Zizanie à Khartoum
La visite de deux frégates iraniennes à Port-Soudan n’est pas passée inaperçue à Khartoum. De nombreux dirigeants locaux n’ont guère apprécié cette visite et ont critiqué le ministre de la Défense pour l’avoir saluée. Selon eux, le Soudan doit maintenir des liens étroits avec les pays du Golfe en général, et avec l’Arabie saoudite, en particulier, d’où la nécessité de garder des distances avec Téhéran. Vu l’état de santé déplorable du président soudanais, le maréchal Omar Hassan el-Bachir, ces querelles internes devraient prendre de l’ampleur, Khartoum se préparant déjà à l’après-Bachir.
Islam Azam, une journaliste égyptienne ayant reçu des menaces à son bureau du journal Al-Ahram, ne peut plus se déplacer librement. Son mari, Saïd Chouaïb, connu pour ses virulentes critiques contre les mouvements islamistes, est la cause de l’acharnement dont elle est victime depuis des semaines. Le Comité pour la Propagation de la vertu et la Prévention des vices, très extrémiste, lui a signalé, dans une lettre menaçante, que si son mari ne faisait pas marche arrière, elle le paierait cher. Islam n’a cependant pas cédé à ces pratiques odieuses, assurant que ni elle ni son époux ne se laisseront intimider et qu’ils ne baisseront pas les bras.
Fathi Hamad le ministre de l’Intérieur du gouvernement du Hamas présidé par Ismaïl Haniyeh est l’objet de vives critiques pour avoir ordonné à la police de disperser par la force une manifestation de femmes à Gaza qui protestaient contre la division des rangs palestiniens. Des dizaines d’agents de police se sont acharnés sur les manifestantes pacifistes et même les journalistes sur place n’ont pas été épargnés. Les islamistes de Gaza avaient pensé bien faire en envoyant des policières réprimer les contestatrices. Mais le bilan s’est avéré catastrophique puisque la rue palestinienne demande désormais la tête de Fathi Hamad, qui s’est défendu en chargeant une commission d’enquêter sur les causes de ces excès. Ses détracteurs soulignent que le ministre tente à tout prix de sauver sa place, ayant lui-même ordonné à la police d’utiliser la force.
Erdogan voit grand
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a toujours eu la folie des grandeurs. Ses récentes déclarations prouvent que le leader islamiste prétend jouer un rôle bien au-delà des capacités de son pays. Selon Erdogan, les Nations unies devraient réformer le système des cinq Etats, membres au Conseil de sécurité, pour permettre à la Turquie d’y accéder. Drôle d’analyse vu que des pays comme l’Allemagne, l’Inde, le Brésil ou l’Afrique du Sud n’y ont toujours pas fait leur entrée. Décidément, le Premier ministre ne cache plus son désir de rétablir l’ancien Empire ottoman. Mais pour cela, il lui faudra d’abord démontrer qu’il est capable de contrôler ses frontières avec la Syrie et l’Irak. Ce ne sera pas chose facile.
En pointillé
Le royaume marocain, qui avait permis, pour la première fois, à l’envoyé international Christopher Ross de visiter le Sahara-Occidental, semble avoir fait marche arrière. Dix-neuf journalistes étrangers qui avaient atteint la ville d’Al-Oyoun ont été sèchement renvoyés car, selon les autorités marocaines, ils auraient menti sur les vraies raisons de leur visite. Leurs confrères espagnols et norvégiens avaient prétendu être des touristes, sachant très bien que Rabat ne permet pas à des journalistes étrangers de couvrir les exactions commises par ses forces de sécurité dans le Sahara. Les observateurs qui avaient pris espoir après la visite de Ross se sont vite souvenus que ce conflit, qui dure depuis plusieurs décennies, n’était pas prêt à prendre fin bientôt.
Les salafistes contre Atatürk
La cérémonie organisée en grande pompe par l’ambassade de Turquie au Caire pour célébrer l’anniversaire de la création de l’Etat moderne, a suscité des remous dans les mouvements salafistes locaux. En effet, la participation du chef du parti Al-nour, Imad Abdel Ghafour, aux festivités a provoqué la colère des fous de Dieu, pour qui Mustafa Kamal Atatürk est un athée et un ennemi de l’islam. Le cheikh Yasser Barhami, vice-président de la Daawa salafiya en Egypte, a condamné le mouvement laïque prôné par le général turc qui a, selon lui, mis fin au califat islamique. Il a ainsi prononcé une fatwa selon laquelle la création de l’Etat turc «infidèle représente la plus grande catastrophe qui ait jamais affecté la nation islamique». Ces accusations reflètent la profonde division qui existe au sein des mouvements salafistes égyptiens.
Drôle d’homme de Dieu!
Hazem el-Araji, membre du mouvement chiite irakien présidé par Moqtada al-Sadr et imam de la husseiniya d’el-Kazemiya, a menacé le gouvernement de demander à Dieu de punir les responsables irakiens s’ils n’imposaient pas aux femmes et à la société certaines restrictions. Son but est d’interdire aux femmes de se maquiller et de chanter. Interdire également l’alcool et les jeux de hasard. L’imam dit avoir un contact direct avec Allah et au cas où ses demandes n’étaient pas satisfaites, il serait forcé d’imposer le châtiment divin sur terre. Seul problème, le parti de Araji est représenté au sein du gouvernement de Nouri el-Maliki et il n’est pas dit si les ministres sadristes pourraient être aussi châtiés.
