Magazine Le Mensuel

Nº 2885 du vendredi 22 février 2013

Affaire Déclassée

Majid Arslan vs Kamal Joumblatt. Querelle autour des réformes dès 1946

Après l’indépendance, le Liban doit apprendre à diriger seul ses propres affaires. La fin du mandat français le plaçait devant plusieurs défis. Sous la présidence de cheikh Béchara el-Khoury, les exigences de réformes se sont multipliées et une pétition est présentée au chef de l’Etat. Elle déclenche l’affaire connue sous le titre: l’exclusion de Joumblatt.

Le 7 mai 1946, douze notables, dont quatre députés, avaient adressé une pétition au président de la République pour réclamer des réformes radicales. Plusieurs points sont alors mis sur le tapis censés servir de base à cette réforme: l’indépendance de la magistrature, celle de l’administration par rapport à l’Exécutif, la création d’une Cour des comptes, la réduction des dépenses publiques et d’autres mesures concernant le Parlement, la loi électorale et les services de sécurité. Bref, un plan en quatorze points sur des réformes structurelles.
La situation n’était pas au beau fixe, le mandat avait laissé beaucoup de points en suspens. Il était important de procéder à des réformes majeures. Mais la tension politique était lourde et la pétition n’était pas vue d’un bon œil. Les climats politique et social pesaient de tout leur poids sur la scène interne. Le chômage s’étendait et la cherté de vie avait grimpé durant les premières années de l’indépendance. Des sociétés fermaient leurs portes, plusieurs d’entre elles déclaraient leur faillite. Pour les notables, signataires de la pétition, il fallait commencer quelque part pour réduire le chômage, assurer la liberté du commerce, et la réduction de certaines taxes, dont la taxe douanière. Il fallait aussi dresser des plans pour encourager le travail dans les différents secteurs, tels ceux de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme et d’autres. Parmi les signataires de la pétition: Alfred Naccache, Omar Daouk, Youssef Karam, Alfred Skaff, Omar Beyhum, Habib Trad et Kamal Joumblatt.
Deux jours plus tard, la Chambre des députés se réunit en séance ordinaire pour discuter des différentes questions en cours. L’ombre de la pétition plane dans l’air. Une altercation oppose l’émir Majid Arslan et Kamal Joumblatt.
A l’ouverture de la séance, Arslan prend la parole et attaque les signataires de la pétition. Il dénonce les députés qui l’ont signée sans chercher à exprimer leur opinion sous la voûte du Parlement. Il est fortement applaudi par plusieurs députés. Joumblatt intervient et tente de se faire entendre. Arslan hausse peu à peu le ton et provoque Joumblatt en l’invitant à sortir de l’hémicycle pour régler leur compte «entre hommes». Joumblatt fait la sourde oreille et ne répond pas à l’appel d’Arslan. Des accusations de traîtrise sont échangées entre les deux hommes et Joumblatt élargit ses accusations aux membres du Parlement. Sabri Hamadé intervient alors et appelle le seigneur de Moukhtara à présenter des excuses mais ce dernier refuse et fait monter encore le ton. Hamadé avance une proposition à la suite de laquelle une motion est signée par les membres du Parlement excluant Joumblatt de la Chambre. Il s’exécute mais menace de revenir par la force des armes.
Une querelle éclate alors entre les députés, partisans d’Arslan et ceux de Joumblatt et la police intervient pour y mettre fin. Des attroupements se forment dans la rue où la tension était encore montée d’un cran.
Joumblatt ne veut pas ignorer l’affaire et exige des réformes radicales concernant la loi électorale qui, dit-il, «amène au Parlement certains illettrés», et la révision de la Constitution.
La dispute des deux leaders atteint son paroxysme. Il fallait trouver, le plus tôt possible, une solution. D’autant que les deux hommes appartiennent à la même communauté. Le cheikh akl, Ali Mezher, intervient et réunit les deux hommes à son domicile après l’intervention de nombre de notables et de chefs religieux. L’affaire est close, mais Joumblatt continuera longtemps à réclamer les réformes.

Arlette Kassas

N.B: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat Béchara el-Khoury de Joseph Chami.  

Les réclamations du bey
Outre la pétition, Kamal Joumblatt a convoqué la presse chez lui. Il soumet un plan de réforme en trois points:
-Une nouvelle loi électorale, qui ne soit pas féodale comme la loi, alors, en vigueur.
-Une révision de la Constitution dans le sens de la séparation des pouvoirs.
-Une législation sociale courageuse et moderne.
 

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