Magazine Le Mensuel

Nº 2892 du vendredi 12 avril 2013

Livre

Harley Loco de Rayya Elias. Une vie déballée dans un roman

C’est au Detroit Institute of Arts que le public a la possibilité d’écouter Rayya Elias lire certains passages de son nouveau livre Harley Loco: A Memoir of Hard Living, Hair and Post-Punk from the Middle East to the Lower East Side. Cette musicienne, coiffeuse et cinéaste syro-américaine relate, dans une biographie émouvante, son parcours de la Syrie jusqu’aux rues sombres de New York.

Rayya Elias a bel et bien touché le fond. Sa vie au Lower East Side à New York était pleine d’aventures et de tentations. Bisexualité, addiction aux drogues et aux médicaments, toxicomanie, sans domicile fixe, prison… Bref, Rayya a tout connu. Mais c’est au fond de ses souffrances, de ses endurances, qu’elle puise pour raconter et déballer tout. Son message: on peut changer de vie pour le mieux et sans regret pour son passé.
Mais qu’est-ce qui a mené cette simple jeune fille syrienne à parcourir un tel trajet? Comment expliquer sa notoriété mais aussi sa chute? Née à Alep en 1960, elle a quitté son pays avec sa famille à l’âge de sept ans, pour échapper à la montée des tensions religieuses et politiques. Elle s’installe d’abord à Royal Oak puis à Warren dans le Michigan. Victime d’intimidation à l’école, perturbée par les différences culturelles, les barrières linguistiques, l’hostilité de certains de ses camarades de classe, elle se rebelle assez tôt. En 1983, elle décide de déménager à New York pour devenir une musicienne et subvient à ses besoins avec son talent hors du commun de coiffeuse. Mais ici, l’atmosphère est au mouvement contestataire punk et à la new wave. Le Lower East Side certes l’inspire, mais très vite, ses affaires «passionnés amateurs» des deux sexes tournent mal. La suite, on la connaît: drogue, prison, vie dans la rue. C’est grâce au soutien moral de ses parents qu’elle s’en sortira finalement.
L’auteure à succès Elizabeth Gilbert, à qui on doit notamment le fameux livre Mange, prie, aime  (adapté au cinéma avec Julia Roberts dans le rôle principal), commentera la biographie de Rayya Elias au Detroit Institute of Arts, le 18 avril prochain. D’emblée, Gilbert a rendu hommage à la richesse de ses expériences, à sa réadaptation, sa rééducation, ses secondes chances et surtout à son ultime rédemption spirituelle.
Quant à la prestigieuse revue Kirkus, elle a salué comment Rayya, propre depuis 1997, a suffisamment de distance pour parler de son passé sans vergogne, avec lucidité et intelligence. Ce qu’elle relate est assez dur et ses histoires sont vraiment incroyables.

Pauline Mouhanna (Illinois, Etats-Unis)
 

Harley Loco: A Memoir of Hard Living, Hair and Post-Punk from the Middle East to the Lower East Side, Bloomsbury Publishing, 2013.

Ses réalisations à l’écran
Rayya Elias a dirigé et réalisé deux courts métrages, Anonymous en 2004 et The lunchroom en 2006. Le premier raconte la journée d’une femme lesbienne escroc et le désespoir qui découle de son expulsion. Le second montre comment une jeune fille syrienne de neuf ans se sent étrangère, même si elle essaie de s’intégrer en perdant son accent à l’école. Dans la «lunchroom», elle décide d’abandonner le sandwich qu’elle était si heureuse d’apporter à l’école et de rompre ainsi avec sa culture.
 

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