Membre du Courant du futur, Ahmad Fatfah, répond aux questions que chacun se pose sur le sort des élections, sur celui du gouvernement, sur l’attitude du président de la Chambre, ainsi que sur les options des différents courants politiques.
Le président de la République et le Premier ministre ont signé le décret convoquant le collège électoral sur la base de la loi de 1960. Qu’en pensez-vous?
Le décret devait être signé par le ministre de l’Intérieur, le Premier ministre et le président de la République conformément à la Constitution. Ce n’est pas un acte politique. Si les organisations politiques s’entendent sur un projet, elles pourraient changer la loi électorale. En 1996, cette loi a été amendée une semaine avant l’échéance législative.
Najib Mikati a déclaré qu’il ne sera pas le chef du gouvernement des élections. Est-ce que cela signifie sa démission ou celle prévue du gouvernement?
Il est censé démissionner. Mais nous l’avons entendu faire tant de promesses qui n’ont pas été tenues. Je ne sais pas combien il est déterminé ou capable de respecter cet engagement.
Que dites-vous de la colère du 8 mars provoquée par la convocation du collège électoral qualifiée de coup porté à une nouvelle loi?
Je suis étonné d’entendre reprocher au président de la République, au Premier ministre et au ministre de l’Intérieur, le respect d’une procédure légale et constitutionnelle. Il existe un sérieux amalgame entre la procédure constitutionnelle et la politique à ce sujet.
Certains ministres se demandent pourquoi le projet du gouvernement transmis au Parlement n’est-il pas respecté.
Parce qu’ils n’en étaient pas convaincus et que la loi orthodoxe a suscité des surenchères. Il s’est avéré que le Hezbollah et le Courant patriotique libre y ont renoncé depuis deux jours à la faveur de la proportionnelle et de la circonscription unique qui constituent la pire formule pour que les chrétiens obtiennent une part équitable de députés. Le 8 mars, notamment le Hezbollah, n’est intéressé que par sa propre victoire. Est-il prêt à appliquer le régime majoritaire dans les treize circonscriptions qu’il a définies? Non. Il insiste sur la proportionnelle parce qu’il veut dominer le pays. Il domine à 95% les électeurs chiites mais son ambition est de dominer le pays.
Le Courant du futur et le Parti socialiste progressiste (PSP) êtes-vous satisfaits de la convocation du collège électoral sur la base de la loi de 1960?
C’est une procédure légale. Nous n’en sommes ni dérangés ni satisfaits. En tant que Moustaqbal et PSP, nous sommes en contacts permanents et quotidiens avec les Forces libanaises et le parti Kataëb et nous cherchons une proposition commune acceptable par toutes les parties et susceptible d’obtenir une majorité parlementaire.
Etes-vous satisfait de l’attitude du président Nabih Berry qui tarde à convoquer l’Assemblée générale et insiste sur un consensus avant toute séance?
Je crains toujours ce que cache le président Berry. Personnellement, je ne suis pas rassuré par la façon dont il gère les affaires. Il tient à avoir le dernier mot. D’ailleurs, j’ai dit que l’échec de l’entente au sein de la Commission parlementaire est dû à l’insistance du représentant du président Berry pour que son projet soit adopté tel quel sans débat. Par conséquent, la convocation de l’Assemblée générale ne changerait rien d’autant que le président Mikati, dont la présence était souhaitée, ne pouvait pas y assister pour des raisons connues et d’autres ignorées.
Quelles étaient ces raisons?
Le Hezbollah était convaincu d’avoir une promesse du président Mikati d’assister à la séance mais il est apparu qu’il ne pouvait pas le faire.
Cette position du président Mikati vous rassure-t-elle?
Ce qui nous rassurerait ce serait le départ de ce gouvernement.
A votre avis, les élections auront-elles lieu le 9 juin? Vous aviez dit que le vote du projet orthodoxe est un vote de report des élections.
