Ce n’est pas seulement le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé qui affirme que «les Libanais sont les seuls garants des dépôts bancaires dans leur patrie», mais aussi le nouveau directeur de la Banque mondiale pour la région du Proche-Orient, Ferid Belhaj, qui a mis l’accent sur le fait que «les expatriés libanais et la BDL sont deux éléments très importants qui assurent la stabilité monétaire». Les deux déclarations ont été faites à la suite des rumeurs qui ont couru la semaine dernière sur le retrait par l’Arabie saoudite d’un dépôt d’un milliard de dollars déposé auprès de la Banque centrale. Toutefois, ces rumeurs, qui se sont avérées infondées, pourraient ne pas être invraisemblables compte tenu du dicton anglais qui dit «qu’en temps d’obscurité, même votre ombre pourrait vous lâcher». Entre 2008, année de l’éclatement de la crise financière internationale, et 2012, les transferts de fonds des expatriés ont contribué entre 25% et 35% du volume du revenu national. Selon les données de la Banque mondiale, les transferts des émigrés du Golfe représentent 58% du total des flux de capitaux qui passent par le réseau bancaire. En revanche, l’organisation internationale considère qu’une partie importante des transferts de fonds de la diaspora vers les pays émergents le sont via des moyens officieux, se basant ainsi sur les conclusions de ses propres études de terrain. Celles-ci ont montré que les flux officieux représentent d’une manière générale entre 35% et 75% des transferts déclarés. Parallèlement, un rapport du Pnud publié en 2009 a révélé que parmi 760000 émigrés libanais recensés, le tiers est installé aux Etats-Unis, un cinquième en Europe et une part égale en Asie. En termes de flux de capitaux vers leur patrie, 37% proviennent des Etats-Unis, plus de 33% d’Europe et 11% d’Asie.
Banques
62 milliards $ aux mains de 500 déposants
Les dépôts auprès des banques libanaises des ressortissants étrangers et particulièrement du Golfe bénéficient de l’excellence de la gestion en temps de crise des fonds bancaires par les ressources humaines du pays, en plus de taux d’intérêt compétitifs par rapport à ceux appliqués sur le double plan régional et international et d’un secteur bancaire soutenu solidement par une banque centrale. Les dépôts bancaires ont enregistré au cours du 1er mois de 2013 une progression de 687 millions de dollars, atteignant près de 125,5 milliards de dollars, alors qu’ils s’étaient élevés à près de 124,9 milliards fin 2012, soit une croissance de 0,55% en un seul mois. Cet indicateur s’est répercuté sur le volume des avoirs des établissements de crédit, qui ont totalisé fin janvier de l’année en cours environ 153,06 milliards de dollars, contre 151,8 milliards fin 2012, ou une hausse de 1,2 milliard de dollars. Aussi, est-il important de souligner le mouvement des dépôts bancaires des non-résidants, y compris les émigrés libanais, dans la mesure où ces dépôts ont représenté à fin janvier 2013 quelque 24 milliards de dollars, soit un accroissement de 213 millions par rapport au 31 décembre 2012. Ceci dit, il est bon de savoir que la moitié des dépôts bancaires relève de moins de 0,8% des comptes bancaires. En des termes plus précis, plus de 62 milliards de dollars se trouvent effectivement aux mains de moins de 500 déposants, qui représentent d’importants rentiers puisqu’ils engrangent des rendements générés par les taux d’intérêt appliqués d’un montant de 3,5 milliards de dollars en rythme annuel. Parmi ces grands déposants, il existe de toute évidence un nombre non négligeable de ressortissants du Golfe. Partant de ce constat tout à l’avantage des déposants résidants et non résidants, les capitaux qui ont fui le Liban ont représenté un pourcentage de 5% à la suite de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri et 3% lors de l’agression israélienne de 2006. Toutefois, ces sorties de fonds ont rapidement réintégré le secteur bancaire domestique. En 2011, la sortie de fonds a représenté moins de 1%.
Fonctionnaires
La nouvelle cible marketing des banques
C’est au tour des fonctionnaires du secteur public d’être dans la ligne de mire des banques libanaises. Cette nouvelle donne s’inscrit dans la foulée de la bataille sans merci que se livrent les douze banques de la catégorie Alpha (ayant des dépôts d’au moins deux milliards de dollars) afin de gagner «une clientèle captive». Le métier de la banque commerciale étant devenu de plus en plus complexe, promouvoir ou faire connaître ses produits ou ses services représente désormais la clé du succès d’une banque commerciale. Ainsi, le marketing bancaire se positionne aujourd’hui comme un pivot de l’activité du secteur. Parallèlement aux outils de marketing traditionnels de masse des produits bancaires, qui se résument en des insertions publicitaires dans les différents supports de la presse écrite et des médias audiovisuels y compris les sites web/ou à la TV et de sponsors liées à la responsabilité civile des entreprises, sont apparus les layers, étalés sur les comptoirs des banques, puis les SMS envoyés sur les portables et, enfin tout récemment, le porte-à-porte via un courrier rapide avec accusé de réception. Depuis le début du mois, une des grandes banques de la place de Beyrouth a eu l’idée de s’attaquer à «une niche prometteuse», celle des fonctionnaires du secteur public. Ministère par ministère, les responsables marketing de cette banque appellent par téléphone les fonctionnaires un à un pour leur proposer de domicilier leurs salaires. L’idée de cette niche est intelligente dans la mesure où une clientèle captive de la banque se construit à partir d’une domiciliation du salaire, pour s’étendre petit à petit à la proposition d’une large panoplie de produits de banque de détail. Même si le salaire des fonctionnaires est relativement modeste en comparaison de celui des employés du secteur privé, la banque est intéressée «par la pérennité de l’emploi», une garantie contre un éventuel défaut de paiement.
Banques libanaises en Syrie
Recul du bilan consolidé de 4,16% sur un an
L’exposition directe des banques libanaises au marché syrien apparaît «gérable», a constaté Deutsche Bank dans un rapport sur la conjoncture financière et monétaire du Liban. L’exposition de leurs opérations bancaires en Syrie a été réduite et ne représente plus que près de 3% à 4% de leurs avoirs. Ce qui affecte davantage ces établissements de crédit, ce sont surtout les retombées de la crise syrienne sur l’activité de l’économie réelle du Liban, a ajouté la même source. Celle-ci a souligné que les banques libanaises figurent parmi les plus liquides dans le monde et opèrent conformément à des standards conservateurs de ratio de liquidité entraînant un ratio de prêts rapportés aux dépôts parmi les plus faibles sur un plan international. A la fin de l’exercice financier 2012, les filiales des banques libanaises établies en Syrie – à savoir Bank Audi Syria, Bank of Syria & Overseas, Byblos Bank Syria, Bank Bemo Saudi Fransi, Fransabank, Sharq Bank et Syria Gulf Bank – ont enregistré un recul de 45,79% de leurs profits nets par rapport à la même période un an auparavant. Cette baisse des bénéfices est principalement due à l’engrangement par les différents établissements de crédit de provisions supplémentaires afin de parer à tout éventuel défaut de paiement. En termes de bilan, les avoirs consolidés de ces sept banques ont accusé une baisse de 4,16% en 2012 par rapport à 2011, la part de Bank Bemo Saudi Fransi étant de (27,16%), Bank of Syria & Overseas (18,3%), Bank Audi Syria (15,89%), Byblos Bank Syria (14,03%), Fransabank Syria (10,9%), Syria Gulf Bank (8,45%) et Sharq Bank (5,3%).
LILIANE MOKBEL