Dublin reçoit le Polisario
Le gouvernement irlandais a suscité la colère des autorités marocaines après sa décision d’accueillir une délégation du Front sahraoui Polisario. Furieux, le Premier ministre, Abdelilah Benkirane, a rappelé son ambassadeur à Dublin pour bien marquer sa protestation. Anas Khales a donc rejoint Rabat, alors que le président irlandais recevait en personne la délégation sahraouie présidée par Mohammad Abdel-Aziz, chef historique du Polisario. Une première sur la scène internationale, le Front faisant face à un boycott dû à ses positions en faveur du défunt colonel Mouammar Kadhafi, durant la révolution libyenne. De plus, les divisions internes qui ont secoué le Polisario avaient aussi affaibli la position du Front sur le plan international. Parmi les nombreuses réunions d’Abdel-Aziz en Irlande, celle qu’il a eue avec Gerry Adams, le leader historique du Sinn Fein, bras politique de l’ancienne Armée républicaine irlandaise, demeure très symbolique.
Al-Maliki pire que Saddam
Le vice-président irakien Tarek Hachémi, qui subit les foudres du Premier ministre Nouri el-Maliki, vient d’être condamné à mort pour la quatrième fois en moins de trois mois par un tribunal à Bagdad. Mais après le dernier procès, le leader de la Liste irakienne a demandé à ses avocats de se retirer de la salle d’audience, car ils n’ont même pas eu le droit de s’exprimer. Pire encore, son avocat, Muayyad al-Ezzi, a dénoncé le fait que son client ait été condamné à mort après un procès de dix minutes, durant lequel l’accusation n’a présenté qu’un seul témoin. Ezzi a ajouté: «Ce témoin a nié toute connaissance des faits, assurant qu’il n’avait jamais rencontré Hachémi». Même Saddam Hussein n’aurait pas fait mieux.
Le Qatar contre le Koweït?
Les responsables qataris, très actifs sur la scène internationale, ont été accusés par les médias koweïtiens d’être la cause des troubles politiques qui secouent la principauté des Al Sabah. Ces médias ont notamment pointé du doigt la façon avec laquelle al-Jazeera a couvert ces troubles, considérant que la chaîne satellite qui ne couvre pas les événements à Bahreïn avait mis en avant les problèmes politiques qui secouent le Koweït, désireuse de voir le gouvernement tomber. Alors que les responsables qataris gardaient un silence radio face à ces accusations, l’émir du Koweït, Sabah Al Ahmad Al Sabah, est monté au créneau pour défendre le Qatar. «Nos frères au Qatar n’ont rien à voir avec les troubles qui ont lieu dans notre pays», a-t-il dit. Le dirigeant a ajouté qu’il n’en voulait pas à la chaîne al-Jazeera, mais plutôt aux Koweïtiens qui ont accepté d’être interviewés par la chaîne basée à Doha. Décidément, le prince Hamad Ben Khalifa AL Thani se crée chaque jour de nouveaux ennemis à force de se mêler des affaires internes des autres pays arabes.
342 millions de dollars est le montant de l’aide financière accordée en urgence par les Emirats arabes unis à l’Autorité palestinienne. Ramallah avait besoin de ce coup de main vu les difficultés économiques auxquelles le gouvernement du président Mahmoud Abbas est confronté. Etant donné les tensions grandissantes avec le Qatar, depuis la visite très controversée de son émir à Gaza, il ne restait plus qu’Abou Dhabi pour sauver l’Autorité palestinienne de la faillite financière dans laquelle elle risque de sombrer. D’ailleurs, le président Mahmoud Abbas n’a pas tardé à remercier chaleureusement le président des Emirats, cheikh Khalifa Ben Zayed Al Nehyan, qui est, selon lui, «venu en aide au peuple palestinien dans ces moments très difficiles». Ramallah espère voir d’autres pays du Golfe tenir leur parole en transférant les sommes d’argent promises pour pouvoir payer tous les fonctionnaires de l’administration qui n’ont plus touché leurs salaires depuis des mois.
10 milliards d’euros d’investissements qataris devraient être placés en France en 2013, selon l’ambassadeur de Doha à Paris, Mohammad al-Kawari. Le représentant de l’émir Hamad Ben Khalifa Al Thani a ajouté que son pays comptait créer un fonds pour sauver les petites et moyennes entreprises françaises en danger de faillite. Face aux inquiétudes suscitées par cet intérêt pour le moins surprenant, la petite principauté du Golfe tente de rassurer en niant toute activité religieuse, au moment même où la montée de l’intégrisme islamique en France inquiète les milieux politiques et sociaux. Kawari a noté à ce sujet que «le gouvernement qatari n’a pas investi dans la construction de mosquées à part celle de Paris suite à une demande française». Ces propos n’ont cependant pas mis un terme aux nombreuses questions posées à ce sujet, vu les liens privilégiés entre le Qatar et le mouvement islamiste Hamas, et que le mouvement Taliban a ouvert dernièrement un bureau à Doha. Le seul au monde.