Après son dernier album, Ya, sorti en 2011, la chanteuse libanaise Oumeima el-Khalil sort Zaman. Voix pure et cristalline, compositions audacieuses, textes engagés. Zaman ouvre un vaste champ de possibles.
Un chœur de voix masculines qui scande «Zaman, ya zaman, ya zaman, ya zaman». Le rythme éclate. Un rythme populaire, entraînant, presque dansant. Et voilà qu’Oumeima el-Khalil fait entendre sa voix, un brin sarcastique, un brin critique, toujours pure, tellement pure. Tabaa el-wosta, un titre à la portée sociale, qui peut sembler au premier abord trancher par rapport au répertoire auquel nous a habitués Oumeima el-Khalil, elle qui, dès son plus jeune âge, a accompagné Marcel Khalifeh. Une première chanson autour de cette classe sociale moyenne aujourd’hui disparue, une première chanson dans l’air du temps, moderne, contemporaine, tout en réserve pourtant, en retenue, en élégance. Avant d’enchaîner par une deuxième piste, Niyalak, un nouvel engagement, politique cette fois-ci, puis national, puis régional, révolutionnaire, rebelle. «Nos cartes géographiques changent chaque jour/ Et les frontières sont du sang». Et d’un coup, nous voilà sur des rives romantiques, au détour de l’histoire entre Bint w Sabi, où s’entremêlent le son du muezzin et celui des cloches, où s’entrecroisent espoir et oppression.
Oscillant entre mélancolie, romantisme, engagement, sensation et émotion, Zaman déploie ses neuf pistes portées par la voix d’Oumeima el-Khalil. Neuf pistes qui lui permettent de déployer la versatilité de sa voix aux mille et une intonations, tellement subtiles, tellement identitaires, tellement suggestives. Un album à écouter de préférence, peut-être, les écouteurs dans les oreilles, pour rester attentif au moindre détail, musical, vocal, rythmique, mélodique. Pour saisir et s’imprégner, jusqu’au tressaillement physique, de la moindre modulation du timbre épuré d’Oumeima el-Khalil. Et l’auditeur se laisse emporter à chaque fois dans un univers différent, toujours prêt à se laisser surprendre par le tournant que prend chaque titre.
Ecrin parfait
C’est peut-être en cela que réside la force de ce nouvel opus d’Oumeima el-Khalil, en ses multiples voyages au détour desquels elle emmène l’auditeur, à travers la voix, mais aussi la musique. C’est que les compositions et les arrangements jonglent avec les sons, les sonorités, les traditions, la modernité, les mélodies, tantôt se jouant d’une modernité technologique, tantôt du caractère plus traditionnel du répertoire oriental, en toute harmonie, sans jamais tomber dans la gratuité ou l’excès. Ecrin parfait pour la sensibilité épurée d’Oumeima el-Khalil, à l’instar du poignant titre Leh (Revisited), sur un texte de Yousri el-Fakhrani.
Oumeima el-Khalil s’est entourée sur cet album d’une très solide équipe de compositeurs, d’auteurs et de musiciens. Hani Siblini est essentiellement derrière la composition d’un grand nombre de chansons, partageant cette tâche avec Abboud Saadi sur Niyalak, Basel Rajoub sur Thilalouna et Issam Hajj Ali sur Fi Akher al ashya. Quant aux textes, ils sont signés Abido Bacha, Mohammad el-Abdallah, Germanos Germanos, Hani Nadim, Zahi Wehbé et Mahmoud Darwich.
Zaman donne l’impression à l’auditeur de surfer sur un terrain connu de la musique orientale, et pourtant, il lui ouvre les portes d’un nouvel univers, sensuel et romantique, engagé et éthéré, étrange et familier tout à la fois. L’album instaure un nouveau mode musical, un nouveau monde, entre l’ici et l’ailleurs, un nouveau Zaman, l’espace d’un temps suspendu. Celui d’Oumeima el-Khalil.
Nayla Rached
Entourée de musiciens
Oumeima el-Khalil a été secondée sur Zaman par un très grand nombre de musiciens de renom sur la scène locale, tels Raed el-Khazen (guitare), Fouad Afra (batterie), Basel Rajoub (saxophone), Toni Khalifé (violon), Samir Siblini (ney), Feras Shahrstan et Iman Homsi (qanun), Hussein Khalil (oud), Sary Khalifé (violoncelle), Jeremy Chapman (flûte), Ali el-Khatib (req). Et d’autres musiciens également sur certains titres, à l’instar de Makram Aboul Hosn, Tony Anka, Salman Baalbaki et Hani Siblini.