Ce n’est pas moi qui l’ai dit, c’est le ministre de l’Intérieur qui a souligné que toute loi non conforme au régime majoritaire, autrement dit toute nouvelle loi, signifie le report du scrutin mais ce serait un report technique. L’essentiel est qu’on ne proroge pas le mandat de la Chambre.
Comment définissez-vous les relations actuelles du Courant du futur avec les Forces libanaises et les Kataëb, alors qu’il avait été question de scission?
Il est vrai que nous avons traversé une période difficile. Mais on peut nous appliquer la formule «Ce qui ne vous tue pas vous renforce» et je suis convaincu que le 14 mars sortira plus fort de la crise.
Dr Geagea a déclaré que le président Siniora le représentait plus que le général Aoun et que celui qui ambitionne des parts ne peut accepter de n’avoir aucun député à Achrafié…
A mon avis, le Dr Geagea répondait à certains médias. Je ne veux pas entrer dans ce genre de polémique. Ses propos sont très positifs et c’est ainsi que nous les comprenons.
Sur quelle formule travaillez-vous avec le PSP?
Sur une formule mixte tenant compte des clauses votées en Commission. Elle garantit une représentation chrétienne claire et un équilibre politique, autrement dit qui ne permet pas aux 14 mars ou au 8 mars de prévoir les résultats du scrutin.
Que pensez-vous du dernier discours de sayyed Hassan Nasrallah, de sa mise en garde contre une fitna sunnite-chiite et de ses propos concernant Saïda?
Ce discours était extrêmement provocateur et menaçant. «Que nul ne nous mette à l’épreuve», dit-il. Curieusement, sayyed Hassan qui a toujours refusé de répondre aux présidents et aux leaders, s’est vu contraint de répondre au cheikh Ahmad el-Assir. Soit que ce dernier l’ait particulièrement dérangé ou qu’il ait trouvé une occasion de créer une tension et de menacer de fitna. Il a, d’autre part, donné des ordres au gouvernement concernant l’échelle des salaires abstraction faite du financement. Il ne se préoccupe pas de la crise économique due aux erreurs du gouvernement qui a promis l’échelle des salaires sans se préoccuper du financement.
Que cachent les mouvements du cheikh el-Assir et la fatwa de cheikh Dahi el-islam el-Chahal contre quiconque porte préjudice aux sunnites?
Pour nous l’Armée libanaise est une véritable ligne rouge et la défendre est essentiel. Nous sommes conscients du danger de frapper l’armée ou toute autre force sécuritaire du pays. Nous défendons l’institution militaire, tout en sachant que des erreurs ont été commises dans ses rangs sans qu’aucune mesure n’ait jamais été prise. En ce qui concerne Assir, nous avions nous-mêmes le choix de nous confronter comme lui au Hezbollah dans la rue et d’en arriver aux armes ou par la politique. Nous avons opté pour la politique.
Que dites-vous des confrontations au sujet de l’échelle des salaires? L’économie libanaise permet-elle d’y faire face?
Le problème n’est pas économique mais financier et nous devons assurer des rentrées à l’Etat afin qu’il puisse résoudre cette crise. Ceci constitue une faute et un préjudice. La faute est celle du gouvernement actuel et la responsabilité en incombe au ministre de la Justice qui a insisté pour que soient doublés les émoluments des magistrats depuis deux ans et naturellement ceux des professeurs de l’Université libanaise. Il existe donc aujourd’hui des écarts énormes entre ces derniers et les autres enseignants du secteur public et les fonctionnaires de l’Etat. Il faut assurer les ressources financières de l’Etat pour éviter l’effondrement de l’économie. Ce qui a mis le feu aux poudres ce sont les promesses du président Mikati. Il a pris prétexte d’une croissance de 5% tombée à 1,5%. Or, c’est sur la base de cette dernière croissance qu’il avait pris ses engagements.
Propos recueillis par Saad Elias