Si on ne peut pas imputer aux dirigeants la responsabilité de la colère de Dame Nature, on ne peut que leur faire assumer l’incompétence et l’inconscience que la folle tempête, qui s’est abattue sur le Liban, a révélées au grand jour. Depuis de très longues années, qu’il pleuve ou qu’il fasse soleil, l’eau coule sur les macadams, plus que dans les robinets, transformant les rues de la capitale et des grandes villes en étangs stagnants, tandis que les champs de culture s’assèchent à vue d’œil. Les crevasses de la chaussée, camouflées par l’eau, sont autant de risques pour les chauffeurs de s’embourber. L’absence d’entretien des regards et des canalisations n’échappe à personne et les plaintes des citoyens sont balancées d’un service à l’autre: de la municipalité au Conseil du développement et de la reconstruction, au ministère des Travaux publics, mais nul n’y répond ou s’en préoccupe.
Surprenant les Libanais, la tempête a fait, dès les premières heures, trois victimes et des dégâts matériels importants. On ne peut que penser à tous les Libanais qui vivent dans la précarité, aux réfugiés, qu’ils soient palestiniens ou syriens, sans logement. Devant les sinistres qui les frappent dans leur quotidien, quelles qu’en soient les causes: explosions, effondrements d’immeubles bâtis en dépit de toutes les règles de sécurité, des services sanitaires défaillants… et on en passe, les citoyens ne se heurtent qu’à l’indifférence des pouvoirs publics.
A quelques mois d’une élection législative, une occasion peut-être pour les électeurs de savoir choisir leurs futurs représentants, ceux en place aujourd’hui ne semblant nullement s’inquiéter du sort de leurs ouailles. Ils pensent avoir tout le temps de les récupérer. Ils ont, hélas, peut-être raison.
Pourtant, il n’était pas besoin d’une telle catastrophe pour qu’éclate au grand jour le manque de confiance d’une population dans ses dirigeants. Pour en avoir la preuve, il suffit d’écouter les citoyens lambda. Si la Défense civile, elle, a réagi réussissant à sauver quelques véhicules noyés avec leurs passagers, les ministres directement concernés se sont contentés de distribuer des conseils. Alors que celui de l’Education appelait les écoles à fermer leurs portes, son collègue de l’Intérieur, candidat affiché à la prochaine présidentielle, conseille aux citoyens de limiter leurs déplacements et aux fonctionnaires de l’Etat de ne pas prendre de risques pour rejoindre leurs postes. Les grévistes de l’Electricité du Liban (EDL) ne l’ont d’ailleurs pas attendu, laissant plus d’une région plongée dans l’obscurité. Ainsi va le Liban à vau-l’eau.
Au sombre tableau qu’offrent certains parmi ceux qui détiennent le pouvoir, ou ceux qui aspirent à le prendre, s’est greffé un mal de vivre des citoyens dont l’unique souci est d’assurer le présent et l’avenir de leurs familles. Peu leur importe le débat autour d’une loi électorale qui, dans les meilleures conditions, ne servira qu’à garantir un maximum de sièges dans l’hémicycle et de fauteuils au Sérail, aux mêmes ou à leurs semblables.
Par une clémence particulière des phénomènes climatiques, le ciel s’est calmé, peut-être pas pour longtemps. C’est alors, comme telle est la coutume, que des sonnettes d’alarmes sont tirées et que des dispositions sont annoncées pour éviter, si possible, les accidents meurtriers. Des numéros d’urgence sont tardivement diffusés. Les routes particulièrement dangereuses sont également signalées après coup.
Tout nous ramène aux méthodes, sans cesse appliquées par ceux auxquels le qualificatif de responsables va si mal. Ceux qui promettent la sécurité au lendemain d’une échauffourée dans une région qui enterre ses morts, ceux qui affirment leur intention d’aider les blessés, les sinistrés, la veuve et l’orphelin et dont la mémoire est défaillante. D’ailleurs, ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions?
Mouna Béchara