Magazine Le Mensuel

Nº 2899 du vendredi 31 mai 2013

Affaire Déclassée

Juin 1958. Sami Solh échappe à deux attentats

Au cours de l’été 1958, le Liban vit des événements sanglants. Les incidents se multiplient et la politique du Premier ministre, Sami Solh, suscite de vives réactions. Les manifestations envahissent Beyrouth. Solh, lui-même, n’est pas épargné.

Un manifeste diffusé au cours de la première semaine de juin 1958 exclut de la communauté musulmane le Premier ministre Sami Solh. Quatre des signataires, membres des tribunaux chériés et à ce titre fonctionnaires de l’Etat, sont suspendus et traduits en conseil de discipline. La réaction des exclus et de la «Résistance populaire» relevant de Saëb Salam ne se fait pas attendre. Les manifestants descendent dans les rues de Beyrouth.
Le quartier de Basta, où se trouve la résidence de Sami Solh, est isolé par la gendarmerie et l’armée du reste de la capitale. Il n’a pas été possible, toutefois, d’assurer une sécurité totale. Les miliciens de la «Résistance populaire» et ceux du parti Najjadé relevant de Adnan Hakim appliquent leur propre loi, rendant impossible la mission des forces de sécurité.
Le 14 juin 1958, malgré la présence des forces de l’ordre, des émeutiers assiègent la résidence de Solh à Basta. Des contacts ont lieu pour appeler du renfort, mais les forces de sécurité n’ont pas le temps d’arriver pour protéger la maison. Vers 17h, celle-ci est incendiée. Malgré les multiples incidents qui se succèdent, l’agression contre la maison du chef du gouvernement est inattendue et ne peut pas être passée sous silence.
Suite à l’enquête et aux aveux des émeutiers arrêtés au cours de l’attaque, Sami Solh intente, le 17 juin, une action en justice devant le Tribunal militaire contre Saëb Salam, Abdallah Yafi, Hussein el-Oueyni, Nassim Majdalani et Henri Pharaon, les rendant responsables de l’attaque et de l’incendie de sa résidence.

Explosion télécommandée
Les choses vont ensuite plus vite. Le 29 juillet, un attentat à la voiture piégée vise Sami Solh. Le Premier ministre empruntait habituellement le même trajet pour aller de sa résidence de Beit Méry, à Beyrouth. Ce jour-là, vers huit heures du matin, il prenait le chemin de la capitale. Une motocyclette et une jeep de la gendarmerie le précédaient, et un véhicule de la police secrète suivait sa voiture. Il emprunte la route de Mkallès, son trajet habituel. Rien donc ne laissait présager de la suite des événements.  
A un tournant, une limousine arrêtée au bord de la route n’attire pas l’attention. Elle est stationnée au même endroit depuis quatre jours. Aucune raison pour les forces de sécurité de la vérifier. Le convoi du Premier ministre arrive à proximité de cette voiture, quand soudain une violente explosion retentit. Solh n’a pas le temps de comprendre ce qui venait de se passer quand des coups de feu prennent sa voiture pour cible. Les forces de sécurité qui l’escortent ripostent, mais les assaillants prennent la fuite.
L’enquête devait montrer que la limousine était bourrée de dynamite et qu’elle était garée au même endroit depuis quatre jours endormant la méfiance. Elle laissait croire à une panne. D’ autre part, il s’est avéré que l’explosion était télécommandée d’une distance de 50 mètres. Les assaillants avaient déclenché le système quelques secondes trop tôt. Solh et les gardes échappèrent par miracle. Cependant, le bilan est lourd: six tués dont cinq civils et le gendarme motorisés. Les dégâts matériels sont importants. Une Nash Rambler précédait le convoi, l’agent à moto lui demande de s’arrêter. Le conducteur se gare à côté de la limousine. La puissance souffle la voiture et la jette dans le ravin. Le conducteur et quatre autres personnes qui se trouvaient avec lui, Fayek Srour de Beit Méry, 45 ans, sa femme Nadia née Ayoub, 30 ans, leur fille Thérèse, 13 ans, la sœur de Nadia, Leyla, 22 ans, et Pierre Maroun, neveu de Mgr. Ignace Maroun, ami des Srour, sont tués sur-le-champ.
Sami Solh savait qu’il était menacé. La politique qu’il avait suivie lui avait valu de nombreux ennemis. Mais il est resté sans voix devant l’atrocité de l’attentat. Dans le ravin, gisaient six corps déchiquetés, alors qu’ils étaient innocents et n’avaient rien fait pour mériter un tel sort. L’enquête n’a jamais abouti.

A.K.
 

Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban: le mandat Camille Chamoun de Joseph Chami.

Souscription
Après l’incendie qui a ravagé la maison de Sami Solh à Basta, des députés et des groupes populaires ont ouvert une souscription pour reconstruire le bâtiment.

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