Magazine Le Mensuel

Nº 2875 du vendredi 14 décembre 2012

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Elie Saab. Un visionnaire bien de chez nous

On ne le présente plus. Il a dépassé, depuis longtemps, les frontières du pays, portant bien haut le nom du Liban dans le milieu de la mode. Il habille les stars et les têtes couronnées de la planète et il a, pourtant, conservé une simplicité et une modestie qui forcent le respect. Peu loquace, son travail parle pour lui. Il a placé le Liban sur l’échiquier mondial de la mode. Portrait du designer Elie Saab.

Ses créations font rêver les femmes du monde entier mais, lui, a bien gardé les pieds sur terre. Il estime qu’il lui reste beaucoup à faire. Dans ses magnifiques locaux en plein cœur de Beyrouth, Elie Saab nous reçoit. Dès l’entrée, le visiteur est séduit par cette atmosphère feutrée où tout respire le luxe et le bon goût. Nous avons le temps de voir quelques robes exposées, les unes plus belles que les autres, avant d’être conduits à l’étage supérieur où notre entretien a lieu dans le bureau du designer. L’endroit est à l’image de son propriétaire. Pas de fioriture, pas de décoration surchargée, même l’éclairage est discret. Des lignes pures, tout en simplicité. Aimable et souriant, il nous parle de son parcours, de ses débuts mais surtout de l’avenir. Elie Saab fait partie de ceux qui ne regardent pas en arrière. Pour lui, la vie c’est droit devant. C’est un visionnaire qui estime que tout ce qu’il a déjà accompli nécessite d’être consolidé.
A neuf ans, petit garçon, il s’amusait à dessiner des croquis et à découper des patrons. A treize ans, il savait déjà parfaitement ce qu’il voulait. «Je sentais que je devais travailler et étudier en même temps ce que j’aimais particulièrement: la mode», se souvient Saab. A dix-huit ans, alors que d’autres viennent tout juste de choisir leur voie, il ouvre son atelier. «J’avais déjà tracé ma route et je savais que je pouvais faire quelque chose dans ce domaine. Ce n’était pas une aventure pour moi. Cela faisait déjà cinq ans que je travaillais», dit-il. Son souci principal est de voir la femme plus belle. «Je voyais beaucoup de femmes autour de moi qui ne s’occupaient pas d’elles-mêmes. Je voulais les aider à offrir une image plus attrayante», confie le couturier. Pour lui, sa réussite n’a pas de secret. Il est juste motivé par le désir de faire des vêtements qu’une femme aimerait porter. «Je veux juste créer quelque chose qui rende la femme belle», souligne-t-il. Son inspiration ne vient pas d’une source particulière. «Je travaille beaucoup sur moi-même. Il n’y a pas de succès sans conflit intérieur. Quand on veut être meilleur, on le devient. Mon but c’est que la femme soit belle dans mes robes, c’est tout». La femme libanaise a une grande influence sur son inspiration. «Il n’y a pas deux femmes qui se ressemblent. Chaque femme est unique. J’aime celle qui me pousse à réfléchir et qui a de la personnalité. C’est une chose que j’apprécie et je respecte», confie le designer. Il estime que le talent à lui seul ne suffit pas. «Il faut savoir gérer son talent, ce qui est encore plus important c’est le diriger dans la bonne direction. Il y a beaucoup de personnes qui ont du talent et qui n’ont pourtant pas pu réaliser le succès qu’elles méritent», estime Saab.

Les pieds sur terre
Ce qui frappe chez Elie Saab c’est bien sa simplicité et sa modestie. Une modestie réelle nullement affectée. Malgré son gigantesque succès, lui qui compte parmi sa clientèle les familles royales, les plus grandes stars mondiales et les femmes les plus célèbres de la planète, a su garder cette humilité qui rend sa réussite encore plus éclatante. «Je sais que rien ne vaut la peine. Celui qui se vante ou qui se prend trop au sérieux n’a rien vu et n’a rien appris de la vie. Je suis de nature modeste et je suis resté ainsi. Tous les gens que je vois et avec qui je travaille m’ont appris la modestie», confie le couturier. Pourtant, avec une franchise désarmante, il reconnaît qu’il y a un moment, lorsqu’on est jeune et sans expérience, où l’on se laisse prendre et on goûte à cette ivresse mais le tout est de savoir s’en sortir au plus vite. «J’avais vingt ans à peine lorsque j’ai été introduit auprès des plus grandes familles saoudiennes et émiraties. Cela aurait pu me monter à la tête comme n’importe qui. Mais je me suis ressaisi rapidement. Chaque être humain est pris par ce sentiment. Mais il faut savoir s’en sortir rapidement», dit-il. Elie Saab ne fait pas partie de ceux qui dorment sur leurs lauriers. Il admet modestement qu’il en est au début du succès et il se hâte d’ajouter qu’il lui reste encore beaucoup à faire. C’est un visionnaire qui voit loin. «Je travaille pour le long terme et je me suis construit un nom qui reste. Je pense à l’avenir et ceci nécessite beaucoup de travail et d’effort, il faut que l’infrastructure soit forte et stable. Je veux être encore meilleur. Je suis ambitieux et mon ambition n’a pas de limites, elle ne s’arrête pas à la mode», confie le créateur. A 48 ans, Elie Saab gère un empire: des boutiques à Beyrouth, Paris, Londres, Dubaï, Hong Kong, Mexico City et Genève. Ses collections sont vendues dans 50 pays avec 70 points de vente au monde. Ses créations ne se limitent pas à la haute couture. Elles englobent aussi le prêt-à-porter, les accessoires et la ligne de parfum.
Pour ce travailleur acharné, la plus grande satisfaction est de voir une femme heureuse d’être habillée par Elie Saab. «Aucune robe n’est pareille portée par deux femmes et souvent on peut tromper le regard de l’autre lorsqu’on est convaincu par ce que l’on porte». Pour lui, la femme est extraordinaire. «L’univers est une femme pas un homme. C’est elle qui élève les enfants, qui leur inculque les valeurs et les principes et crée chez eux le désir de se surpasser. L’éducation de tous les hommes brillants a été faite par des femmes», estime-t-il.
 
