guide Rami Hassan. Si on ne se fie qu’à la bande-son tonitruante qui accompagne le film et aux enfants déguisés en soldats et arborant des drapeaux du Hezbollah, on se croirait presque dans un parc d’attraction. Premier musée pérenne après deux expositions temporaires sur la Résistance libanaise, le centre de Mlita s’inscrit dans la «muséologie tactique».
La culture au service de la cause armée n’est pas une stratégie si étonnante pour un mouvement qui, dès ses débuts, s’est focalisé sur la construction d’une idéologie. Le mouvement possède désormais une stratégie culturelle divisée en deux volets.
La promotion et la diffusion de son image par des campagnes publicitaires. Ainsi, sur les routes principales du Sud-Liban, on aperçoit des panneaux publicitaires qui racontent l’histoire du Hezbollah et marquent le territoire comme lieu de résistance contre Israël. Des panneaux écrits avec une iconographie particulière, désormais connotée comme étant celle de la résistance islamique.
La conception de projets célébrant la mémoire de la Résistance libanaise: musées, expositions et camps touristiques; celui de Mlita étant le projet le plus complet jusqu’à présent. D’autres sont en cours de conception, comme celui autour de la prison de Khiam.
La cible de cette politique culturelle? En premier lieu, ceux qui sont déjà acquis à la cause du Hezbollah. La communauté chiite étant très jeune, le groupe organise ainsi un certain nombre d’activités pour les plus jeunes. Sur ce segment, le Hezbollah est en concurrence directe avec les entreprises chiites privées, les cafés, restaurants et centres commerciaux.
Le Point
Le Point liste les enjeux de la visite «à haut risque» du pape au Liban. Le Proche-Orient attend du pape qu’il appelle au respect du «pluralisme» religieux, au cours d’une visite au Liban à haut risque en raison des répercussions du conflit syrien, explique le père jésuite Paolo Dall’Oglio, obligé récemment de quitter la Syrie. La visite de Benoît XVI, prévue du 14 au 16 septembre, «est très dangereuse parce qu’il y a un problème sécuritaire immense.
Le pape «doit demander l’aide de quelque service secret qui garantisse sa sécurité. Car les services libanais ne suffisent pas dans la situation donnée», a-t-il estimé. Paolo Dall’Oglio, qui a quitté en juin la Syrie à la demande de l’Eglise et des autorités syriennes, avait restauré il y a 30 ans le monastère de Mar Moussa, à 80 kilomètres au nord de Damas pour y accueillir des moines et y faire un foyer du dialogue entre chrétiens et musulmans. Il ne cesse d’appeler depuis à une solution démocratique dans une Syrie neutre.
Interrogé sur le message principal qu’il souhaite que le pape adresse aux peuples du Proche-Orient, le religieux, qui reproche au régime de Bachar el-Assad de chercher à tout prix à s’allier les bonnes grâces des chrétiens, a ajouté: «Je souhaite que le pape puisse montrer que les chrétiens ont pris partie pour les droits de l’homme, pour l’émancipation civile de tous, et ont pris une distance historique avec la corruption politique et le totalitarisme». «Ils doivent être, a-t-il ajouté, des partenaires sincères avec les musulmans dans la construction d’un Proche-Orient fraternel et non discriminatoire. Il faut arrêter d’essayer d’utiliser le Proche-Orient comme espace d’une rixe géostratégique: cela, le pape doit le dire. Il doit aussi dire qu’il reconnaît l’énorme importance du pluralisme du Proche-Orient» aussi bien entre les chrétiens qu’entre les religions, a conclu le religieux.
Rue89
Rue89 s’intéresse à la situation sociale des réfugiés syriens au Liban. C’est un petit village silencieux perché sur une montagne grillée par le soleil, avec des maisons cossues de plusieurs étages et des rues asphaltées. Des rues que, de 20 heures à 6 heures du matin, les travailleurs syriens n’ont plus le droit d’emprunter.
Un couvre-feu est instauré. Telle a été la décision prise par Walid Khairallah, le maire de Bhamdoun, petite bourgade touristique située non loin de la route qui relie Beyrouth à Damas. C’était au début du mois d’août. Un cortège d’habitants, accompagné du prêtre du village, a déboulé dans son bureau. Tous accusaient trois Syriens d’avoir tenté d’agresser sexuellement un enfant libanais âgé de 7 ans.
Depuis, l’avis est placardé à divers endroits de la ville qui sont fréquentés par les travailleurs syriens. Dans le petit village situé à environ une heure et demie de la frontière, ils viennent depuis des années entretenir les jardins, balayer les rues et travailler dans le bâtiment.
Tout se passait bien, selon Walid Khairallah, jusqu’à ce que la révolution syrienne éclate il y a un an et demi. Depuis, un nombre toujours plus grand de Syriens fuyant les combats affluent à Bhamdoun. Impossible de les compter, poursuit-il. Ils s’installent dans les maisons en ruine qui n’ont pas été reconstruites après la guerre. Le sentiment d’être envahi est plus fort que tout. «Ces nouveaux travailleurs syriens viennent d’un pays de refoulés. Il faut qu’ils comprennent qu’ici ils sont étrangers et doivent respecter nos règles».
The Financial Times
The Financial Times explique en quoi «le confessionnalisme ralentit l’Economie libanaise». «Comment voulez-vous réformer l’économie d’un pays où même les fruits ont une religion: la pomme étant maronite, la vigne catholique, l’olive orthodoxe, l’orange sunnite, le tabac chiite et la figue druze?» La question de l’économiste belge Van Zeeland fut posée au terme de la Seconde Guerre mondiale.
