Les relations entre le Liban et la Syrie ont, de tout temps, connu des hauts et des bas. En 1962 éclate l’affaire Sarraj-Hamadé, qui provoquera des menaces syriennes contre le Liban.
Début juin 1962, la tension règne entre les deux pays. La Syrie dénonçait ce qu’elle appelait le rôle du chef du Législatif, Sabri Hamadé, dans la fuite d’Abdel-Hamid Sarraj, homme fort de la Syrie sous le régime de la République arabe unie, qui avait éclaté en septembre 1961. Le régime syrien s’était déchaîné contre les responsables libanais et les journaux de Damas s’en étaient fait l’écho.
Sarraj était détenu à l’hôpital de la prison de Mezzé dont il avait réussi à s’échapper, le 6 juin, pour se réfugier deux jours au Liban avant de regagner Le Caire. Hamadé était accusé par le régime syrien d’avoir accueilli le fugitif dans sa maison au Hermel avant de l’emmener dans sa propre voiture officielle à l’aéroport, d’où il a pris l’avion pour la capitale égyptienne. Sabri Hamadé avait nié catégoriquement tout le scénario que lui prêtait le régime syrien sans arrêter la campagne d’hostilités que ce dernier avait menée contre le Liban, qualifiant d’irresponsables des actes qui nuisent aux relations entre les deux pays.
Pendant ce temps, la crise entre Damas et Le Caire se poursuivait et le Conseil de la Ligue arabe réuni à Chtaura, le 22 juin, pour examiner la plainte portée par Damas contre Le Caire a dû ajourner ses débats en l’absence de la délégation égyptienne qui s’était retirée. Damas accuse le Liban d’avoir maltraité sa délégation. Selon lui, les membres de la délégation ont été arrêtés à Masnaa, le poste de contrôle libanais à la frontière, par les Libanais qui avaient l’intention de les faire descendre des voitures, malgré leurs passeports diplomatiques.
Les journaux syriens multiplient les articles sur le rôle du président égyptien Jamal Abdel-Nasser et de Sarraj dans l’insurrection de 1958 que le Liban a connue. Ils révèlent que ce sont des agents libanais de Sarraj, qui ont assassiné le 8 mai 1958 Nassib Metni, pour déclencher cette insurrection. Plusieurs hommes politiques libanais sont ainsi menacés. Sarraj qui exécutait les ordres de Nasser serait l’instigateur de toutes les affaires demeurées inconnues pendant quelques années. Entre-temps, au Liban, on interdit l’entrée des journaux syriens. Damas publie des livres sur le même thème qui ne peuvent pas passer la frontière. Des rapports sont publiés sur les actions menées par Sarraj au Liban.
L’affaire fera rage pendant de longs mois. Les relations entre le Liban et la Syrie étaient dans l’impasse. Le 19 novembre 1962, Hamadé, qui rentrait en voiture de Turquie, bien que reconnu par les agents syriens, est interdit de traverser la frontière. Il doit rebrousser chemin et revenir en Turquie. Après des contacts avec le ministre syrien des Affaires étrangères, Assad Mahassen, Damas l’autorise à passer. L’affaire n’était pas résolue pour autant. Beyrouth exige des explications. Le régime syrien explique que le nom de Hamadé figure sur les listes des personnes indésirables, établies sous le régime de l’Union et distribuées aux postes- frontières et qu’il ne fallait pas donner à l’incident plus d’importance qu’il ne mérite, d’autant qu’une délégation militaire syrienne lui avait présenté des excuses.
Non satisfait de ces explications, le ministère libanais des Affaires étrangères adresse une note de protestation dénonçant l’incident. Ne se sentant pas concerné, Damas refuse la note et avant que la question ne soit résolue entre les deux pays, l’incident est considéré clos.
Cependant, cette affaire devait laisser des traces sur les relations entre les deux pays qui étaient en pleins pourparlers sur des questions économiques et politiques. Ces négociations furent alors bloquées malgré toutes les tentatives de les rétablir. C’est que les relations entre Damas et Beyrouth passaient par des moments difficiles et tout incident, si minime qu’il soit, donnait prétexte à une mésentente.
A.K.
N. B: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: Le mandat de Fouad Chéhab de Joseph Chami.
L’asile politique
Le 21 juin 1962, la Chambre des députés vote le projet de loi sur l’asile politique permettant à tout étranger faisant l’objet d’une condamnation par une autorité non libanaise pour cause d’un crime politique de demander l’asile au Liban, sauf si ceci est contraire aux intérêts du pays.