Marseille-Provence sera, en 2013, la capitale européenne de la culture. Elle accueillera pour l’occasion plus de 500 événements et 100 expositions. Son projet valorise l’identité méditerranéenne de la cité phocéenne et de son arrière-pays provençal. Les artistes de toutes disciplines de l’ensemble du pourtour méditerranéen sont à l’honneur. Julie Chénot, chargée de Mission internationale et Protocole, nous en dit plus.
Dans la mythologie, Europe est certes la fille du roi de Tyr. Cela ne fait pas du Liban un Etat européen. Quel est le sens de votre visite?
Depuis 1985, le projet Capitale européenne de la culture de la Commission européenne vise à rappeler l’identité européenne de chaque citoyen du continent européen. En ce qui concerne la ville de Marseille, son histoire et sa géographie en font une cité méditerranéenne avant d’être européenne. Dans un tel projet, il était évident que nous devions mettre en valeur cette identité. D’ailleurs, ce n’est pas qu’un engagement marseillais, le territoire provençal d’Aix à La Ciotat, en passant par Aubagne et Salon, est lui aussi directement impliqué. Marseille-Provence 2013 crée une plateforme d’échange entre les cultures des deux rives.
Comment se manifeste alors la participation du Liban?
Je ne parlerais pas du Liban au sens large, je préfèrerais évoquer les artistes libanais. C’est réellement un projet artistique et culturel, avec une direction artistique indépendante de tout carcan institutionnel. La scène artistique, comme vous le savez, est très mobile, très internationale. Il n’y a pas de contrat particulier avec un pays, mais avec des artistes de plusieurs pays. Notre directrice artistique Juliette Laffon a choisi une quarantaine d’artistes parmi de nombreux Libanais. Je citerais, entre autres, le photographe Ziad Antar et les réalisateurs Khalil Joreige et Joana Hadjithomas. Il y aura aussi des artistes de la scène électro. Chaque année, dans le cadre du festival Marsatac à Marseille, un projet Mix up se met en place. Il vise à instaurer des échanges entre des artistes électro marseillais et d’autres d’une grande ville étrangère. A l’occasion de Marseille-Provence 2013, les musiciens du Mix up Beyrouth reviendront à Marseille. De manière générale, sur cette scène électro, Beyrouth est incontournable.
Donc Marseille-Provence ne crée pas de liens politiques.
Dans un premier temps, ils ne sont pas justifiés. Le simple lien artistique suffit. Mais dans certains cas, des liens politiques plus solides se forment. Ça a été le cas pour les artisans des santons d’Aubagne qui ont noué une coopération avec ceux des poupées de terre de Sejnane dans le nord de la Tunisie. L’institutionnalisation de ces liens permet de faciliter les financements et de pérenniser de larges projets d’échanges de savoir.
Où intervient la dimension européenne?
Chaque capitale européenne de la culture valorise une identité propre. La deuxième capitale pour 2013 sera la ville de Kosice en Slovaquie. Elle se trouve donc aux confins de l’espace Schengen. Son projet insiste davantage sur les liens avec l’Ukraine si proche mais si loin à la fois parce que hors de l’Union européenne. C’est aussi cela qui intéresse la commission, voir comment on travaille avec les pays autour de L’UE. Les pays de l’Est pour Kosice, les pays de la Méditerranée pour Marseille. Les liens se font plus facilement à l’échelle individuelle. Mais après, il peut y avoir pourquoi pas certaines conséquences politiques.
Comment se déroule la phase de sélection? Sur quels critères Marseille a-t-elle été choisie?
On savait, depuis un moment, que l’une des capitales européennes de la culture serait française. Il y a donc eu une compétition entre villes françaises uniquement. D’abord, huit villes, puis quatre: Marseille, Lyon, Bordeaux et Toulouse. Puis une seule, Marseille. Je pense que la différence s’est faite sur le travail fourni en amont. Deux ans avant la phase de sélection, nous constituions déjà une équipe soudée et volontaire. Il existait aussi une vraie volonté politique, une vraie envie de dire que oui, on veut obtenir, tous ensemble, ce projet. Il y a eu un jeu collectif qui a beaucoup surpris. Il faut aussi dire que l’objectif de la Commission européenne est aussi de promouvoir une région tout entière. L’engagement du territoire provençal autour de Marseille a beaucoup plu. Peut-être aussi que cette région est plus en difficulté, peut-être qu’elle a plus besoin d’être promue qu’une ville comme Lyon. L’un des critères est aussi celui de la pérennité des réalisations dans le temps.
Qu’apportera sur le long terme, après 2013, le projet Capitale européenne de la culture à la ville de Marseille et au territoire provençal? L’objectif est le même que celui du processus de Barcelone avec l’Union pour la Méditerranée: il faut créer du lien. On tente de réussir par la culture ce qui a échoué par la politique.
Comment se répartissent les financements entre l’Europe et les collectivités?
En très grande majorité, les dépenses sont prises en charge par les collectivités. Voici les chiffres: 70% collectivités territoriales, 12% Etat, 15% sponsors et mécénats privés, 3% Europe.
Un investissement comme celui-là est un vrai pari. En se basant sur les capitales européennes des années précédentes, comment estimer la dimension des retombées?
Cela dépend beaucoup des villes et des projets. Il y a d’immenses réussites comme Lille en 2004, mais il y a aussi un certain nombre d’échecs cuisants. Ce n’est pas qu’une question de succès et de gain d’attractivité pendant l’année mais encore une fois, c’est aussi l’affaire d’une dynamique nouvelle. Il faut faire en sorte que les retombées nous parviennent dès l’année prochaine, mais aussi au cours des prochaines années. Marseille-Provence 2013 a, d’ores et déjà, été un accélérateur de transformation urbaine avec la réalisation de nouveaux espaces et de nouvelles infrastructures dédiées à l’art. Pour une bonne politique, il faut que la direction artistique ait les mains libres, il faut qu’elle s’affranchisse des obligations politiques électorales de tel ou tel maire qui pourrait remettre en cause des projets construits sur plusieurs années. Marseille-Provence est à ce titre, une association loi de 1901 à but non-lucratif.
Pensez-vous qu’il existe une identité européenne?
Oui quand même. Je me suis sentie réellement européenne par contraste une fois en Chine. Cette différence intéressante fixe un cadre général à une échelle européenne. Plusieurs choses nous sont communes.
Propos recueillis par Antoine Wénisch