Magazine Le Mensuel

Nº 3075 du vendredi 3 mars 2017

ECONOMIE

La RSE. Investir pour une société meilleure

Les entreprises libanaises ne se concentrent plus uniquement sur leurs profits mais aussi, sur l’impact qu’elles ont sur la société dont elles tirent leurs bénéfices. Dans les années 80, une telle situation aurait été considérée comme un oxymore. Vers la fin des années 90, le concept de  responsabilité sociale des entreprises (RSE) a émergé un peu partout dans le monde et n’a cessé d’évoluer.

D’une manière simple, on entend par responsabilité sociale des entreprises (RSE), toutes les pratiques mises en place «volontairement» par les entreprises pour s’assurer qu’elles respectent les principes du développement durable, c’est-à-dire être économiquement viable, avoir un impact positif sur la société mais aussi, mieux respecter l’environnement.  La RSE est d’autant plus importante aujourd’hui que l’année 2017 s’ouvre sur des changements et des perturbations socioéconomiques sur le triple plan local, régional et international. Par conséquent, il est probable que celle-ci, devenue une priorité fondamentale stratégique pour les entreprises, dépasse le simple engagement envers le développement durable de son propre environnement, pour englober des contributions aux règlements de causes concernant la communauté internationale. Désormais, la RSE fait partie de la réputation et de la marque de la firme. On citera, à titre indicatif, le parcours de grandes sociétés telles Bank Audi, la Banque libano-française (BLF), Blom Bank,  Fransabank, SGBL, Axa et Holdal (par ordre alphabétique).

