Hishik Bishik show
Divertissement et bien-être
Cela fait des mois que le show a été lancé, au Métro al-Madina, d’abord exclusivement les jeudis, puis les vendredis également. C’est dire le succès qu’il a récolté auprès du public. On en parlait, on en parle tellement dans la ville, encore et encore, de bouche à oreille, au moment où les représentations sont sur le point de se terminer.
Hishik Bishik show. D’emblée le titre de ce spectacle enclenche une réaction mitigée de la part de l’éventuel spectateur. C’est que le terme en soi est plutôt péjoratif, faisant référence aux chansons légères, commerciales et décadentes qui émaillaient les spectacles de cabaret en Egypte durant la première moitié du XXe siècle. Mais rien ne vous prépare à ce que vous allez voir sur la scène du Métro. Un spectacle où tout est étudié dans les moindres détails pour imprégner sur vos lèvres un sourire profond et dans votre esprit une sensation de bien-être. Qui dureront bien au-delà du temps de la représentation. Et resteront vivaces à chaque fois que le souvenir de cette soirée vous effleure.
Il n’est pas facile de présenter en mots le Hishik Bishik show. Il ne s’agit nullement d’une pièce avec une histoire et des personnages facilement cernables. C’est un cabaret dans le vrai sens du terme, qui vous transportera dans l’âge doré de l’Egypte, au cœur d’une ville porteuse de tant d’imaginaire, d’images et de sonorités. Des personnages hauts en couleur, l’alcool qui coule à flots, des musiciens qui donnent le ton, une musique entraînante arrangée par Ziad Ahmadié, des chansons fraîches, enjouées, familières, ancrées dans notre imaginaire collectif, et entonnées avec brio, charme et espièglerie par Yasmina Fayed, une aguichante et sensuelle danseuse du ventre campée par Randa Makhoul, le désir dans tous ses émois, la jalousie de la chair, les ondoiements de couleurs, de tissus, de costumes, de plumes… les séquences se suivent, de plus en plus entraînantes, à mesure que s’amplifie l’engouement du public. Et le mot arabe «farfich» prend tout son sens. Un spectacle de très haut niveau pour un divertissement imparable, simple, populaire dans le sens noble du terme. Du vrai divertissement!
Réservations: (01) 753021 – (76) 309363
Billets en vente à la Librairie Antoine.
La compagnie de théâtre Zoukak
Pas de concessions, pas de compromis
A chaque fois, c’est le coup de foudre qui se renouvelle. A chaque spectacle, à chaque mise en scène, à chaque nouvelle rencontre avec la compagnie de théâtre Zoukak et ses six membres: Omar Abi Azar, Junaïd Sarieddine, Lamia Abi Azar, Maya Zbib, Danya Hammoud et Hashem Adnan. Le coup de foudre à chaque rendez-vous d’idées, ces idées et idéaux qui constituent le fondement même de leur travail et qui transparaissent dans chacun des projets qu’ils donnent à voir, qu’ils présentent au public libanais, partout où ils vont, non seulement à Beyrouth, mais dans toutes les régions libanaises.
Depuis sa fondation en 2006 jusqu’à l’acquisition de son studio, en 2009, à Furn el-Chebbak, Zoukak a longtemps travaillé dans l’ombre, loin du scintillement des feux de la rampe, concentrée sur sa mission de développement des pratiques théâtrales et du travail collectif. Au fil des ans, le cercle d’initiés, de familiers et d’admirateurs de son travail s’agrandissait de plus en plus. C’est que la compagnie est toujours restée fidèle à elle-même, allant toujours de l’avant, n’acceptant jamais aucun compromis ou concession. Zoukak c’est 20 heures de répertoire, 25 heures de performances théâtrales publiques, 40 ateliers de travail au Liban et à l’étranger, 300 workshops avec 9000 femmes, hommes, adolescents et enfants dans différentes régions libanaises, écoles, prisons, centres de réhabilitation, camps de réfugiés… cent entraînements de drama-therapy à travers le théâtre… et tant d’autres actions…
Mais encore faut-il pouvoir financer ces projets et préserver en même temps l’indépendance de la compagnie. Le lundi 17 juin, Zoukak a organisé une soirée spéciale au T-Marbouta, «hafl hafla ihtifal», rassemblant autour d’elle tous ceux qui apprécient son action et aimeraient aider à son financement. Dans une ambiance détendue, amicale, fraternelle, les membres de Zoukak ont accueilli leurs amis et futurs «collaborateurs» et «partenaires» à leur manière bien particulière, en présentant sur la scène improvisée des extraits de leurs performances théâtrales. Une vingtaine de minutes, toujours aussi poignantes et émouvantes.
A chaque nouvelle rencontre avec Zoukak, c’est le coup de foudre qui se renouvelle. Passion, générosité, authenticité, puissance du verbe et du geste théâtraux, conviction profonde en la mission du théâtre, émotions que d’émotions… autant d’idées et d’idéaux qui vous prennent aux tripes, à chaque fois, convaincus d’assister à la création d’une nouvelle scène locale, à la genèse d’un nouveau théâtre libanais. Et pouvoir peut-être y contribuer, selon vos moyens. Parce que le théâtre est après tout une histoire d’individus au cœur d’une collectivité.
