Magazine Le Mensuel

Nº 2896 du vendredi 10 mai 2013

general

Liban-Syrie. Accords économiques avortés en 1952

Depuis son indépendance, le Liban connaît des hauts et des bas dans ses relations économiques avec la Syrie. L’évolution dans ce domaine n’est pas la même dans les deux pays. Le système économique libéral du Liban lui a valu une ère de prospérité avant la guerre civile de 1975. Il a vu affluer, à Beyrouth, capitaux et investisseurs. Grâce à sa position géographique et à son système bancaire, Beyrouth était un véritable pôle d’attraction dans la région.

L’union douanière entre le Liban et la Syrie avait prévalu jusqu’en 1950. Le 4 février 1952, un premier accord économique est négocié entre les deux pays, suivi le 25 février 1953, par un accord économique transitoire paraphé à Chtaura. La durée de l’accord est de six mois et il devait être le prélude à une union économique ultérieure. Le Liban hésitait à entrer dans une union économique avec un pays dont le système est très différent du sien. Le principe de l’unité monétaire est exclu par le Liban dont la valeur de la monnaie était différente de celle de la monnaie syrienne.
Cependant, cet accord n’est pas approuvé par tous les responsables. Ainsi le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Moussa Moubarak, démissionne. Son portefeuille est confié par intérim au ministre des Finances, Georges Hakim, qui avait négocié l’accord.
Le principe de l’union économique divise le pays. Pierre Gemayel s’y oppose, Rachid Karamé le soutient. Cependant, ceci n’empêche pas les présidents des deux pays, Camille Chamoun et Adib Chichakly de se rencontrer à Bhamdoun, le 15 mars, jour de la signature de l’accord.
Les choses ne s’arrêtent pas là. Le pays est en effervescence. Les milieux sunnites exigeaient l’union économique avec la Syrie. Rachid Karamé et Hachem Husseini vont jusqu’à réclamer l’autonomie de Tripoli. Le comité préparatoire d’un congrès islamique réclame l’union économique avec la Syrie ainsi que d’autres mesures, comme l’équilibre aux postes-clés. Dans les mosquées, les appels à cette union se multiplient. Des chefs religieux chrétiens réunis à Bkerké affirment ne jamais accepter que l’image traditionnelle du Liban soit changée, surtout en ce qui concerne les libertés politiques et religieuses.

Congrès national
Les contacts établis par la suite calment le jeu. Les députés sunnites et chiites réprouvent les demandes du comité préparatoire, tout en maintenant la demande de répartition équitable des fonctions publiques. Un congrès national se tient à la demande des Kataëb mais les sunnites n’y assistent pas. Toutefois, le climat s’apaise et les principaux concernés occultent tout discours à caractère confessionnel.
Le 19 mai, un projet syrien d’union économique est soumis aux dirigeants libanais, mais les pourparlers entre les deux pays n’aboutissent à rien. Une commission mixte est alors formée chargée d’étudier un accord transitoire.
La proposition d’une union monétaire est soumise au gouvernement le 28 décembre 1953. Une discussion houleuse oppose les ministres des Finances, Pierre Eddé et de l’Economie, Rachid Karamé. Le premier a accepté de discuter le projet mais sans parité monétaire qui aboutirait à une dévaluation de la monnaie libanaise. Le second allait dans le sens de l’union monétaire.
A la suite des négociations, la délégation syrienne accepte de maintenir les parités des monnaies en l’état, ainsi que la liberté de change au Liban mais rejette la suggestion libanaise de retour à l’union douanière.
Entre les deux pays, rien ne va plus et aucun changement n’intervient dans le projet d’union. Le 23 novembre 1954, un embargo syrien sur le blé porte Beyrouth à prendre des mesures, alors que des négociations sur l’union avaient repris quelques jours plus tôt. Les Syriens, compréhensifs de la particularité du Liban, renoncent à exiger l’alignement de l’économie libanaise sur la leur et soumettent un nouveau projet d’union économique.
Cette nouvelle orientation suscite des conflits entre Libanais. Le ministre de l’Economie, Rachid Karamé, insiste sur le projet d’union avec la Syrie, les autres ministres ne sont pas enthousiastes. Certains y sont franchement hostiles. Le projet est annulé.
 

Arlette Kassas
 

L’accord transitoire de 1952
L’accord transitoire entre le Liban et la Syrie, signé le 5 mars 1952, stipule la liberté de circulation des capitaux et des importations, ainsi qu’une exonération de taxes allant jusqu’à 55% sur les produits locaux. La libre circulation des personnes n’est pas à l’ordre du jour ni le droit de chaque citoyen d’un pays d’acquérir des biens fonciers dans l’autre.  

 

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