L’acceptabilité sociale
L’une des retombées majeures de la RSE est la promotion, dans la conscience collective, de valeurs communes qui rehausseraient l’acceptabilité sociale de la firme. C’est que la gestion et l’atténuation des risques sociaux et environnementaux apparaissent de plus en plus importantes pour le succès des entreprises à l’étranger, puisque la perte de l’acceptabilité sociale d’une entreprise peut avoir des répercussions considérables, que ce soit sur le cours de ses actions ou sur son bénéfice net. Toujours est-il important de souligner la nécessité de ne pas associer la RSE à la seule protection de l’environnement. La RSE est présente dans tous les domaines. La stratégie de Bank Audi dans ce domaine repose sur 5 piliers: la gouvernance d’entreprise, le développement économique, le développement humain, le développement communautaire et la protection de l’environnement. Son approche principale en matière de RSE consiste à mettre les valeurs de la banque en application, à savoir la transparence, le capital humain, l’héritage, le patrimoine, le rôle civique et l’innovation. En deux mots, Bank Audi a adopté les 17 objectifs annoncés en mai 2015 par les Nations unies pour le développement durable (ODD). «Depuis sa création en 1930 et avant même que le terme RSE ne soit considéré comme une pratique commerciale clé, la BLF a œuvré en favorisant la croissance économique et en contribuant à une société meilleure», déclare Tania Rizk, directrice de la Communication, de l’Expérience clients et de la RSE au sein du groupe BLF. Elle ajoute qu’«en 2010, la BLF a adopté une stratégie de RSE axée sur 4 piliers principaux: le marché, les employés, la communauté et l›environnement.» La banque a, par la suite, élaboré un plan d’actions à long terme, axé sur le «sustainable banking» et basé sur les lignes directrices de l’ISO 26000. Quant à la stratégie de Blom Bank dans la RSE, elle s’articule autour de trois piliers qui se retrouvent  dans le cadre des dix principes adoptés par l’UNGC, sous les chapitres des droits de l’homme, du travail, de l’environnement et de la lutte contre la corruption. Ces principes seraient garants d’un «Peace of Mind» indéfini du client. Aussi Blom Bank s’efforce-t-elle d’établir un équilibre entre les besoins de la société et les impératifs du monde des affaires. On citera à titre indicatif différents programmes de RSE créés et véhiculés par Blom Bank à savoir «Shabab Program», «Giving Card» ainsi que l’implantation de meilleures pratiques de bonne gouvernance pour sécuriser et inspirer confiance, sur un plan financier, à la communauté dans son ensemble. D’après Dania Kassar, responsable de la Communication d’entreprise à Fransabank, la stratégie d’action RSE est axée sur trois principes majeurs: promouvoir efficacement le partenariat public-privé; soutenir le développement économique; renforcer les aspirations de la société civile. «Ceci sollicite un engagement recherché avec les parties prenantes, un changement au niveau des mœurs des employés de la banque et un relèvement des défis économiques et sociaux», ajoute-t-elle, rappelant qu’«à ce jour, Fransabank a affirmé avec succès son rôle pionnier et actif en matière de RSE et prône la promotion des meilleures normes et meilleurs standards». Changement de cap avec la SGBL, qui se focalise surtout sur le mécénat culturel et sportif. En 2016, la SGBL a mené une série d’initiatives sociétales, articulées principalement autour de trois axes: la culture, la société et le sport. Sa contribution se nourrit des quatre valeurs-clé du groupe: esprit d’équipe, responsabilité, engagement et innovation. La SGBL accorde une attention particulière aux talents émergents et à la nouvelle génération d’artistes, notamment à travers «Génération Orient»,  et l’espace «Revealing by SGBL» dans le cadre du Beirut Art Fair. En parallèle, la banque a parrainé un grand nombre de festivals et d’événements culturels tout au long de l’année. Au fil du temps, la SGBL s’est positionnée comme un soutien majeur du sport en parrainant des équipes, des tournois et des événements dans tout le pays. À travers le rôle fédérateur du sport, la banque cherche à promouvoir des valeurs civiques, telles que l’esprit d’équipe, le dépassement de soi, et la solidarité. Aujourd’hui, la SGBL apporte son soutien au développement d’un certain nombre de clubs sportifs libanais, y compris As Salam Zghorta Football Club, Hoops Basketball Club, Homenetmen Basketball Club et plus récemment avec le Club Sportif La Sagesse Beyrouth. Aussi la SGBL a-t-elle signé un accord de partenariat avec l’Ordre de Malte au Liban, association qui vise à servir, à travers son travail humanitaire sur l’ensemble du territoire, la dignité de l’homme, la coexistence et la paix.  
De son côté, Holdal (groupe Abou Adal) s’est engagé à préserver les valeurs de la famille et de l’héritage, dédiant de son temps et de ses ressources à trois piliers de la RSE qui ont été intégrés d’une manière inhérente à sa stratégie d’entreprise. Il s’agit de la préservation de la vie, en partant du principe que toute personne a droit à la sécurité alimentaire, aux soins médicaux et à un logement; du renforcement de la communauté à travers l’amélioration du bien-être des personnes, de la lutte contre la discrimination, de la promotion des droits de la femme et de l’enfant, ainsi que de l’encouragement de l’entrepreneuriat et de l’éducation; du développement durable sur base de la promotion d’une minimisation du dégagement de CO2 d’ici 2020 et d’«un Levant encore plus vert».

 

Outil de management
Avec Axa ME, on commence à parler de la RSE comme d’un outil de management, de performance et d’amélioration de la productivité interne et de ses ressources humaines. AXA ME a défini six groupes d’intérêt RSE: les collaborateurs, les clients, les fournisseurs, l’environnement, la communauté et les actionnaires. AXA ME gère ces groupes d’intérêt de manière active et intègre progressivement les activités de RSE dans tous ses processus, ainsi que dans les activités quotidiennes de ses collaborateurs. Dans le cadre du pilier «collaborateurs», la compagnie d’assurances s’investit, en tant qu’employeur responsable, pour un environnement de travail fondé sur la diversité et l’égalité des chances pour tous, promouvant la participation des employés, encourageant le développement professionnel et favorisant le bien-être des employés. Selon Marianne Bou Chédid, responsable RSE à AXA ME, la compagnie, fidèle à son statut d’assureur, se focalise sur la prévention du risque santé en offrant un programme de bien-être dédié aux collaborateurs. «En ce qui concerne les «clients», la société se focalise sur l’amélioration de la qualité de service, qui repose avant tout sur la capacité d’AXA Middle East à rester à l’écoute du client et à détecter précisément les motifs éventuels d’insatisfaction, alors que pour le pilier «communauté», elle s’engage à implémenter une politique de volontariat, afin d’inciter les collaborateurs à être actifs dans la communauté. Les activités de bénévolat seront réalisées en collaboration avec des organisations non gouvernementales pionnières dans le service de la société. Marianne Bou Chédid, révèle qu’AXA ME s’engage à réduire son impact direct sur l’«environnement» en gérant activement ses déchets, ses émissions de CO2 et sa consommation de ressources naturelles. Elle dévoile, en outre, que l’assureur développe une feuille de route qui impliquera les fournisseurs et les partenaires dans la stratégie de RSE. De son côté, la BLF considère la RSE comme faisant partie intégrante de ses activités et son impact sur la société est pris en compte dans ses décisions et ses actions. Outre ses produits et services qui permettent aux individus et au secteur privé de se développer, la BLF soutient diverses activités culturelles et sociales, a mis en place des pratiques «vertes» en interne et offre des produits écologiques à ses clients. «Plusieurs études révèlent que les clients sont devenus de plus en plus conscients et favorisent de plus en plus les organisations socialement responsables», souligne Tania Rizk.

