Magazine Le Mensuel

Nº 2865 du vendredi 5 octobre 2012

ECONOMIE

Exploitation du gaz. La charrue devant les bœufs

Il est légitime que les Libanais s’interrogent pourquoi les responsables traînent les pieds dans le dossier du gaz et du pétrole. Ni le gouvernement de Najib Mikati ni celui de son prédécesseur Saad Hariri n’ont pris de mesures sérieuses pour accélérer le processus devant aboutir à l’extraction de ces deux matières.
Ceci est d’autant plus amer pour les Libanais, qu’il n’y a plus aucun doute sur l’existence de nappes de gaz exploitables. Sur la base du compte-rendu achevé la dernière semaine de septembre par les sociétés Spectrum  et SPD , le ministre de l’Energie et de l’Eau, Gebran Bassil,  a annoncé «la découverte de nappes de gaz d’une capacité de 12 mille milliards de m3 uniquement dans la zone sud des eaux territoriales qui pourraient couvrir les besoins des Libanais au cours des 90 prochaines années». Il a aussi révélé que la vente des études entreprises en deux dimensions à 26 compagnies internationales spécialisées dans l’extraction du pétrole et du gaz a permis de rapporter à l’Etat et aux deux sociétés Spectrum et SPD un montant de 90 millions de dollars.
Selon le secrétaire général du Conseil mondial de l’Energie, Rudy Baroudy, cité par le bulletin économique du Crédit Libanais, le volume probant existant de gaz (sur base des déclarations du ministre Bassil) vaut 100 milliards de dollars au prix actuel du marché. Ce volume pourrait être produit sur base d’une moyenne de 90000 barils par jour sur une durée de 20 ans, souligne cette source. De son côté l’expert économique Marwan Iskandar a considéré que malgré les fluctuations du prix du gaz en ce moment en raison de la découverte de nouvelles nappes de gaz dans le continent africain, le prix de gaz devrait atteindre le niveau de 6 à 7 dollars pour chaque 1000 m3.
Mais les responsables semblent mettre la charrue devant les bœufs. La première pomme de discorde tourne autour de l’affectation des revenus gaziers. Le plan de travail pour la réforme économico-sociale, présenté par le gouvernement, stipule clairement que les revenus du Fonds souverain alimenté par l’exploitation du gaz et du pétrole seraient affectés à l’extinction de la dette publique. En d’autres termes, les recettes de cette caisse ne seraient pas utilisées pour le financement de projets avant que le ratio dette publique/PIB ne soit sensiblement réduit. Un principe rejeté par d’autres blocs parlementaires, qui estiment que les nappes de gaz, qui sont une énergie non renouvelable, représentent «un capital». Ce capital devrait donc être a priori affecté au financement de projets d’investissements dans l’infrastructure du pays ou des projets d’investissements «fructueux». Les responsables qui défendent cette idée ont écarté toute hypothèse consistant à introduire les revenus de cette caisse souveraine dans le cadre de la Loi de Finance ou à financer des dépenses courantes.
Là où le bât blesse n’est pas seulement le fait que l’Autorité de régulation du pétrole n’ait pas encore été formée pour des considérations d’ordre confessionnel, comme tous les Libanais le savent à présent. L’Autorité est formée de six personnes chacune appartenant à une communauté religieuse différente alors que la présidence devrait être assurée selon un système de rotation. Selon la loi fondamentale de l’Autorité, les candidats habilités à se présenter doivent détenir un diplôme soit en Droit, soit en Gestion des affaires soit en Géologie. Et cerise sur le gâteau, ils doivent être âgés de 58 ans. Un âge où l’on se rapproche de la retraite alors que les jeunes diplômés libanais spécialisés dans ce domaine ne manquent pas et s’expatrient.

 

Liliane Mokbel

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