La sécurité des patients dans les hôpitaux libanais a fait l’objet d’une étude nationale, menée par le département de la Santé publique de l’Université américaine de Beyrouth. Les erreurs médicales commises au sein des établissements de santé manquent de transparence. Explications.
La sécurité des patients dans les hôpitaux mérite une attention particulière. Les médias relatent à plusieurs reprises des incidents, des drames, voire des décès liés aux erreurs médicales. Des erreurs qui, pour la plupart, pourraient être évitées. Que savons-nous sur la sécurité des patients et que font les hôpitaux pour protéger les patients? Pour répondre à ces questions fondamentales, une étude nationale sur la sécurité des patients a été menée par le professeur Fadi el-Jardali, professeur associé à l’AUB. Près de 68 hôpitaux et 6807 personnes, dont des infirmiers, des médecins, des pharmaciens, des techniciens, des responsables de la sécurité sanitaire ou employés d’hôpitaux, ont participé à l’étude déjà effectuée dans plusieurs pays étrangers.
Comparativement aux autres pays, dont les Etats-Unis, le Liban enregistre des retards significatifs dans les différents domaines liés à la sécurité des patients, notamment concernant l’impunité des erreurs médicales. Des lacunes ont également été observées au niveau des mesures prises pour protéger le patient. Le Pr Jardali explique que le fait d’ignorer et ne pas admettre les erreurs médicales contribue à en commettre d’autres au lieu d’apprendre de ces erreurs et d’empêcher leur répétition. Au Liban, les professionnels de la santé évitent de dévoiler les erreurs commises et ne se sentent nullement impliqués ou responsables. Près de 81,7% des médecins interrogés considèrent que ces erreurs leur causent du tort et 82,3% craignent qu’elles aient de graves conséquences sur l’avenir de leur profession ou porteront atteinte à leur réputation et ce, même s’ils n’en sont pas responsables personnellement.
L’étude montre, par ailleurs, que le manque de personnel hospitalier et le débordement de ceux qui se chargent des patients, ont des conséquences sur la sécurité de ces derniers. 72,6% admettent un manque de coordination et de communication entre le personnel hospitalier et les différents sujets impliqués dans les soins, 38,9% d’entre eux notent la crainte de dévoiler ou de signaler des erreurs constatées lors des pratiques médicales. De plus, 43,1% craignent de poser des questions lorsqu’ils constatent une faute médicale particulière.
71,8% des médecins participant à l’étude ont admis, pour leur part, que les erreurs médicales sont souvent utilisées contre eux lorsqu’il s’agit d’un accident particulier. 66% soulignent leur crainte de voir ces erreurs médicales s’ajouter à leur dossier personnel et ce, en l’absence de réelles investigations incriminant le véritable responsable.
Des erreurs camouflées
Les employés de l’hôpital affirment, pour la plupart d’entre eux, que les erreurs médicales ne sont jamais signalées ou divulguées même s’il y en a, et constatent un manque de suivi ou d’intérêt de la part des responsables concernant les véritables causes des erreurs commises. A la question si les hôpitaux sont prêts à protéger la sécurité des patients, un infirmier souligne que celle-ci fait partie d’un plan stratégique mais qu’elle n’est malheureusement pas appliquée. «La sécurité des patients devra être une priorité pour tous les hôpitaux libanais comme dans n’importe quel pays développé. Mais le système de santé au Liban contient plusieurs failles empêchant les hôpitaux et les professionnels de la santé d’assurer la sécurité des patients», déclare enfin un médecin interrogé.
NADA JUREIDINI
Une meilleure communication
Le Pr Fadi el-Jardali, estime qu’il est temps d’imposer au Liban une nouvelle culture de la sécurité des patients et d’adopter les mesures nécessaires pour encourager la transparence pour le bien des patients et des hôpitaux. «Le patient a nécessairement le droit de recevoir les meilleurs soins et sa protection devra être une priorité, dit-il. La sécurité des soins doit être un élément-clé d’une culture partagée entre tous: professionnels de santé, patients et usagers. Elle doit contribuer à renforcer la transparence et inciter patients et soignants à une meilleure communication».