Magazine Le Mensuel

Nº 2907 du vendredi 26 juillet 2013

Semaine politique

Alain Juppé, ex-ministre français des A-E. Le Liban a traversé des périodes plus difficiles

Alain Juppé, une grande figure de la politique française, est venu à Beyrouth, où il a rencontré des investisseurs libanais dans le cadre de la promotion de la ville de Bordeaux dont il est actuellement le maire. Magazine a effectué un tour d’horizon politique avec l’ancien Premier ministre et ministre des Affaires étrangères français.

Ce qui se passe est compliqué d’autant plus que personne n’a une vision claire des événements en cours. Lorsque je suis entré au gouvernement (de François Fillon en tant que ministre des Affaires étrangères) en 2011, c’était le déclenchement du Printemps arabe, et le choix de la France a été de ne pas ignorer les aspirations des peuples à la liberté. Nous avons par le passé soutenu des régimes dictatoriaux, mais nous aurions trahi nos valeurs et nos principes si nous n’avions pas soutenu ces mouvements notamment en Libye, en Tunisie et en Syrie, où les manifestations étaient pacifiques au début. Faut-il le regretter aujourd’hui? Je réponds résolument non. Nous sommes dans un processus de transition révolutionnaire qui sera long et difficile mais il y a des signes d’espoir. Nous devons observer attentivement ce qui se passe en Tunisie, où se battent ceux qui soutiennent la démocratie et la laïcité. Quant à la Syrie, j’ai dit mon impuissance face à la tragédie qui s’y déroule et celle de la communauté internationale, et surtout le blocage aux Nations unies dont la Russie porte la responsabilité. Je suis incapable de prédire ce qui va se passer en Syrie car l’opposition a ses faiblesses et nous n’avons pas d’interlocuteur.

Pensez-vous que les hésitations de l’Occident et l’absence de soutien clair à l’opposition syrienne n’ont fait qu’aggraver la situation?
Nous sommes habitués, en Occident, à porter le chapeau, on nous a accusés d’être trop faibles ou trop hésitants. Je crois que cela est injuste. La France n’a pas été hésitante car le président français a condamné la répression, mais avoir recours à la force est une décision lourde de conséquences dans le contexte actuel des Nations unies. L’autre question qui se pose également est à qui livrer les armes? Les responsabilités sont partagées et nous avons fait tout ce que nous avons pu en commençant par la reconnaissance de la Coalition syrienne. L’Iran joue également un rôle dans ce problème, il peut jouer un rôle dans la solution, qui pourrait être d’ordre politique, mais dont je ne vois toujours pas l’amorce.

D’ici décembre, près d’un habitant sur trois au Liban sera un ressortissant syrien. Quel soutien la France pourrait-elle apporter au Pays du Cèdre afin de l’aider à affronter ce nouveau défi?
Les chiffres sont difficiles à cerner. Est-ce qu’on en est à 600 000 ou un million? C’est un fardeau pour le Liban à qui nous apportons déjà une aide humanitaire et logistique.

Quel est l’avenir de la Finul si le Hezbollah est placé sur la liste des organisations terroristes? (L’interview a été recueillie avant la décision de l’Union européenne).
Je suis moins pessimiste que vous sur la capacité des Libanais à résister. Le Liban a traversé des périodes plus difficiles. Nous avons réduit le format de la Finul. Et nous continuons à appeler à la stabilité.

Quelle serait la position de la France au cas où le président Bachar el-Assad resterait au pouvoir?
Le maintien de Bachar el-Assad est inenvisageable, il est responsable du massacre de plus de 100 000 personnes. Je ne vois pas comment il pourrait rester au pouvoir. S’il y a une solution de transition ce serait une autre affaire.

Propos recueillis par Mona Alami

Développement et politique
Interrogé sur Bordeaux, la ville dont il est le maire, Alain Juppé a répondu: «Nous avons de grands projets à Bordeaux, de nouveaux quartiers, des logements, des bureaux, des commerces, des hôtels, un centre d’affaires. Le développement de lignes de trains à grande vitesse va permettre de relier la ville à Paris en deux heures. Ce que j’ai tenté de communiquer aux investisseurs libanais. Bordeaux dispose également d’un pôle aéronautique et spatial important, un laser de grande puissance unique au monde, une grande forêt, une grande attractivité touristique, le développement de nouveaux secteurs comme la filière numérique. Mon deuxième objectif était de voir le travail de l’architecte Youssef Tohmé à qui a été confiée la construction des nouveaux 
quartiers de la ville».

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