Son épouse Claudine: son véritable support
Marié à Claudine Yaacoub, ils ont trois garçons: Elie Junior (21 ans), Salim (20 ans) et Michel (16 ans). Contrairement à ce que disent tous ceux qui ont réussi et qui estiment que c’est leur famille qui paie le prix de leur succès, Elie Saab affirme qu’il a également payé le prix. «Ma femme et mes enfants sont tout le temps ensemble. C’est moi qui suis loin d’eux. Claudine est le véritable support de la famille. Elle est sans cesse présente aux côtés des enfants et c’est grâce à elle qu’ils n’ont pas souffert de mes absences», confie le
designer. Il essaie de passer les week-ends avec eux lorsque son emploi du temps le lui permet. «Mon éloignement m’a rendu très proche de mes enfants. Ce sont des moments de qualité que je passe avec eux». Avec beaucoup d’émotion il parle de sa femme. «Je suis très proche de Claudine. C’est elle qui a toujours été à mes côtés et m’a encouragé dans toutes mes réalisations», dit-il. Très impliqués dans le travail de leur père, les trois garçons assistent à tous ses défilés. «Je prends toujours leur avis, j’aime comprendre leur façon de penser. Tous les trois ont beaucoup de goût et savent distinguer le beau du laid», souligne Saab.

Sous les projecteurs
Il importe beaucoup au couturier d’être naturel et de rester lui-même, chose qu’il a d’ailleurs parfaitement réussie. «Personne ne peut vivre sous les projecteurs et continuer à mentir. La lumière dévoile tout», assure Elie Saab. Il estime avoir de nombreux défauts mais se considère surtout dur et exigeant envers lui-même. Fier d’être né au Pays du Cèdre, il tient à ce que son nom soit toujours précédé par la mention «le Libanais » Elie Saab. «J’insiste sur ma qualité de Libanais. C’est une grande responsabilité. Je représente le beau visage du Liban et cela me rend très fier», précise le designer. Pour lui qui vit aux quatre coins du monde, son point d’attache demeure le Liban mais son cœur se trouve là où sont sa femme et ses enfants. «Beyrouth et Paris sont les deux villes où je vis le plus mais mon affection pour le Liban reste la plus forte. On respire différemment ici», conclut-il en souriant.

Joëlle Seif
 


Ecole de mode à la LAU
Son intérêt pour la jeunesse l’a porté récemment à parrainer une école de mode à la LAU (Lebanese American University) dont l’ouverture aura lieu à l’automne 2013. Cette école comprendra plusieurs matières, toutes reliées au domaine de la mode et de la création. Les cours se feront sous sa supervision et il offrira aux étudiants l’appui et le support moral. «Je crois dans ce pays et cela me serre le cœur de voir les jeunes le quitter pour continuer leurs études ailleurs. Je voudrai leur offrir une chance de rester chez eux et de développer leur talent ici», explique Elie Saab. Sa vision, également partagée par le président de la LAU le Dr Joseph Jabbra, a contribué à la réalisation de ce projet. Très fier de cette collaboration, il estime qu’elle n’aurait pas eu lieu sans la participation du Dr Jabbra, un homme exceptionnel à ses yeux.

Ce qu’il en pense
-Ses loisirs: «Mon travail est mon hobby et ceci est probablement une des raisons de mon succès».
-Social networking: «La maison Elie Saab possède une page sur Facebook. Mais personnellement, je n’en ai pas faute de temps, malgré la grande importance du social Networking».
-Sa devise: «Dieu est avec les patients. La patience est une grande vertu. Je regarde en avant jamais en arrière».  

 

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