Informations: support@zoukak.org – www.zoukak.org
Comme au cinéma
Histoire d’un retour
En 2012, Jean-Claude Codsi a réalisé Un homme d’honneur, son deuxième long métrage. Son premier long, Ana el awãn, histoire d’un retour, vient de sortir sur support DVD. Réalisé en 1994, considéré d’une certaine manière comme «le premier film libanais de l’après-guerre», Bayard du Prix spécial du jury au Festival du film francophone de Namur, Ana el awãn raconte le retour au Liban de Raya (Darina el-Joundi) et Camille (Simon Abkarian). Deux personnes que la guerre a exilées et qui se rencontrent en 1988 sur un bateau en provenance de Chypre avant d’atterrir dans leur pays d’origine. Chacun de son côté et ensemble, ils affronteront leur passé, leur présent, leur avenir, dans un pays où les souvenirs d’enfance, d’adolescence, de joie côtoient sans cesse la guerre qui sévit toujours, son drame, sa cruauté, sa folie. Mettant à l’affiche un casting d’acteurs libanais de grand renom: Antoine Moultaka, Raymond Gébara, Carole Abboud, Gabriel Yammine, Nagi Souraty, Majdi Machmouchi, Carmen Lebbos… Ana el awãn emmène le spectateur de secrets en découvertes, d’amour en humour noir, de famille en amitié, de fuite en réconciliation. Au cœur d’un Liban à jamais marqué, aujourd’hui encore plus qu’hier. A voir et revoir. Surtout maintenant!
Sur les planches
Les papiers de l’amour
Quand l’espoir abat les obstacles
La compagnie Apsara de Genève a présenté du 27 au 29 juin, au théâtre Monnot, la pièce Les Papiers de l’amour, écrite par Slimane Benaïssa, mise en scène par Miguel V. Fernandez et interprétée par Silvia Barreiros, Patrick Brunet et Roberto Molo. Roméo et Juliette, version Proche-Orient. C’est en quelque sorte de cette manière que la pièce peut être présentée. Sauf que là où les amants de Vérone ont succombé, nos protagonistes ont su vaincre l’impossibilité de leur amour. Dans ce monde où l’autre est de plus en plus considéré comme un danger pour notre identité, où l’amour entre deux êtres est lui-même soumis à un contrôle d’identité, de papiers d’identité, Les papiers de l’amour sonne comme le glas de l’espoir.
Rachid est musulman, palestinien, ingénieur vivant à Amsterdam. Il est invité à Genève pour participer à une conférence sur la question israélo-palestinienne. Il l’aperçoit dans l’assistance. Leurs regards se croisent. Elle s’appelle Sarah, est avocate suisse et vit à Genève. Il l’invite à un verre, à un dîner. Leur histoire d’amour commence. Et puis, un jour, il l’entend au téléphone parler en hébreu. Moment fatal. Moment chargé du drame de toute une vie. Moment qui le glace, et du coup, nous glace d’effroi. L’histoire d’amour qui les lie est un drame en devenir qui risque d’éclater à tout moment. L’amour n’est finalement qu’une question de frontières dans ce monde où l’autre ne sera jamais un autre soi-même. La confession, l’identité, l’appartenance à un pays, autant de barrières, d’obstacles à l’universalité, à la liberté de l’amour. Autant de frontières qui ne cesseront de diviser la planète entière. Lui, fils de martyrs. Elle, petite-fille de déportés juifs. Il décide de partir. Mais il revient, quelque temps plus tard. Malgré les silences, les secrets, les larmes, les contradictions, les révélations, ils décident, ensemble, de braver les obstacles, de l’administration suisse, de l’accord parental, de la politique, du monde. «Vous avez fait la paix en un an, alors que l’Onu n’a pas pu le faire en 60 ans».
Il y a des années, en regardant un documentaire, Silvia Barreiros a été émue par l’histoire de cet Israélien qui a perdu sa femme palestinienne dans un attentat kamikaze et s’est retrouvé tout seul alors qu’il avait rompu tous les liens avec sa famille précisément pour pouvoir conclure ce mariage «contre-nature». L’idée d’en faire une pièce de théâtre a aussitôt germé. L’écriture a été confiée à Slimane Benaïssa. Et la pièce Les Papiers de l’amour est née. Dans une mise en scène simple et presque dénudée, à travers un texte riche et tissé de subtilité, d’humour, de jeux de mots et de mots exquis, les acteurs donnent merveilleusement corps à la complexité de leurs personnages et de l’histoire qu’ils vivent. «On peut aimer par désespoir, moi je t’aime par espoir», dit Sarah la juive à Rachid le Palestinien. A travers le théâtre, à travers Les papiers de l’amour, Sarah et Rachid, deux prénoms qui auraient pu, qui auraient dû ne jamais se rencontrer, finissent par fusionner comme un merveilleux oxymore. L’espoir, encore et toujours. L’art un miroir de la réalité ou l’inverse?
Nayla Rached