Magazine Le Mensuel

Nº 2901 du vendredi 14 juin 2013

Presse étrangère

La sonnette d’alarme

Les titres de la presse internationale dressent un tableau noir de la situation du pays. Surenchère communautaire, antagonisme profond, marasme économique, les crises s’accumulent.

Une interview lourde de sens donnée par Jean-Louis Tauran à l’AFP et relayée par de nombreux médias comme le quotidien canadien Le Devoir. Extraits.
Le président français du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux Mgr Jean-Louis Tauran a exprimé dimanche son inquiétude quant à la situation des chrétiens au Liban. Ce pays va «payer la facture» du conflit syrien, «je l’ai dit depuis le début», a déclaré à l’AFP le cardinal Tauran, infatigable promoteur d’un dialogue Eglise-islam sans ambiguïtés, en référence au Pays du Cèdre. «Où vont les réfugiés: les chrétiens chez les chrétiens du Liban, les druzes chez les druzes du Liban, les alaouites chez des parents (au Liban)! Ce pays a déjà les problèmes des réfugiés palestiniens, de ceux de la guerre civile des années 80, maintenant ceux de Syrie», a ajouté l’ancien ministre des Affaires étrangères de Jean-Paul II, en s’inquiétant du développement de «milices de tous poils».
«On a toujours dit: sauvons le Liban pour sauver les chrétiens, et non: sauvons les chrétiens pour sauver le Liban. C’est un patrimoine 
du dialogue inter-religieux et de con-vivialité», martèle
-t-il. «Le Liban n’existe pas sans les chrétiens. Les chefs religieux libanais l’ont redit à Benoît XVI» en septembre dernier.
Le prélat, qui avait invité chrétiens et musulmans à éviter «le choc des ignorances», reprend la formule de Benoît XVI du «combat contre les pathologies de la religion», dont le fondamentalisme.
«On ne peut passer sous silence les conditions souvent discriminatoires que vivent les chrétiens dans les pays à majorité musulmane».

Le Monde
Le Monde s’est intéressé à Ziad Rahbani, «barbe libanais de Bachar».
Ses satires des moukhabarat et ses moqueries acerbes de l’Armée baassiste sont entrées dans la légende. Diffusés à la radio, les sketchs à l’humour corrosif de Ziad Rahbani égayaient le quotidien des Libanais pendant les années de la guerre civile. Aujourd’hui, le mythe s’effondre pour une partie de ses fans, dans un Liban divisé entre partisans et opposants de Bachar el-Assad. Musicien génial, icône de toute une jeunesse, Ziad Rahbani, 57 ans, fils de la diva Feyrouz, irrite par ses positions sur la Syrie. Proche des communistes, cet artiste influent voit dans le pouvoir baassiste un moindre mal face aux rebelles.
Tout en se défendant de soutenir le régime en place, Ziad Rahbani, à l’instar d’une partie de la gauche arabe, ne voit dans l’opposition que son visage le plus radical. Dans une interview à la chaîne de télévision égyptienne ONTV, il affirme être, face aux combattants «extrémistes» en Syrie, «avec les moukhabarat, pour sûr. Et le peuple syrien aussi est à leurs côtés». Pour argumenter son propos, il convoque le récit de plusieurs de ses musiciens syriens, à peine revenus de leur pays: «Avant, ils étaient avec la révolution. Mais maintenant, ils veulent le retour du régime». Ces déclarations réitérées ont entraîné des appels au boycott de son concert au festival de jazz du Caire, en mars. Ziad Rahbani, a également été chahuté en avril, lors d’une rencontre avec les étudiants dans la prestigieuse université américaine de Beyrouth. «Talentueux par son art, raté par son humanité», pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des jeunes, sous le nez du compositeur. Ou encore, cette proclamation ironique: «Ziad Rahbani, aux côtés du peuple miséreux et de son meurtrier».

