L’enchevêtrement des économies du Liban et de Syrie apparaît de plus en plus évident. Le Pays du Cèdre peine à mener le processus d’intégration des réfugiés syriens sur le triple plan du marché du travail, de la santé et de l’éducation. La raison est simple: il n’a pas les moyens de le faire. Une étude effectuée par l’Escwa a montré que le taux de chômage dans le pays atteindrait 29% en 2014 si des mesures ne sont pas prises pour le contrôle par l’Etat du marché du travail, qui subit les pressions de la croissance des réfugiés syriens à la recherche d’emplois. Le Liban souffre déjà d’un problème de sous-emploi. Près de 3000 offres d’emplois sont disponibles sur le marché en rythme annuel, alors qu’il faudrait en créer 25000. La force active dans le pays représente à l’heure actuelle près de 200000 personnes. Le gouvernement, par la bouche du ministre sortant des Affaires sociales, Waël Abou Faour, a annoncé que toutes les boutiques ouvertes récemment par des Syriens qui bénéficient d’allocations et d’aides sociales seront fermées sans préavis. Un récent recensement effectué conjointement par la municipalité de Zahlé et la Chambre d’industrie et de commerce du chef-lieu de la Békaa a montré qu’il existe à ce jour 377 points de vente d’articles divers ouverts et gérés illégalement par des Syriens dans le mohafazat de la Békaa. Si les chiffres officiels ont fait état d’un flux de fonds syriens vers le Liban d’un montant de 11 milliards de dollars pour l’année en cours, seul un milliard de dollars du total de ce flux de capitaux a été investi dans l’économie nationale.
Par ailleurs, les violences en Syrie ont continué à entraver un mouvement normal du transport terrestre du Liban vers l’hinterland arabe, affectant à la baisse l’ensemble des revenus douaniers. En termes de chiffres, les revenus douaniers, y compris les recettes de la TVA, ont reculé de 6,2% en rythme annuel au 1er semestre de 2013 comparés à ceux collectés sur la même période un an auparavant. Ils ont totalisé en 2012 près de 1,42 milliard de dollars contre 1,52 milliard. Mais le fait marquant est que les recettes de la TVA ont régressé de 10% sur un an, atteignant 684,45 millions de dollars. La répartition des revenus douaniers a été comme suit: le port de Beyrouth a maintenu la part du lion avec 85,4% ou 1,22 milliard de dollars; l’aéroport international Rafic Hariri 9,1%; le port de Tripoli 3,6%. Il ne reste plus pour le transport terrestre qu’une part insignifiante de 1,9%.
Ces résultats sont reflétés par la baisse des importations de janvier à juin 2013, alors même que le nombre des résidents au Liban est en train de croître. Le total des importations a totalisé à fin juin 8481 millions de dollars, régressant de 228 millions sur un an. L’interprétation que donnent certains experts à ce phénomène est que le Liban importait dans les années précédentes des produits pour la consommation pour les marchés local et syrien. Nombreux étaient les produits qui faisaient l’objet d’un commerce parallèle avec le voisin. Ce qui n’est plus de mise pour l’instant. Sur le plan médical, une source hospitalière a confié que les réfugiés syriens représentent une réelle pression sur le corps médical et paramédical, révélant que le coût de soins d’un million de Syriens représenterait près de 800 millions de dollars par an. Déjà, les hôpitaux libanais souffrent d’un problème de trésorerie pesant. Les plafonds financiers supposés couvrir les prix des soins hospitaliers assurés par le ministère de la Santé par certains hôpitaux sont loin de correspondre aux coûts réels des services médicaux, ce qui les contraint par moments à refuser d’accepter des patients qui se soignent aux frais du secteur public.
Liliane Mokbel