«Au-delà de la caricature, ce constat est d’une lucidité exceptionnelle, considère Nicolas Chammas, président de l’Association des commerçants de Beyrouth. Le régime politique étant figé autour du principe confessionnel, il entrave l’évolution même du système économique, empêchant ainsi toute tentative sérieuse de réforme de l’Etat, de modernisation des institutions, de refonte de l’administration ou du renouvellement des élites».
Cet avis est également partagé par l’Economiste Jad Chaabane. «Le régime confessionnel entrave la concurrence permettant et légalisant l’existence de plusieurs monopoles». Selon les derniers calculs de l’économiste, issus des chiffres du budget 2012, les paiements directs aux tribunaux religieux représentent quelque 16 millions de dollars, tandis qu’un mariage civil obligatoire permettrait à la société d’économiser 5,6 millions de dollars par an. En outre, 111 millions de dollars sont transférés aux écoles gratuites privées, soit 12% du budget du ministère de l’Education. Au total, 242 millions de dollars, soit 1% du PIB. Dans le secteur public, Jad Chaabane considère que «16% des fonctionnaires représentent un fardeau supplémentaire engendré par le système confessionnel».
Dans une étude publiée l’année dernière, l’économiste avait démontré que chaque année, le système coûte en moyenne 114000 dollars à chaque Libanais. Ainsi, selon ses recherches, près de 3 milliards de dollars, soit 9% du PIB, sont dépensés chaque année pour couvrir les coûts liés au système confessionnel. J. A-R.
Le Journal de Québec
Passé composé libanais
Le Journal de Québec parle du dernier film de la libano-canadienne Maryanne Zehil, La Vallée des Larmes. Campé à Montréal et au Liban, le récit de la cinéaste d’origine libanaise s’attarde à la relation qui se développe entre une éditrice québécoise et un peintre palestinien élevé dans un camp de réfugiés au Liban. Dans La Vallée des larmes, Maryanne Zehil parle de la responsabilité des femmes libanaises dans l’envoi de leurs fils vers la mort et montre comment tout le monde a préféré «oublier» les massacres commis par des milices chrétiennes.
«Je n’ai pas eu de pression, mais des attaques verbales. Ça venait surtout du camp chrétien. On m’accusait de vouloir faire un film sur un massacre perpétré par les chrétiens alors qu’il y en avait eu plusieurs autres qui avaient été perpétrés par des musulmans. Il y a même des gens qui étaient prêts à financer le film et quand ils ont su le sujet, ils se sont rétractés».
La controverse Eskandar au Canada
«Le chanteur Mohamed Eskandar est peut-être populaire au Liban, mais ce n’est pas tout le monde qui souhaite le voir au Canada», explique La Presse.
«L’organisation HELEM, qui milite pour la défense des gais et lesbiennes dans le monde arabe, dénonce vivement la venue d’Eskandar à Montréal et à Ottawa la semaine prochaine, en raison de ses propos homophobes. Dans sa chanson Dod El Enef, lancée plus tôt cette année, le chanteur dénigre ouvertement l’homosexualité, qu’il décrit comme une «maladie de la douceur» néfaste pour l’humanité. La chanson encourage aussi à punir les jeunes garçons qui ont un comportement féminin. En 2010, il a connu un important succès avec Joumhoureyet Alby, une chanson qui dénonce la présence des femmes sur le marché du travail».
L'Express
Gokan Gunes recueille pour l’Express l’analyse du chercheur Joseph Bahout au sujet des événements de Tripoli.
Les affrontements de Tripoli vont-ils s’aggraver?
Les violences prennent un tour inquiétant. Les affrontements assez fréquents à Tripoli deviennent persistants. Ils s’installent dans la durée, le nombre de victimes augmente et les lignes de démarcation sont en train de s’ancrer. Il y a une très forte promiscuité entre quartiers sunnites et alaouites, ce qui les rend facilement inflammables. Mais pour que les violences s’aggravent, il faut qu’il y ait une volonté politique de les instrumentaliser, c’est-à-dire de les nourrir et de les utiliser. On peut en voir quelques signes, mais il y a encore une certaine retenue. Tant qu’il y aura cette retenue politique, Tripoli restera un foyer de tensions sporadiques, qui se rallume de temps en temps. Mais si la crise syrienne dure dans le temps, ce qui est probablement le cas, il faut craindre que ces incidents ne deviennent de plus en plus fréquents et ne s’étendent à d’autres coins du pays.
D’où proviennent les armes des combattants?
Plusieurs stocks d’armes importants existent au Liban, mais elles sont en général conservées dans des entrepôts appartenant aux différents groupes. Leur utilisation souligne un autre problème, plus sérieux, qui est l’armement croissant de la région qui s’inscrit dans une tendance. Depuis la guerre d’Irak, il y a beaucoup d’armes en surplus, et l’effondrement du régime de Kadhafi n’a pas arrangé les choses. Enfin, aujourd’hui, il y a un afflux d’armes et de munitions vers la Syrie depuis les Etats du Golfe. Ce phénomène est en train de prendre une ampleur alarmante.
Le Hezbollah semble vouloir rester discret depuis le début des affrontements. Quelle est sa position?
Le Hezbollah n’est pas très présent à Tripoli. De plus, dans ce genre de situation, il évite de se laisser entraîner. En effet, il ne veut pas être confronté à la fracture sunnites/chiites. Ensuite, il considère qu’Israël reste la priorité. Enfin, ce genre de participation n’est pas toujours bienvenu auprès de ses partisans. Cela ne signifie pas que le Hezbollah ne soutient pas une faction -et c’est probablement le cas. Sur le long terme, si ce genre d’affrontement venait à se propager dans le pays, le Hezbollah serait devant un défi important et devrait réagir. Ce fut le cas en 2008, mais il a dû payer un coût politique élevé.