Skift
Skift est un site Internet spécialisé dans le tourisme international. Cette semaine, il consacre un article à l’industrie du tourisme au Liban, «entraînée par le conflit syrien dans une mort lente».
Le tourisme au Liban, centre commercial du monde arabe et aire de jeux pour les ressortissants du Golfe, est entré en zone de turbulences entre bombardements, assassinats et affrontements. Pourtant, le secteur représente environ un cinquième de l’économie et les professionnels du tourisme, qui brassent un budget de 40 milliards de dollars, expliquent que le conflit syrien représente la plus grande menace pour l’industrie depuis plus de deux décennies.
Les portes en verre de l’hôtel Safir de Bhamdoun, lieu de villégiature privilégié des Koweïtiens pendant l’été, sont toujours fermées. La terrasse donnant sur une forêt à flanc de montagne qui ouvre sur une vallée luxuriante, est désespérément vide. Les touristes s’inquiètent de la situation politique et sécuritaire du pays. 60% de l’argent touristique est dépensé par des ressortissants du Golfe.
Il s’agit de la pire année pour le secteur depuis la fin de la guerre civile, explique Pierre Achkar, président du syndicat libanais des propriétaires d’hôtels. Mais un été calme n’est pas à exclure. «Beaucoup de miracles se produisent au Liban. Parfois, nous ne comprenons pas pourquoi les choses se produisent, mais elles se produisent».

Mutations
Le quotidien camerounais Mutations titre: Libres au Cameroun, esclaves au Liban.
Attirées par un salaire mirobolant ou persuadées de gagner facilement l’Occident, des jeunes femmes sont piégées par des arnaqueurs. «Société de la place cherche jeunes filles de Douala et Yaoundé âgées de 20 à 40 ans pour travailler au Liban». Cette annonce fait partie des multiples «offres d’emplois» qui foisonnent sur Internet mais aussi dans les quartiers de la ville de Yaoundé. Des recruteurs y proposent des places de femmes de ménage, gouvernantes ou baby-sitters dans des pays comme le Liban, l’Arabie saoudite ou le Qatar. Ces annonces sont souvent accompagnées d’un contact téléphonique, comme cette offre de «recrutement massif pour le Liban», en ligne depuis la mi-février 2013.
L’annonce se fait plus alléchante: billet d’avion offert gratuitement par l’employeur, ainsi que le logement, l’habillement, la nourriture et la prise en charge par une compagnie d’assurances. Pourtant, beaucoup de Camerounaises, attirées par un travail bien rémunéré au Liban ou persuadées de rallier plus facilement l’Europe via ce pays, tombent pieds et poings liés dans ces pièges tendus par des vendeurs d’illusions.
Tatiana, 35 ans, se mord encore les doigts. En 2008, elle vend son salon de coiffure à Douala pour s’offrir un billet d’avion pour Beyrouth. «Six mois après son arrivée, elle s’est rendu compte qu’elle était tombée dans un traquenard. Le couple a prétendu avoir quitté le Liban et l’a confiée à un membre de la famille, qui avait soi-disant besoin de ses services», raconte un de ses proches à qui elle s’est confiée. Et c’est là que commencent les ennuis. Tatiana est de suite enfermée dans la maison par ses patrons, son passeport lui est confisqué et elle ne peut joindre personne. Elle est obligée de coucher avec un livreur de pain libanais pour pouvoir appeler sa famille au Cameroun. C’est d’ailleurs ce dernier qui va l’aider à s’enfuir.

Julien Abi Ramia

Un Taksim au Liban?
C’est la question que se pose un blogueur sur la plate-forme GlobalPost qui relaie les protestations contre «le projet Fouad Boutros».
Les autorités ont préféré banaliser la colère de riverains beyrouthins 
provoquée par la mise en route d’un projet autoroutier, comme sur la place Taksim à Istanbul.
Le gouvernement voudrait percer une autoroute de quatre voies dont la construction nécessiterait la destruction de trente maisons, d’un verger et le démantèlement du quartier historique de la Sagesse. Associations et membres de la société civile se sont mobilisés contre ce projet estimé à 75 millions de dollars. Mais les autorités de la ville ne font aucun cas des protestations des plus grands urbanistes du pays.

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