Cette semaine, la presse internationale s’intéresse principalement à la mise en application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Un sujet traité de pair avec la visite du pape et l’institutionnalisation de la censure. Vaste programme.
The National
Le quotidien émirati anglophone The National salue «la fin du règne du tabac au Liban». Une avancée qui pourrait ne pas durer, selon une journaliste libanaise qui y officie.
Cette semaine, alors que le Liban a mis en place l’interdiction de fumer dans les lieux publics fermés, j’ai reçu de nombreux coups de fil de colère de la part de mes amis et de ma famille qui vivent à Beyrouth et à Tripoli. Leur passion pour le tabac me faisait penser aux défenseurs du port d’arme. En 2000, l’acteur américain Charlton Heston a déclaré lors d’un rassemblement du National Rifle Association: «Vous pourrez avoir mes armes…quand vous les aurez prises de mes mains froides et mortes».
Lorsqu’il s’agit de cigarettes, de cigares et de narguilés, mes parents voient rouge. «Comment osent-ils! Je vais leur montrer, s’ils essaient de m’empêcher de fumer», a pesté ma tante de 70 ans que je n’ai jamais vue sans une cigarette à la bouche, avec sa voix rauque.
Je plains les propriétaires de cybercafés et de restaurants qui auront à faire face à la colère de mes parents et de tous les autres – en particulier ceux dont les relations avec le tabac sont de nature amoureuse. Les femmes de ma famille, en particulier, peuvent être mortelles – comme des vampires qui se transforment en anges seulement après leur première bouffée de fumée.
Ils ne sont pas les seuls à protester. Au Liban, qui a jusqu’à présent longtemps été considéré comme le paradis des fumeurs, il sera difficile de faire respecter cette interdiction, notamment parce que de nombreuses entreprises s’y opposent, au motif qu’elle nuit au tourisme et à l’économie.
Le Monde
Dans le quotidien Le Monde, on a titré Au Liban, il est interdit de fumer, mais il est permis de kidnapper. «Je peux dégainer et poser mon flingue (un Glock flambant neuf) sur la table. Personne ne s’en émeut. Si j’allume une cigarette, c’est l’émeute chez les serveurs zélés». Ce témoignage d’un Beyrouthin, rapporté sur son blog par le journaliste indépendant Frédéric Helbert, résume parfaitement la colère qui gronde depuis le début de la semaine au Liban.
Le Pays du Cèdre est le champion régional de la consommation de tabac (selon l’OMS, 46% des Libanais et 31% des Libanaises fument). A Antélias, au nord de Beyrouth, de nombreux propriétaires de cafés et de restaurants ont ainsi organisé un sit-in pour protester contre la loi.
Mais l’indignation des professionnels est également largement partagée par la population. En témoigne cette tirade excédée d’un fumeur dans un café de la Corniche, à Beyrouth. «On peut kidnapper tranquille à Beyrouth, défourailler à Tripoli, cultiver de la drogue […] respirer à pleins poumons la pollution des travaux qui envahissent Beyrouth, des dépôts d’ordures sauvages, des fumées d’échappements de camions déglingués et de vieilles chignoles rafistolées et notre gouvernement de désunion nationale ne trouve rien de mieux que de voter une loi antitabac! Chapeau les politiques !»
Un sentiment d’absurde relayé par nombre de Libanais interrogés par l’AFP. «Il est bizarre ce Liban», commente un Tripolitain: «Il y est interdit de fumer, mais il est permis de kidnapper des gens». A la terrasse d’un café, Fleifel et Firas Ghali se délectent en fumant le narguilé tout en pestant contre l’Etat, qu’ils accusent de les priver d’une sorte de «défoulement».
La Croix
Depuis plusieurs semaines, La Croix s’intéresse de près à la visite du pape au Liban. Benoît XVI se réjouit d’aller au Liban. Dimanche matin, après la première prière de l’Angélus, le pape s’adresse aux francophones présents dans la cour intérieure du palais de Castel Gandolpho, résidence pontificale d’été depuis Urbain VIII (1623–1644), au sud de Rome. Il salue spécialement les Libanais, qui l’ovationnent longuement en retour. Benoît XVI les assure de «sa prière» et leur dit sa «joie» de «visiter bientôt leur beau pays», avant de les «bénir de grand cœur».
