L’attentat à la voiture piégée, perpétré au premier jour du Ramadan dans le quartier résidentiel de Bir el-Abed, en plein cœur de la banlieue sud, marque une nouvelle étape dans l’importation du conflit syrien sur le territoire libanais. Objectif, pousser le parti et ses partisans à la faute.
Le Hezbollah, son soutien au régime de Bachar el-Assad, son aura sur la communauté chiite et sa force protectrice. En faisant exploser mardi à 11h15 la charge de 35 kilogrammes placée dans une 4×4 Nissan, garée sur le parking du Centre de coopération islamique où se ravitaillent des centaines d’habitants de Bir el-Abed dans la banlieue sud, situé entre les quartiers de Ghobeiry et de Haret Hreik, les commanditaires de l’attentat ont lancé un avertissement sans équivoque au parti. Votre coffre-fort n’est pas invulnérable, semble être leur premier message. Une première brèche avait été ouverte le 26 mai, lorsque deux roquettes Grad tombaient dans le quartier de Chiyah. Mais ici, le symbole est encore plus fort.
Dans cette zone résidentielle et commerçante, aux ruelles toujours vivantes, les habitants, qui balaient les débris de verres soufflés par la déflagration ou qui observent hébétés les rangées de voitures en flammes, se remémorent l’attaque israélienne de 2006. L’épisode a forgé une vraie solidarité de quartier, une vraie détermination face aux ennemis du Hezbollah. Déterminés mais sonnés. Le cratère béant de deux mètres de profondeur et de trois mètres de diamètre a ravivé un souvenir plus lointain. Le 8 mars 1985, à quelques rues de là, une voiture piégée explosait près de la résidence de Mohammad Hussein Fadlallah. Deuxième message des commanditaires.
Bilan léger
Quelques minutes après l’explosion, les pompiers et les ambulances arrivent sur les lieux. Le bilan est heureusement léger. 53 blessés, seuls 12 d’entre eux subiront des opérations. L’hôpital Bahman et celui de Sahel, situés à moins d’un kilomètre au sud et à l’ouest des lieux de l’attentat, les accueillent. A Bir el-Abed, des dizaines de vigiles du Hezbollah investissent les rues pour fluidifier la circulation, coordonner le flux des habitants. Une unité de l’armée se déploie. Le défilé des politiques peut commencer. Les premiers sur les lieux, les députés du Hezbollah, Ali Mokdad et Ali Ammar. «Les menaces politiques et les discours à propos de la banlieue sud qui tentent de semer la discorde se sont traduits aujourd’hui par une explosion dans cette région sûre», explique ce dernier.
Ammar fait ici référence à une vidéo postée quelques jours avant l’attaque de Chiyah à la roquette par le colonel Abdel-Jabbar el-Aqidi, commandant de la rébellion syrienne à Alep, qui menaçait de «frapper vos fiefs à Dahié». Troisième message des commanditaires. Depuis l’entrée du Hezbollah à Qoussair, la rébellion syrienne a placé le parti en tête de sa liste noire. Quelques heures après l’attentat de Bir el-Abed, la «brigade 313», une faction de l’Armée syrienne libre (ASL), revendiquait la responsabilité de l’attentat, dans un communiqué publié sur Facebook. Mais quelques heures plus tard, d’autres cadres de l’ASL démentaient.
La réaction du monde politique libanais est unanime. Saad Hariri a clairement condamné l’attentat «comme tous les Libanais», dénonçant «l’ennemi israélien qui tente d’engendrer une dissension au Liban», et ajoutant qu’il fallait renforcer l’unité nationale «afin de garder le Liban à l’écart des conflits régionaux et d’éviter qu’il ne soit entraîné dans une nouvelle guerre». Ironie de la situation, le ministre israélien de la Défense, Moshé Ayalon, a pris la peine de s’exprimer, affirmant que l’attentat était «le résultat d’un affrontement entre sunnites et chiites», niant tout lien de son pays dans cette histoire.
Après l’attentat, ont été distribués aux habitants de Bir el-Abed des portraits de Nasrallah qu’ils brandissaient haut et fort. Alors que les uns dénonçaient le projet de Fouad Siniora et de Bahia Hariri, les autres chantaient les louanges du Hezbollah. L’escalade des tensions communautaires semble incontrôlable.
Julien Abi Ramia
Marwan Charbel pris à partie
Venu sur les lieux, le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, soupçonné d’accointances avec Ahmad el-Assir, a été violemment pris à partie par des habitants de Bir el-Abed, le contraignant, lui, ses gardes du corps et le juge Sakr Sakr, chargé de l’enquête, de se réfugier dans un immeuble du quartier avant de quitter la zone.