Le fait que le général Jamil Sayyed était à bord de la voiture de Michel Samaha qui transportait des explosifs de la Syrie vers le Liban est prouvé par la section de renseignements des FSI. Reste à savoir s’il était au courant de la charge qui se trouvait dans le coffre? Lui et Samaha assurent que non.
Quelques semaines après l’arrestation de l’ancien ministre Michel Samaha, le 9 août, des sources sécuritaires ont révélé que la section des renseignements des FSI a adressé à la justice militaire un dossier sur l’identité de la personne qui accompagnait Samaha au moment du transport des explosifs. Il s’agit de l’ancien directeur de la Sûreté générale, Jamil Sayyed. Une source officielle aurait affirmé que l’identité du passager accompagnant Samaha était confirmée par les tests ADN effectués sur le siège de la voiture, par les interrogatoires de l’ancien ministre, ainsi que par des témoins oculaires, des indices et des communications téléphoniques.
Le dossier a donc été envoyé au commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, le juge Sakr Sakr. La réaction de Sayyed ne se fait pas attendre. Il tient une conférence de presse au cours de laquelle il tire à boulets rouges sur les responsables des FSI. Il affirme ne pas se laisser intimider et ne pas céder au chantage pour retirer la plainte déposée avec trois de ses collègues généraux pour leur détention abusive en 2005.
Selon lui, ce dossier entraînera la fin sur le plan sécuritaire et judiciaire du directeur des FSI, le général Achraf Rifi, et du chef de la section des renseignements des FSI, le général Wissam Hassan.
Citant son fils, l’avocat Malek Sayyed, qui a, selon lui, posé directement la question à Michel Samaha en présence du juge, Sayyed précise que l’ancien ministre a déclaré: «Jamil Sayyed n’a à aucun moment ni à aucun endroit été informé des détails du transport des explosifs». Et Jamil Sayyed de poursuivre: «Dire que j’étais avec Samaha dans sa voiture au moment où il transportait les explosifs c’est insinuer que j’ai joué un rôle dans cette affaire. Ce qui n’est pas le cas, d’après le témoignage de Samaha lui-même».
Candidat aux élections
Allant plus loin dans son défi, Sayyed aurait affirmé, en réponse à une question, que si les élections ont lieu à la date prévue, il sera candidat indépendant sur la liste d’Amal et du Hezbollah dans la Békaa-Nord.
Sayyed a reproché au président Michel Sleiman d’avoir félicité la branche des renseignements et le chef des FSI dans cette affaire. Il a aussi affirmé que le chef de l’Etat lui aurait dit qu’il ne pouvait pas muter Rifi, Hassan et Mirza. Il a aussi ajouté avoir entendu le Premier ministre dire au ministre de l’Intérieur au moment de la formation du gouvernement qu’il fallait écarter Rifi et Hassan car ce sont «des voyous».
Au lendemain de la conférence de presse, le bureau du Premier ministre Najib Mikati a publié un communiqué démentant «catégoriquement les propos rapportés par le général Sayyed concernant Mikati». De même, le bureau de presse du ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a formellement démenti tout «dialogue» entre ce dernier et le Premier ministre au sujet du général Rifi et du général Hassan.
Entre-temps, le premier juge d’instruction, Riad Abou Ghida, en charge de l’affaire, a interrogé Samaha une nouvelle fois en présence de son avocat Sakhr Hachem. Ce dernier a déclaré, à l’issue de l’interrogatoire, que Samaha n’a pas refusé de répondre aux questions du juge d’instruction, mais qu’il n’a pas été interrogé sur le dossier de Jamil Sayyed.
Le dossier est ouvert. Certaines informations parlent de l’implication d’une troisième personne, dont le nom n’a pas encore été dévoilé, malgré les indiscrétions. L’affaire fera-t-elle effet boule de neige, et dévoilera-t-elle l’implication d’autres personnalités?
Arlette Kassas
Des enregistrements
Selon la LBC, les services de renseignements des FSI ont pu mettre la main sur l’enregistrement radiophonique des propos que Samaha et Sayyed ont échangés alors qu’ils se trouvaient ensemble à bord du véhicule. Les FSI s’attellent à retranscrire la teneur de la conversation, de trois heures, avant de la remettre au procureur général près le tribunal militaire.
Le député Nohad Machnouk a indiqué qu’il ressort de l’enregistrement que Sayyed aurait dit à Samaha que Walid Joumblatt était en tête de la liste des personnalités à assassiner.