Magazine Le Mensuel

Nº 2881 du vendredi 25 janvier 2013

Affaire Déclassée

Scandale au Parlement en 1974. Quand Assaad veut intimider Husseini

En 1974, un scandale au Parlement a alimenté la rumeur publique pendant des mois. Une affaire, pour le moins insolite, a suscité une large polémique à consonance politique.

Le 5 mars 1974, alors que des députés tenaient des réunions ordinaires et que certains d’entre eux se promenaient dans le couloir de l’hémicycle, tout paraissait normal. Soudain, un fonctionnaire de la place de l’Etoile, Souhail Hamadé, demande au député de Baalbeck-Hermel, président de la Commission parlementaire des Travaux publics et des Ressources hydroélectriques, Hussein Husseini, de lui accorder un entretien. Le député Husseini accepte et le suit dans la salle des réunions où se trouvaient le frère et le neveu de Souhail.
Aussitôt que le député Husseini entre dans la salle, les trois hommes s’en prennent à lui et lui reprochent avec véhémence son hostilité à l’égard du président de la Chambre Kamel el-Assaad. Husseini briguait la présidence du Législatif, pour la nouvelle session d’octobre. Les trois hommes lui demandent de ne plus se rendre au Sud, fief d’Assaad, ce que Husseini refuse et soutient qu’en tant que député il représente l’ensemble du peuple libanais et doit, par conséquent, pouvoir se rendre dans toutes les régions du pays.

Injures et menaces
Le ton monte et les trois hommes passent du stade de la demande à celui des injures puis des menaces jusqu’à ce que la situation dégénère. Le député Husseini quitte alors la salle mettant un terme à l’algarade.
Ce qui se passe ensuite est hors du commun. Les trois hommes rattrapent le député et le bombardent d’insultes. L’un d’eux s’écrie: «On va te donner une leçon». Ils lui reprochent de défier Kamel el-Assaad à la tête du Législatif. Puis sans se soucier des personnes présentes devant la salle de réunion, ils le rouent de coups. Les journalistes et les policiers en place sont ébahis. Tout se passe sous l’œil des gardes qui ne bougent pas.
Le moment de surprise passé, les députés et les journalistes présents interviennent et réussissent, avec l’aide du commandant Kanj, à soustraire le député Husseini aux mains de ses agresseurs qui longent les couloirs du Parlement et disparaissent.
L’affaire suscite une grande indignation. Ceci s’est passé au Parlement et un représentant du peuple a été victime de la furie d’un fonctionnaire et de ses parents pour une raison politique. Les agresseurs ont clamé tout haut qu’ils s’en sont pris au député Husseini parce qu’il a «osé faire front à Kamel Bey».

Le Parlement partie civile
Les parlementaires exigent que l’affaire soit suivie et le député Hussein Husseini souligne que, pour la première fois au Liban, un député est agressé au Parlement. Il dénonce les agissements de Kamel el-Assaad qui vont à l’encontre de la démocratie. Ce dernier nie toute responsabilité et précise qu’il n’a aucun lien avec ce qui s’est passé. Il tente de classer l’affaire, mais les députés refusent et veulent tirer les choses au clair.
Le 7 mars, la Chambre des députés se constitue partie civile. Des poursuites sont alors engagées contre les agresseurs. Ces derniers sont arrêtés. Husseini accuse clairement Assaad d’être l’instigateur de l’agression, mais l’affaire s’arrête là. Le 22 octobre de la même année, Assaad est réélu à la tête du Législatif.

Arlette Kassas

 

N.B: Les informations de cet article sont tirées du «Mémorial du Liban: le mandat Sleiman Frangié» de Joseph Chami.

Au perchoir
Le président Kamel el-Assaad remplacera son père (Ahmad el-Assaad) au début des années 1960 au siège de député de Bint-Jbeil, puis il occupera entre 1964 et 1992 le siège de député de Hasbaya-Marjeyoun. Il est élu chef du Législatif en 1964, 1968, 1970-1984. Il disparaît le 25 juillet 2010.
Le président Hussein Husseini est élu député en 1972, il est chef du Législatif de 1984 à 1992. Il a présenté sa démission du Parlement le 12 août 2008, avant le vote de confiance parlementaire pour le nouveau gouvernement, pour marquer son désaccord avec la politique menée à l’époque.

Related

Opérations israéliennes. La série noire des assassinats

Crimes d’honneur au Liban. Une pratique du passé qui a la vie dure

Mgr Grégoire Haddad. Quand «l’évêque communiste» est destitué

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.