Benchmark
D’autre part, Blom Bank estime qu’elle a dépassé les prérequis imposés par la législation au niveau de la transparence, transformant «les affaires en des opérations responsables». Comme outil de management, Dania Kassar considère que Fransabank favorise une culture fondée sur les besoins des clients plutôt qu’une approche axée seulement sur les produits et les bénéfices, prenant en compte les besoins et les préoccupations de nos parties prenantes.
S’il n’existe aucune loi qui oblige les entreprises à mettre en place une stratégie de RSE, une institution internationale publie des guides à destination des entreprises afin de les orienter sur la stratégie à suivre. Cette organisation (l’ISO, International Standard Organisation) permet aux entreprises d’avoir un cadre de référence commun afin de mettre en place leur stratégie RSE. Les entreprises libanaises ne sont pas en reste et elles s’y réfèrent, en tant que benchmark, afin de s’assurer qu’elles se trouvent sur la bonne voie. Dans le cadre de la RSE, on citera les normes ISO 26000, ISO 14001 sur le management environnemental, ISO 9001 sur la qualité et l’ISO 50001 sur le management  énergétique.
Par ailleurs, l’Union européenne a publié en 2001 un Livre vert de la RSE afin de proposer un cadre pour les entreprises souhaitant s’investir dans le développement durable. Aussi est-il bon de souligner que de nombreux outils se développent, pour permettre aux entreprises de mieux quantifier leurs performances et leurs actions en matière de développement durable. Par exemple, les entreprises utilisent désormais l’ACV (Analyse de cycle de vie) pour quantifier leurs émissions de gaz à effet de serre et leurs impacts sur l’environnement. Bank Audi publie tous les ans un rapport RSE qui lui permet d’évaluer et de mesurer ses efforts, suivant les directives de standards internationaux comme le GRI, ISO26000, l’UNGC (United Nations Global Compact), et plus récemment, les ODDs, ce qui sert bien sûr la valeur de «transparence» véhiculée par la Banque. Quant à la BLF, un Comité RSE dirigé par son pdg a été créé alors que la banque siège, depuis 2005, au comité local de l’UNGC. Pour Holdal, l’impact social de la politique RSE constitue un engagement et un processus de longue haleine. C’est un devoir et une responsabilité en tant que citoyens et entreprises, il s’agit d’un travail collaboratif qui peut faire la différence au niveau sociétal. Dans ce prolongement de stratégie d’action, Holdal agit étroitement avec plusieurs ONG pour atteindre ses objectifs RSE. Pour s’assurer d’être sur la bonne voie, Holdal est persuadé que l’important n’est pas tant le volume des efforts déployés mais l’usage que l’on en fait.
Aujourd’hui, la responsabilité sociale est véritablement institutionnalisée dans le monde de l’entreprise. Elle est identifiée comme un moyen privilégié pour inviter les entreprises à participer à une mise en œuvre de la stratégie nationale de développement durable.

Liliane Mokbel

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