Le dossier des détenus libanais en Syrie n’a jamais cessé d’occuper la scène libanaise. La libération de Yaacoub Chamoun, en août, prouve que des Libanais disparus, il y a des décennies, pourraient être toujours vivants. Les familles osent espérer de nouveau.
Le drame des parents des détenus dans les prisons syriennes se poursuit au milieu de la négligence politique du problème. Les familles qui en sont concernées mènent, depuis près de trois décennies, un combat pour leur libération. Malgré, les dénégations syriennes, elles sont sûres que leurs proches sont toujours en Syrie. Elles ont entamé un sit-in permanent au jardin Gebran Khalil Gebran à Beyrouth le 11 avril 2005. Les récents discours politiques semblent confirmer leur conviction. Depuis quelques jours, le dossier est remis sur le tapis. Un projet de loi sur «la disparition forcée» portant sur la formation d’une commission nationale indépendante, chargée des cas des victimes de cette forme de disparition, a été soumis à la Chambre. Un deuxième projet de loi revient sur «le droit des familles à la vérité sur les enlevés et disparus» a été élaboré à la demande de Solide, l’association de soutien aux Libanais disparus enlevés au Liban.
La libération de Yaacoub Chamoun, 49 ans, citoyen libanais, détenu en Syrie pendant 27 ans, relance l’affaire des disparus durant la guerre de 1975-1990. Des centaines de Libanais ont été enlevés et transportés vers des prisons syriennes. Tel est le cas de Yacoub Chamoun, capturé dans la ville de Zahlé, en 1985, pour son appartenance aux Forces libanaises et déporté sans jugement en Syrie. Il a été transféré d’une prison à l’autre, notamment celles de Mazzé, de Saydnaya et de Tadmor. Au cours des 22 dernières années, 600 familles ont exigé des autorités libanaises qu’elles recherchent les lieux de détention de leurs parents disparus alors que l’armée syrienne se trouvait au Liban.
Le Premier ministre Najib Mikati a essayé de trouver une solution à ce dossier en 2005, pendant les quelques mois où il a occupé la fonction de chef de gouvernement, mais sans résultat. Il avait rencontré, à cet effet, son homologue syrien, Naji Otari, puis le président Bachar el-Assad pour discuter de divers sujets après le retrait des troupes syriennes du Liban, dont celui des détenus. Malheureusement, les autorités syriennes ont toujours nié la présence de détenus politiques libanais dans leurs geôles.
Les gouvernements successifs de Fouad Siniora et de Saad Hariri ont pris la relève, mais toujours en vain. Les parents des disparus ont sans cesse manifesté pour appuyer leur détermination à connaître le sort de leurs enfants. Après la dernière visite de l’ancien Premier ministre Saad Hariri en Syrie, le dossier a retrouvé sa place sur le devant de la scène. Mais une fois de plus, les résultats ont été décevants. Le comité présidé par le ministre Jean Ogassapian n’a réalisé aucun progrès. La réponse syrienne n’a fait que compliquer l’affaire: «il y a mille disparus syriens au Liban et le comité désigné pour régler la question doit trouver une réponse pour toutes les personnes concernées».
En janvier dernier, à un peu moins d’un an du déclanchement de la crise syrienne, des informations ont filtré à travers l’opposition syrienne affirmant que cette dernière avait pris possession d’une prison à Damas, et avait libéré des détenus politiques syriens. Un des libérés aurait affirmé avoir vu Boutros Khawand en prison. Mais l’affaire n’a eu aucun suivi.
Selon les dernières nouvelles, il y aurait 615 Libanais dans les prisons syriennes, malgré les dénégations des autorités à Damas. Les événements actuels que connaît la Syrie ouvriront-ils une nouvelle brèche dans ce dossier?
A.K.
Nouvelles complications
La suggestion du ministre de la Justice de former un comité pour les disparus enlevés de force n’a pas facilité les choses. Le dossier des détenus en Syrie est lié ainsi au dossier des 17000 disparus durant la guerre du Liban. L’affaire des disparus au Liban tombe sous la loi libanaise tandis que le dossier des personnes conduites par des forces étrangères est régi par les accords de Genève conclus en 1949.