Ce sera pour Benoît XVI l’occasion de signer son exhortation apostolique post-synodale pour le Moyen-Orient. Concrètement, cela revient à exprimer sa position, celle des évêques et de l’Eglise, à l’issue d’une réunion de conciliation appelée «synode». A la différence de l’encyclique, l’exhortation est un plaidoyer pour s’engager dans une voie plutôt que dans une autre.
«Nous prions et espérons que cette visite soit un véritable printemps pour le Liban et pour la région, ainsi que pour les chrétiens et les musulmans», s’enthousiasme Mgr Zeidan, président du Comité central chargé de préparer la venue du pape.
Le père Paolo Dall’Oglio, jésuite récemment expulsé de Syrie, a également formulé son souhait d’entendre le pape parler pour toutes les victimes de dictatures au Moyen-Orient. «C’est une occasion pour le Saint-Siège d’exprimer sa solidarité avec toute la population souffrante à cause de la répression des désirs et des aspirations légitimes des populations».
Sauf surprise, le pape ne devrait donc pas évoquer les inquiétudes des chrétiens d’Orient — patentes ces derniers mois —, si ce n’est dans un discours plus général sur le Printemps arabe et ses conséquences.
Le Nouvel Observateur
Le Nouvel Observateur raconte la visite d’un entraîneur de foot dans un camp palestinien libanais. Sa vie dans un camp de réfugiés au sud de Beyrouth est marquée par la violence, les pénuries et la pauvreté, mais pendant quelques jours cette semaine, Rayane, Palestinienne de 11 ans, peut se détendre sur un terrain de football, avec un entraîneur envoyé par le club anglais Manchester City.
«Quand je joue au football, j’oublie tous mes problèmes», explique la fillette dans un sourire, avant de s’élancer sur le terrain poussiéreux où Alan Dixon, entraîneur d’un centre de formation aux couleurs de Manchester City au Liban, dirige les sessions.
Rayane fait partie des 200 footballeurs en herbe palestiniens et libanais âgés de 6 à 17 ans invités pendant quatre jours à s’initier aux techniques des stars, mais surtout à prendre le temps de s’amuser un peu. «Dans le camp de Bourj el-Barajneh, il y a beaucoup de combats de rue, et l’électricité est tout le temps coupée», raconte Rayane. Les enfants ont peu d’espace de jeu dans ces camps crasseux, mais Rayane doit aussi affronter un obstacle supplémentaire: «Certains disent que les filles ne devraient pas jouer au football. Mais on s’en fiche». D’autres leur disent de ne pas se mêler aux enfants libanais, mais «le football c’est pour tout le monde. C’est ça qui me plaît le plus», assure-t-elle.
Sous un soleil qui tape, garçons et filles travaillent en petits groupes sur des exercices destinés à améliorer leurs dribles et leurs passes, avant de disputer un match. Ils apprennent aussi à jouer en levant la tête pour garder un œil sur le terrain, et à communiquer rapidement pendant le jeu.
J. A-R.
Global Voices
Le musée virtuel de la censure
Il prend place sur un blog hébergé par Global Voices. C’est un site qui répertorie tout ce qui a jamais été censuré par les autorités libanaises depuis la création du Liban en 1943 jusqu’à ce jour. Films, pièces de théâtre, livres, journaux, albums de musique, etc. En tout, le site compte environ 400 entrées, selon l’organisation non gouvernementale «March», à l’origine de cette initiative.
On y retrouve, par exemple, le film de Charlie Chaplin The Great Dictator, sorti en 1940. Il a été interdit au Liban pour son contenu à caractère «juif» et «antinazi». Trente-six œuvres auront été censurées par la Sûreté générale pour la même raison. Idem pour les livres de l’auteur américain Phillip Roth et le chanteur franco-algérien Enrico Macias. Le musée comprend également une large collection d’albums de musique rock bannis dans les années 90 pour leur caractère «satanique» et une trentaine d’œuvres ont également été censurées pour «érotisme».